Infos du CA de SUdF
Le bilan de la canicule 2006
« N’en a-t-on pas fait un peu trop, quand même ? »
« Et cet hiver, faudra-t-il, sur les panneaux des autoroutes, qu’on nous dise de nous couvrir ! »
Pour certains, la limite du raisonnable a été franchie et la gestion de la dernière canicule est une occasion de plus de dénoncer le principe de précaution.
Mais ce n’est pas, à nos yeux, le bon raisonnement. C’est même un raisonnement dangereux. Et la conclusion pertinente qui s’impose est que l’action publique qui a été conduite face au risque caniculaire était nécessaire et qu’elle a été un succès.
Cet objectif a été atteint. Et que l’on ne vienne pas dire que c’est qu’il a seulement « fait un peu chaud ». Non ! il a fait beaucoup plus qu’un peu chaud. L’analyse des cas des patients reçus pendant cette période le démontre sans discussion possible : 112 décès directement imputables à la chaleur : 66 personnes âgées de plus de 75 ans, 26 personnes âgées de moins de 75 ans souffrant généralement déjà d’une pathologie lourde, 12 travailleurs du BTP, 4 sportifs, 3 SDF, 1 nourrisson (source : InVS, 3 août). Ceci alors que Météo France classe la canicule de ce mois de juillet 2006 juste après celle d’août 2003.
Impossible, bien sûr, d’estimer le nombre de morts évitées. Mais 100 fois moins de morts qu’en 2003, pour une canicule juste un peu moins forte, c’est indéniablement un succès.
Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ce succès. La politique définie depuis 2003 est pertinente et globale, impliquant l’ensemble des maillons d’une longue chaîne, depuis Météo France jusqu’aux hôpitaux. Cette politique a été animée par un Ministre de la Santé très présent, à l’écoute, réactif, voire intransigeant. L’hôpital s’est préparé comme jamais il ne l’avait fait. Mais l’essentiel s’est, en fait, joué avant l’hôpital.
La première ligne est celle du contact direct et quotidien avec les personnes âgées. C’est sur ce front-là qu’une bataille de la canicule se gagne ou se perd. Et ce combat, c’est le combat des familles et des collectivités locales.
Notre inquiétude, un moment, a été que la partie ne soit gagnée que dans les établissements pour personnes âgées – compte tenu des efforts réalisés à travers les plans bleus -, et que l’issue soit, en revanche, beaucoup plus incertaine pour les personnes âgées isolées. Or, la bataille a, bel et bien, été gagnée sur les deux fronts. Le mérite en revient aux acteurs sociaux et aux collectivités territoriales.
C’est le triomphe de la prévention.
Et la difficulté, demain, sera de maintenir la mobilisation. En effet, il n’y a rien de plus démobilisateur qu’une prévention qui porte ses fruits, effaçant des esprits la perception intuitive du problème et finissant même par faire douter du risque.
Un point non abordé jusque-là pourrait représenter une perspective d’amélioration de la prise en charge en urgence des personnes âgées en institution ou en soins à domicile : le dossier patient. En effet, l’intervention des structures d’urgences hospitalières (régulation médicale par le Samu et prise en charge ultérieure) serait facilitée par l’existence d’un dossier médical accessible de jour comme de nuit, régulièrement mis à jour et comportant, le cas échéant, les indications relatives à la fin de vie. Dossier qui manque le plus souvent aujourd’hui.
En dépit de certaines insuffisances qui ont été dénoncées à juste titre, il convient de souligner que l’hôpital public a fait face avec une grande efficacité à ses responsabilités de service public. L’institution hospitalière s’est mobilisée comme elle le devait et la communauté des professionnels de l’hôpital s’est rapidement et fortement impliquée pour assurer les renforts, rechercher et mettre en œuvre les solutions appropriées, faire remonter les informations ... La réunion quotidienne, dans chaque hôpital, d’une « cellule de crise canicule » a permis d’ajuster en temps réel les dispositions à prendre. Elle a aussi été une excellente occasion de partager plus largement au sein de la communauté hospitalière les difficultés quotidiennes de la pratique de l’urgence.
