Infos du CA de SUdF
Discours de Marc GIROUD, Président de Samu de France ...
... en présence du Ministre Xavier BERTRAND, au Congrès Urgences 2006
D’extraordinaires progrès ont été réalisés ces 20 dernières années.
Vous y avez, Monsieur le Ministre, apporté une contribution marquante.
Votre présence aujourd’hui (et pas seulement aujourd’hui) est la marque de votre intérêt. Merci.
Avec Gérard Bleichner, nous vous avons, il y a quelques jours, fait part de notre satisfaction à la publication des décrets urgences.
Je souligne ici à nouveau la qualité – l’exemplarité - de la concertation conduite au sein de votre Ministère. À travers son directeur, Jean Castex, j’en remercie la Dhos. Et tout particulièrement Myriam Revel qui a conduit nos travaux.
Avec ces textes, l’organisation de l’urgence va encore progresser.
Rapidement, quelques avancées majeures :
- l’implication de l’hôpital tout entier dans la prise en charge des urgences
- le réseau de l’urgence
- le répertoire des ressources,
- les fiches de dysfonctionnement,
- les équipes Smur : avec un ambulancier, un infirmier et un médecin
- les infirmières d’accueil et d’organisation dans les Services des urgences.
Mais, Monsieur le Ministre, nous ne pouvons pas ne pas vous faire part de nos inquiétudes.
Vous êtes d’ailleurs venu là ce matin, comme vous aimez le faire, pour entendre aussi ce qui pose problème.
Pour schématiser : des inquiétudes, nous en avons essentiellement quatre.
La première, vous le savez, concerne la nouvelle gouvernance.
J’évoquais il y a un instant les extraordinaires progrès réalisés et je soulignais le rôle de votre Ministère.
C’est que, précisément, ces progrès ont tous été le résultat de la rencontre entre l’engagement des acteurs de terrain et une politique de l’Etat. Une politique volontariste de l’Etat.
Ces progrès n’ont jamais été le fruit d’un engagement spontané des hôpitaux en faveur de l’urgence.
Ce que nous entendons dans nos établissements, c’est qu’ « on en fait trop pour l’urgence ! », c’est que l’urgence dérange (et les urgentistes aussi, d’ailleurs …), c’est que, les urgences, il faudrait, au moins, que ça trie les « beaux malades » ; c’est-à-dire ceux qui font de la T2A !
Nous sommes vraiment très inquiets à l’idée de voir les pôles, défaire demain (peut-être en quelques mois ?) ce que les différents « plan urgences » auront fait en tant d’années.
Les risques, plus concrètement, où les voit-on ?
- d’abord, dans le redéploiement des ressources, qui iront là où ce sera jugé le plus rentable pour l’établissement ; et ce redéploiement pourrait tout aussi bien porter aussi sur les ressources qui avaient été « fléchées » pour les urgences.
- Le risque, nous le voyons dans la nomination locale des praticiens : nous voyons déjà des responsables de pôles (lorsque ce ne sont pas des professionnels de l’urgence) préparer leur bataille de demain : faire en sorte que l’urgence, enfin !, « rapporte des actes » et « trie » les patients en fonction de leur rentabilité pour l’établissement.
Ce n’est pas, Monsieur le Ministre, ce que les professionnels que vous avez devant vous apprennent à faire en venant dans ce Congrès.
Ce seraient donc d’autres médecins qui demain pourraient être nommés par les chefs de pôles pour servir les « nouvelles logiques hospitalières » centrées sur la rentabilité.
Ces médecins seraient des médecins qui seraient allés se former (ailleurs qu’ici bien entendu) au maniement subtil de la T2A et du Migac et à la « régulation médicale sélective ».
Deuxième inquiétude : la permanence des soins.
Peut-on d’ailleurs parler encore de « permanence des soins » ?
Nous sommes prêts, nous vous l’avons dit, à comprendre les nécessaires évolutions et à assumer les responsabilités que la collectivité entend confier à présent aux hospitaliers.
Mais nous vous demandons, Monsieur le Ministre, comme cela a été parfaitement fait pour les décrets urgences, d’engager une réflexion en profondeur pour revoir le dispositif dans sa globalité (en effaçant au passage la dualité pernicieuse entre votre Ministère et l’Assurance maladie).
Il faut en effet trouver rapidement des réponses aux questions sensibles que je ne peux qu’énumérer:
- organisation des quelques visites indispensables qui sont à faire après minuit,
- gestion des ponts, et des épidémies,
- organisation de la ville et organisation du milieu rural, pour garantir l’égalité d’accès à des prises en charge de qualité.
Il y a une urgence toute particulière à travailler les questions qui concernent la régulation médicale. Car les urgentistes que vous avez devant vous s’épuisent sur ce front, que les plus jeunes commencent à déserter.
