Infos du CA de SUdF
In memoriam. Maurice CARA, pionnier de la médecine d’urgence pré-hospitalière
Maurice CARA, pionnier de la médecine d’urgence pré-hospitalière[1]
Curieux de tout et prompt à imaginer des applications inédites, Maurice CARA - médaillé de la Résistance, preuve s’il est de son intelligence et du courage de son engagement - n’a jamais craint de s’aventurer bien au-delà des limites de la médecine conventionnelle. Ceux qui l’ont connu savent bien qu’il prenait même un plaisir malicieux à déranger les idées reçues. Sa vie fut une longue suite de combats jusqu’au bout de ses intuitions.
Après des travaux, dès 1947, en physiologie respiratoire Maurice CARA s’est intéressé à la ventilation artificielle et à la discipline naissante de l’anesthésie. La voie de l’anesthésie, à l’époque, était très étroite. Rares étaient ceux qui savaient y deviner les formidables perspectives de cette discipline souvent raillée. Plus rares encore étaient ceux qui, au sein de cette discipline naissante, ont su, dans les années 50, entrevoir les horizons lointains de l’urgence pré-hospitalière.
Les grandes épidémies de poliomyélite du milieu du siècle dernier avaient mis en évidence la nécessité de transporter des patients sous ventilation artificielle. Le drame des accidents de la route, avec à l’époque son lot impressionnant de traumas thoraciques, démontrait au quotidien cette même nécessité. Tandis qu’ailleurs en France, d’autres pionniers inventaient les premiers Smur pour aller « au pied de l’arbre », Maurice CARA comprenait qu’en Région Parisienne le problème était surtout de permettre au blessé accueilli dans un modeste hôpital de proximité d’être transporté vers un grand centre de réanimation au cœur de la capitale. Les « Ambulances CARA » sont alors devenues le plus grand Smur de transports inter-hospitaliers de France (et donc du monde !). Les patients pouvaient y être transportés, non seulement en ambulances de mieux en mieux aménagées, mais aussi en hélicoptères et en avions sanitaires. Il s’agissait alors de transporter vers l’Assistance Publique de Paris des patients de la France entière aussi bien que d’Afrique du Nord Il s’agissait aussi de transporter au cœur de Paris les patients d’un établissement hyperspécialisé à un autre (les opérations de chirurgie cardiaque pédiatriques se faisant, par exemple, dans un hôpital tandis que la réanimation immédiatement post-opératoire se faisait dans un autre). En appui technologique de cette formidable entreprise, Maurice CARA stimulait le développement et la normalisation des équipements médicaux transportables et œuvrait au sein de l’aviation civile et militaire pour y faire admettre sa conception du transport médical régulé. La médecine d’assistance, autre originalité française, y est née, avec aux origines une très étroite imbrication entre les équipes médicales du Pr CARA et d’Europe Assistance. Le quotidien de cette organisation unique était d’une étonnante variété. Ce qui en a fait l’une des grandes écoles fondatrices de ce qui allait devenir la médecine d’urgence pré-hospitalière.
Ses élèves se souviendront avec une respectueuse gratitude.
Les Smur, les Samu et les urgentistes dans leur ensemble, le reconnaîtront comme l’un des pionniers fondateurs.
Marc GIROUD
Président de Samu de France
[1] Chef du service mobile de réanimation des hôpitaux de Paris depuis 1956, puis Directeur du SAMU de Paris de 1972 à 1984.