Il convient à présent de veiller à ce que les conclusions constructives qui ont pu être tirées à chaud servent à faire progresser encore la capacité de l’hôpital à gérer l’urgence, aussi bien au quotidien qu’en situation de crise
Une clinique de la région parisienne a décidé de fermer son site d’urgences la nuit en juillet et août. Cette décision prise, en pleine période de risque caniculaire, a constitué un affaiblissement du dispositif, une gêne et un risque pour les patients, ainsi qu’un report de charge sur les structures publiques d'urgences voisines. La décision de fermeture prise par la direction - et acceptée sans aucune réaction par les professionnels de l’établissement (ni, d’ailleurs, dénoncée par la représentation nationale des établissements privés) - donne une indication sur l’idée qu’ils se font eux-mêmes sur l’utilité de leur structure et sur leur engagement dans le service d’intérêt général dû aux patients. La lenteur et la relative mollesse de la réaction de l’ARH montre bien que, pour les autorités, ce type de structure n’est pas, non plus, une pièce essentielle du dispositif. Ce qui éclaire d’un jour nouveau la réflexion sur les petites structures d’urgences. Notamment, celles qui n’ont pas de pertinence territoriale (la clinique en question est à 3 km d’un très grand centre hospitalier).
Il faudra donc, à l’occasion de l’application des nouveaux décrets urgences, reprendre, au cas par cas, l’analyse de chaque situation de terrain. Ou bien un établissement a une place déterminante dans le schéma des urgences et les autorités devront alors s’assurer de ce qu’il dispose effectivement des moyens de fonctionner et, absolument, interdire qu'il puisse, le cas échéant, fermer inopinément. Ou bien ce n’est pas le cas, et les ressources devront être réorientées vers les structures (publiques ou privées, mais très généralement publiques) qui assurent effectivement la charge d'un service continu, seul garant de la sécurité due aux patients.
La grève des cliniques durant la canicule n’aura, finalement eu que peu d’impact sur l’organisation des urgences, en dépit d’un suivi de cette grève présenté comme important par ses promoteurs. Les autorités sanitaires n’ont d’ailleurs pas eu à procéder à des réquisitions en masse. Ceci confirme que le socle de la réponse à la crise est l'hôpital public et que ce socle, bien qu'éprouvé, est solide, et perçu comme tel par la population et les autorités. Obstétrique mise à part, et en dehors de certaines situations particulières (voire exemplaires), la place du secteur privé dans l’accueil des urgences n'est, en réalité, que complémentaire et subsidiaire. De nombreuses Upatou (selon la terminologie ancienne) sont, en fait, des structures « politiques » ou « historiques », mais pas vraiment indispensables, ni territorialement pertinentes. Parfois, même, le doublon est manifeste quand l’établissement privé est très proche d’un centre hospitalier comme dans le cas évoqué plus haut. Généralement, en outre, la structure privée n’accueille que « sous condition ». Une de ces conditions étant de disposer d’un lit d’aval, sinon le patient doit être dirigé vers l’hôpital voisin … qui, lui, dans sa vocation de service public complètement assumée, « poussera les murs » pour assurer, tant bien que mal, l’accueil du patient. De tout patient, sans aucune distinction.
Nous avions, lors de l’élaboration des Sros, beaucoup entendu les ARH expliquer la nécessité d'une complémentarité public-privé, voire d'une certaine "égalité" à respecter. Les faits doivent aujourd'hui faire réfléchir. Et le discours, demain, devra être réajusté à la lumière des leçons de cet été. Les urgences publiques, sur lesquelles repose la confiance de tous, devront être renforcées. Nombre de structures d'urgences privées non strictement indispensables devraient devenir des consultations de jour. La souplesse apportée par le nouveau décret urgences devrait d’ailleurs permettre de fermer telle ou telle structure d’urgences privées tout en incluant la clinique concernée dans le « réseau des urgences » pour des accueils ciblés.
Au moment où les financements du "Plan Urgences" s'épuisent, alors que les besoins des structures assurant effectivement la prise en charge des urgences ne sont pas aujourd'hui couverts comme ils devraient l'être et que la croissance de la demande parvenant aux Samu-Centres 15 a effacé le bénéfice des mesures prises antérieurement, il importe que les financements publics soient utilisés avec la plus grande efficacité. Ils doivent désormais être consacrés aux seules structures d’urgences qui font, jour après jour et nuit après nuit, la preuve de leur nécessité et de leur efficacité au service des malades, sans distinction aucune.