Tant les responsabilités y sont lourdes et les conditions de travail harassantes … et avec, en prime, la double insatisfaction de ne pas trouver les effecteurs disponibles pour la PDS et de voir que les demandes les plus lourdes attendent parfois de longues minutes qu’un permanencier puisse enfin décrocher.
La désertion des jeunes urgentistes de la régulation médicale, ce n’est pas un bon signe, n’est-ce pas ?
Le recours aux régulateurs généralistes est, certes, un atout majeur.
Mais ne nous y trompons pas : ils ne peuvent être que complémentaires. Et une partie des questions que nous nous posons aujourd’hui avec SOS Médecins (et je sais que suivez avec attention les progrès de notre coopération) tournent autour de la question de la compétence des régulateurs généralistes.
Troisième préoccupation : l’avenir des métiers de l’urgence.
Nous demandons qu’une réflexion soit engagée sur l’avenir des « métiers de l’urgence ». Que sera le métier d’urgentiste dans 10 ans ?
Cette question est à aborder sous tous les angles :
- démographie médicale,
- pyramide des âges
- carrières,
- travail de nuit, temps de travail,
- pénibilité, incitations,
- juxtaposition, demain, d’urgentistes issus du cursus actuel de la formation par la Cmu et ceux qui seront issus du futur cursus du Desc,
Quatrième préoccupation : la formation continue des professionnels de l’urgence, médecins et paramédicaux.
Il faut absolument trouver un cadre pour garantir aux professionnels un réel accès à une formation continue capable de répondre aux besoins.
Les paramédicaux ont d’insurmontables difficultés ne serait-ce qu’à venir à ces congrès.
La médecine d’urgence est le « parent pauvre » de la formation continue hospitalière dont le financement, souvent extérieur, valorise les spécialités fortement consommatrices de médicaments coûteux.
Or, une telle insuffisance de moyens est en totale contradiction avec les besoins en formation des professionnels de l’urgence. Besoins qui sont, eux, les plus importants de toutes les spécialités médicales, du fait de l’extrême polyvalence des situations à prendre en charge en urgence.
Voilà, Monsieur le Ministre, nos préoccupations.
Je sais que nous pouvons compter sur vous pour les entendre et pour partager notre projet de faire de la médecine d’urgence une discipline à part entière, avec un haut niveau d’organisation, de formation et de recherche. Et avec, enraciné, un sens profond du service public. Afin de garantir au patient la sécurité et la qualité qu’il attend de nous. En tout lieu du territoire. Et d’honorer ainsi la confiance qu’il nous témoigne … Ce qui est notre seule ambition.
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D’extraordinaires progrès ont été réalisés ces 20 dernières années.
Vous y avez, Monsieur le Ministre, apporté une contribution marquante.
Votre présence aujourd’hui (et pas seulement aujourd’hui) est la marque de votre intérêt. Merci.
Avec Gérard Bleichner, nous vous avons, il y a quelques jours, fait part de notre satisfaction à la publication des décrets urgences.
Je souligne ici à nouveau la qualité – l’exemplarité - de la concertation conduite au sein de votre Ministère. À travers son directeur, Jean Castex, j’en remercie la Dhos. Et tout particulièrement Myriam Revel qui a conduit nos travaux.
Avec ces textes, l’organisation de l’urgence va encore progresser.
Rapidement, quelques avancées majeures :
- l’implication de l’hôpital tout entier dans la prise en charge des urgences
- le réseau de l’urgence
- le répertoire des ressources,
- les fiches de dysfonctionnement,
- les équipes Smur : avec un ambulancier, un infirmier et un médecin
- les infirmières d’accueil et d’organisation dans les Services des urgences.
Mais, Monsieur le Ministre, nous ne pouvons pas ne pas vous faire part de nos inquiétudes.
Vous êtes d’ailleurs venu là ce matin, comme vous aimez le faire, pour entendre aussi ce qui pose problème.
Pour schématiser : des inquiétudes, nous en avons essentiellement quatre.
La première, vous le savez, concerne la nouvelle gouvernance.
J’évoquais il y a un instant les extraordinaires progrès réalisés et je soulignais le rôle de votre Ministère.
C’est que, précisément, ces progrès ont tous été le résultat de la rencontre entre l’engagement des acteurs de terrain et une politique de l’Etat. Une politique volontariste de l’Etat.
Ces progrès n’ont jamais été le fruit d’un engagement spontané des hôpitaux en faveur de l’urgence.
Ce que nous entendons dans nos établissements, c’est qu’ « on en fait trop pour l’urgence ! », c’est que l’urgence dérange (et les urgentistes aussi, d’ailleurs …), c’est que, les urgences, il faudrait, au moins, que ça trie les « beaux malades » ; c’est-à-dire ceux qui font de la T2A !
Nous sommes vraiment très inquiets à l’idée de voir les pôles, défaire demain (peut-être en quelques mois ?) ce que les différents « plan urgences » auront fait en tant d’années.