Considérant que « l'appel à la solidarité fait partie de la responsabilité des pouvoirs publics », le ministre de la santé, Xavier Bertrand, a lancé un appel aux professionnels de santé étudiants ou retraités afin de renforcer les équipes des Samu et des services d'urgence. Cet appel est intervenu à la veille du pic caniculaire de fin juillet. Il a été appuyé par une instruction de la Dhos (n° 2006 du 25 juillet 2006) sur les conditions d’emploi de ces volontaires. Les effets immédiats de cet appel ont été relativement limités. Mais il semble, aujourd’hui, pertinent de placer cette mesure dans la perspective des prochaines crises sanitaires, et notamment de la menace d’une pandémie grippale.
L’objectif doit être clairement défini. Le professionnalisme des acteurs de l’urgence étant une des conditions majeures de la qualité et de la sécurité de la prise en charge des patients, c’est donc à des professionnels que doivent être confiés ces patients même en situation de crise majeure. Les missions dévolues aux volontaires doivent donc être des missions d’appui, permettant de décharger les professionnels de tâches secondaires, pour les rendre encore plus efficaces dans la prise en charge médicale et soignante des patients. Ces volontaires, pour être réellement utiles, devront être préparés à la mission qui leur sera confiée. Un véritable « corps des volontaires » devra être constitué, avec des composantes sans doute multiples et complémentaires. La gestion territoriale doit être conçue pour corriger l’inégalité naturelle de la répartition des ressources et des besoins.
Une réflexion est donc engagée visant à élaborer une doctrine dans ce domaine.
La canicule, enfin, a été l’occasion d’un regard particulièrement vigilant des autorités sur les structures d’urgences. Regard qui a bien fait comprendre à chacun que les difficultés rencontrées au cours de la canicule étaient, en fait, celles que les professionnels de l’urgence vivent au quotidien dans l’indifférence quasi-générale.
Les visites du Ministre sur le terrain et les réunions de concertation qu’il a organisées avec les représentants des urgentistes ont permis des avancées qui ont été utiles à chaud. Il convient à présent de tout faire pour qu’elles soient durables.
La gestion de l’aval des urgences a été particulièrement suivie. La canicule aura permis de constater des stratégies de contournement des règles élaborées dans certains établissements. Des dispositions ont été prises pour consolider les actions déjà engagées et pour que des lits soient réouverts. Le suivi des lits maintenus ouverts et réellement disponibles sera à l’avenir encore renforcé.
La question des moyens matériels nécessaires à la gestion des urgences en situation de crise (notamment quant aux réserves accessibles en période de congés annuels des entreprises) a également été abordée. La réflexion sera poursuivie à la recherche d’éventuelles vulnérabilités et des solutions pour y pallier.
Les difficultés rencontrées dans l’organisation de la permanence des soins en médecine ambulatoire (PDSma) faisaient, dès avant la canicule, l’objet d’un suivi spécifique. Dans de nombreux secteurs, l’accroissement de l’activité pendant la canicule semble avoir été majoré par les insuffisances de la PDSma, en particulier du fait de la période de congés. La question du renforcement des permanences de secteurs en situation de crise reste donc entière. Il conviendra de la traiter.
La mise à niveau des moyens de la régulation médicale est à présent considérée comme une priorité. Cette mise à niveau doit concerner les équipements (informatique, télécommunications, locaux …) et les moyens humains (au minimum, doublement nuit et jour de la régulation médicale, renforcement des effectifs de permanenciers, statut des permanenciers, etc.).
La canicule aura permis d’en confirmer la nécessité.
La régulation médicale a pu, lors du pic caniculaire, être renforcée par la décision du Ministre. Pour ce qui concerne les régulateurs généralistes, la décision du Ministre a été reprise aussitôt dans une directive de l'Assurance Maladie précisant que les régulateurs généralistes appelés en renfort pour la période de canicule, dans la journée, en dehors des périodes de PDSma, seraient rémunérés dans les conditions habituelles de la régulation des généralistes dans les Samu-Centres 15. Il s'agissait-là, bien entendu, de régulateurs habilités et chevronnés (cette mesure ne se confondant pas avec l'appel à des volontaires retraités ou étudiants).
Dans cette logique, Samu de France a redemandé - et avec insistance - que le décret, en cours de préparation, sur les horaires de la PDSma s’applique à un champ plus large. L’actuel projet se limite, en effet, à autoriser les préfets, s’ils le jugent utile, à intégrer le samedi après-midi dans les horaires de PDSma. Or, la canicule a montré que le renforcement de la régulation généraliste pouvait également être nécessaire à tout moment en situation de crise et qu’il serait bon, à cet effet, que le circuit de décision soit simplifié (il a fallu, pendant la crise caniculaire, une décision du Ministre et du directeur général de la Cnam, ce qui prend nécessairement du temps). La proposition que nous avons faite est que le décret puisse, à l’avance, autoriser les préfets (1) à étendre les horaires de la PDSma au samedi après-midi, comme c’est déjà prévu, mais aussi à toute autre période qu’ils jugeraient nécessaire, quelle qu’en soit la raison (situation de crise, épidémie, événement local, saisonnalité, pont, etc.) et (2) à préciser les activités concernées par cette extension des horaires : participation des généralistes à la régulation et/ou permanences des médecins sur le terrain. Il serait, en effet, souvent plus réaliste de limiter le renforcement de la PDSma à la seule régulation généraliste. Sachant que la solution est de disposer au Samu-Centre 15 d’une régulation généraliste permanente 24h/24, avec un effectif à moduler en fonction des heures de la journée, de la saisonnalité, des épidémies, des périodes de congés, des crises, etc.
Certaines situations particulières sont apparues particulièrement difficiles. Samu de France a, en particulier, demandé que la situation du Samu de Lyon soit auditée et améliorée le plus rapidement possible.
Le dossier médical est tout particulièrement important pour la prise en charge des personnes âgées, comme il l’est aussi pour les patients porteurs de pathologies chroniques ou de facteurs de risques … c’est-à-dire, en fait, pour tout patient. La canicule a été l’occasion (outre le point mentionné plus haut sur le dossier patient des personnes âgées) d’appuyer la demande d’accès systématique au DMP de chaque patient, dès la régulation médicale.
La situation des infirmiers hospitaliers allant travailler dans les Sdis a été une préoccupation soulignée en cette période de canicule. Sachant, en outre, que l’objectif d’un infirmier par équipe Smur n’est pas encore atteint et qu’il est une des toutes premières priorités.
La situation des médecins à diplôme étranger a été abordée. Samu de France a notamment relancé son action en faveur des urgentistes à diplôme étranger à qui il est, pour des raisons aberrantes, demandé d’effectuer des stages complémentaires en médecine générale.
Les inquiétudes sur les « pôles » ont été à nouveau soulignées. Il est, en effet, à craindre, que la nouvelle gouvernance n’ait pour premier résultat de faire disparaître dans le gouffre hospitalier les acquis encore insuffisants du plan urgence : telle infirmière recrutée pour le Smur se retrouvant, par exemple, au 4è étage de l’hôpital en vertu de l’autonomie de gestion des pôles. Les représentants des urgentistes ont, à cet égard, unanimement manifesté leur attachement au renforcement des liens Samu-Smur-Urgences et leurs craintes quant à l’extension de ce cercle à d’autres entités. Il a été souligné par chacun que l’objectif de renforcement des liens Samu-Smur-Urgences devait aussi avoir une traduction architecturale et que, dans cette logique, il ne saurait être question d’autoriser demain la réalisation de salles de régulation à distance ; les centres de régulation devant non seulement être à l’intérieur de l’hôpital mais plus précisément au sein du secteur « urgences » de l’hôpital.
Samu de France, enfin, a saisi l’occasion de ces rencontres pour renouveler sa demande d’une réflexion active sur les métiers de l’urgence et sur leurs perspectives « à dix ans ».
« Et cet hiver, faudra-t-il, sur les panneaux des autoroutes, qu’on nous dise de nous couvrir ! »
Pour certains, la limite du raisonnable a été franchie et la gestion de la dernière canicule est une occasion de plus de dénoncer le principe de précaution.