Les risques, plus concrètement, où les voit-on ?
- d’abord, dans le redéploiement des ressources, qui iront là où ce sera jugé le plus rentable pour l’établissement ; et ce redéploiement pourrait tout aussi bien porter aussi sur les ressources qui avaient été « fléchées » pour les urgences.
- Le risque, nous le voyons dans la nomination locale des praticiens : nous voyons déjà des responsables de pôles (lorsque ce ne sont pas des professionnels de l’urgence) préparer leur bataille de demain : faire en sorte que l’urgence, enfin !, « rapporte des actes » et « trie » les patients en fonction de leur rentabilité pour l’établissement.
Ce n’est pas, Monsieur le Ministre, ce que les professionnels que vous avez devant vous apprennent à faire en venant dans ce Congrès.
Ce seraient donc d’autres médecins qui demain pourraient être nommés par les chefs de pôles pour servir les « nouvelles logiques hospitalières » centrées sur la rentabilité.
Ces médecins seraient des médecins qui seraient allés se former (ailleurs qu’ici bien entendu) au maniement subtil de la T2A et du Migac et à la « régulation médicale sélective ».
Deuxième inquiétude : la permanence des soins.
Peut-on d’ailleurs parler encore de « permanence des soins » ?
Nous sommes prêts, nous vous l’avons dit, à comprendre les nécessaires évolutions et à assumer les responsabilités que la collectivité entend confier à présent aux hospitaliers.
Mais nous vous demandons, Monsieur le Ministre, comme cela a été parfaitement fait pour les décrets urgences, d’engager une réflexion en profondeur pour revoir le dispositif dans sa globalité (en effaçant au passage la dualité pernicieuse entre votre Ministère et l’Assurance maladie).
Il faut en effet trouver rapidement des réponses aux questions sensibles que je ne peux qu’énumérer:
- organisation des quelques visites indispensables qui sont à faire après minuit,
- gestion des ponts, et des épidémies,
- organisation de la ville et organisation du milieu rural, pour garantir l’égalité d’accès à des prises en charge de qualité.
Il y a une urgence toute particulière à travailler les questions qui concernent la régulation médicale. Car les urgentistes que vous avez devant vous s’épuisent sur ce front, que les plus jeunes commencent à déserter.
Tant les responsabilités y sont lourdes et les conditions de travail harassantes … et avec, en prime, la double insatisfaction de ne pas trouver les effecteurs disponibles pour la PDS et de voir que les demandes les plus lourdes attendent parfois de longues minutes qu’un permanencier puisse enfin décrocher.
La désertion des jeunes urgentistes de la régulation médicale, ce n’est pas un bon signe, n’est-ce pas ?
Le recours aux régulateurs généralistes est, certes, un atout majeur.
Mais ne nous y trompons pas : ils ne peuvent être que complémentaires. Et une partie des questions que nous nous posons aujourd’hui avec SOS Médecins (et je sais que suivez avec attention les progrès de notre coopération) tournent autour de la question de la compétence des régulateurs généralistes.
Troisième préoccupation : l’avenir des métiers de l’urgence.
Nous demandons qu’une réflexion soit engagée sur l’avenir des « métiers de l’urgence ». Que sera le métier d’urgentiste dans 10 ans ?
Cette question est à aborder sous tous les angles :
- démographie médicale,
- pyramide des âges
- carrières,
- travail de nuit, temps de travail,
- pénibilité, incitations,
- juxtaposition, demain, d’urgentistes issus du cursus actuel de la formation par la Cmu et ceux qui seront issus du futur cursus du Desc,
Quatrième préoccupation : la formation continue des professionnels de l’urgence, médecins et paramédicaux.
Il faut absolument trouver un cadre pour garantir aux professionnels un réel accès à une formation continue capable de répondre aux besoins.
Les paramédicaux ont d’insurmontables difficultés ne serait-ce qu’à venir à ces congrès.
La médecine d’urgence est le « parent pauvre » de la formation continue hospitalière dont le financement, souvent extérieur, valorise les spécialités fortement consommatrices de médicaments coûteux.
Or, une telle insuffisance de moyens est en totale contradiction avec les besoins en formation des professionnels de l’urgence. Besoins qui sont, eux, les plus importants de toutes les spécialités médicales, du fait de l’extrême polyvalence des situations à prendre en charge en urgence.
Voilà, Monsieur le Ministre, nos préoccupations.
Je sais que nous pouvons compter sur vous pour les entendre et pour partager notre projet de faire de la médecine d’urgence une discipline à part entière, avec un haut niveau d’organisation, de formation et de recherche. Et avec, enraciné, un sens profond du service public. Afin de garantir au patient la sécurité et la qualité qu’il attend de nous. En tout lieu du territoire. Et d’honorer ainsi la confiance qu’il nous témoigne … Ce qui est notre seule ambition.