Mais ce n’est pas, à nos yeux, le bon raisonnement. C’est même un raisonnement dangereux. Et la conclusion pertinente qui s’impose est que l’action publique qui a été conduite face au risque caniculaire était nécessaire et qu’elle a été un succès.
Cet objectif a été atteint. Et que l’on ne vienne pas dire que c’est qu’il a seulement « fait un peu chaud ». Non ! il a fait beaucoup plus qu’un peu chaud. L’analyse des cas des patients reçus pendant cette période le démontre sans discussion possible : 112 décès directement imputables à la chaleur : 66 personnes âgées de plus de 75 ans, 26 personnes âgées de moins de 75 ans souffrant généralement déjà d’une pathologie lourde, 12 travailleurs du BTP, 4 sportifs, 3 SDF, 1 nourrisson (source : InVS, 3 août). Ceci alors que Météo France classe la canicule de ce mois de juillet 2006 juste après celle d’août 2003.
Impossible, bien sûr, d’estimer le nombre de morts évitées. Mais 100 fois moins de morts qu’en 2003, pour une canicule juste un peu moins forte, c’est indéniablement un succès.
Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ce succès. La politique définie depuis 2003 est pertinente et globale, impliquant l’ensemble des maillons d’une longue chaîne, depuis Météo France jusqu’aux hôpitaux. Cette politique a été animée par un Ministre de la Santé très présent, à l’écoute, réactif, voire intransigeant. L’hôpital s’est préparé comme jamais il ne l’avait fait. Mais l’essentiel s’est, en fait, joué avant l’hôpital.
Le rôle essentiel de la première ligne
et le triomphe de la prévention
et le triomphe de la prévention
La première ligne est celle du contact direct et quotidien avec les personnes âgées. C’est sur ce front-là qu’une bataille de la canicule se gagne ou se perd. Et ce combat, c’est le combat des familles et des collectivités locales.
Notre inquiétude, un moment, a été que la partie ne soit gagnée que dans les établissements pour personnes âgées – compte tenu des efforts réalisés à travers les plans bleus -, et que l’issue soit, en revanche, beaucoup plus incertaine pour les personnes âgées isolées. Or, la bataille a, bel et bien, été gagnée sur les deux fronts. Le mérite en revient aux acteurs sociaux et aux collectivités territoriales.
C’est le triomphe de la prévention.
Et la difficulté, demain, sera de maintenir la mobilisation. En effet, il n’y a rien de plus démobilisateur qu’une prévention qui porte ses fruits, effaçant des esprits la perception intuitive du problème et finissant même par faire douter du risque.
Un point non abordé jusque-là pourrait représenter une perspective d’amélioration de la prise en charge en urgence des personnes âgées en institution ou en soins à domicile : le dossier patient. En effet, l’intervention des structures d’urgences hospitalières (régulation médicale par le Samu et prise en charge ultérieure) serait facilitée par l’existence d’un dossier médical accessible de jour comme de nuit, régulièrement mis à jour et comportant, le cas échéant, les indications relatives à la fin de vie. Dossier qui manque le plus souvent aujourd’hui.
L’hôpital a assumé ses responsabilités
et a saisi l’occasion pour progresser encore
et a saisi l’occasion pour progresser encore
En dépit de certaines insuffisances qui ont été dénoncées à juste titre, il convient de souligner que l’hôpital public a fait face avec une grande efficacité à ses responsabilités de service public. L’institution hospitalière s’est mobilisée comme elle le devait et la communauté des professionnels de l’hôpital s’est rapidement et fortement impliquée pour assurer les renforts, rechercher et mettre en œuvre les solutions appropriées, faire remonter les informations ... La réunion quotidienne, dans chaque hôpital, d’une « cellule de crise canicule » a permis d’ajuster en temps réel les dispositions à prendre. Elle a aussi été une excellente occasion de partager plus largement au sein de la communauté hospitalière les difficultés quotidiennes de la pratique de l’urgence.
Il convient à présent de veiller à ce que les conclusions constructives qui ont pu être tirées à chaud servent à faire progresser encore la capacité de l’hôpital à gérer l’urgence, aussi bien au quotidien qu’en situation de crise
L’interrogation sur le rôle et l’utilité
de certaines structures d’urgences privées
de certaines structures d’urgences privées
Une clinique de la région parisienne a décidé de fermer son site d’urgences la nuit en juillet et août. Cette décision prise, en pleine période de risque caniculaire, a constitué un affaiblissement du dispositif, une gêne et un risque pour les patients, ainsi qu’un report de charge sur les structures publiques d'urgences voisines. La décision de fermeture prise par la direction - et acceptée sans aucune réaction par les professionnels de l’établissement (ni, d’ailleurs, dénoncée par la représentation nationale des établissements privés) - donne une indication sur l’idée qu’ils se font eux-mêmes sur l’utilité de leur structure et sur leur engagement dans le service d’intérêt général dû aux patients. La lenteur et la relative mollesse de la réaction de l’ARH montre bien que, pour les autorités, ce type de structure n’est pas, non plus, une pièce essentielle du dispositif. Ce qui éclaire d’un jour nouveau la réflexion sur les petites structures d’urgences. Notamment, celles qui n’ont pas de pertinence territoriale (la clinique en question est à 3 km d’un très grand centre hospitalier).
Il faudra donc, à l’occasion de l’application des nouveaux décrets urgences, reprendre, au cas par cas, l’analyse de chaque situation de terrain. Ou bien un établissement a une place déterminante dans le schéma des urgences et les autorités devront alors s’assurer de ce qu’il dispose effectivement des moyens de fonctionner et, absolument, interdire qu'il puisse, le cas échéant, fermer inopinément. Ou bien ce n’est pas le cas, et les ressources devront être réorientées vers les structures (publiques ou privées, mais très généralement publiques) qui assurent effectivement la charge d'un service continu, seul garant de la sécurité due aux patients.
La grève des cliniques durant la canicule n’aura, finalement eu que peu d’impact sur l’organisation des urgences, en dépit d’un suivi de cette grève présenté comme important par ses promoteurs. Les autorités sanitaires n’ont d’ailleurs pas eu à procéder à des réquisitions en masse. Ceci confirme que le socle de la réponse à la crise est l'hôpital public et que ce socle, bien qu'éprouvé, est solide, et perçu comme tel par la population et les autorités. Obstétrique mise à part, et en dehors de certaines situations particulières (voire exemplaires), la place du secteur privé dans l’accueil des urgences n'est, en réalité, que complémentaire et subsidiaire. De nombreuses Upatou (selon la terminologie ancienne) sont, en fait, des structures « politiques » ou « historiques », mais pas vraiment indispensables, ni territorialement pertinentes. Parfois, même, le doublon est manifeste quand l’établissement privé est très proche d’un centre hospitalier comme dans le cas évoqué plus haut. Généralement, en outre, la structure privée n’accueille que « sous condition ». Une de ces conditions étant de disposer d’un lit d’aval, sinon le patient doit être dirigé vers l’hôpital voisin … qui, lui, dans sa vocation de service public complètement assumée, « poussera les murs » pour assurer, tant bien que mal, l’accueil du patient. De tout patient, sans aucune distinction.
Nous avions, lors de l’élaboration des Sros, beaucoup entendu les ARH expliquer la nécessité d'une complémentarité public-privé, voire d'une certaine "égalité" à respecter. Les faits doivent aujourd'hui faire réfléchir. Et le discours, demain, devra être réajusté à la lumière des leçons de cet été. Les urgences publiques, sur lesquelles repose la confiance de tous, devront être renforcées. Nombre de structures d'urgences privées non strictement indispensables devraient devenir des consultations de jour. La souplesse apportée par le nouveau décret urgences devrait d’ailleurs permettre de fermer telle ou telle structure d’urgences privées tout en incluant la clinique concernée dans le « réseau des urgences » pour des accueils ciblés.
Au moment où les financements du "Plan Urgences" s'épuisent, alors que les besoins des structures assurant effectivement la prise en charge des urgences ne sont pas aujourd'hui couverts comme ils devraient l'être et que la croissance de la demande parvenant aux Samu-Centres 15 a effacé le bénéfice des mesures prises antérieurement, il importe que les financements publics soient utilisés avec la plus grande efficacité. Ils doivent désormais être consacrés aux seules structures d’urgences qui font, jour après jour et nuit après nuit, la preuve de leur nécessité et de leur efficacité au service des malades, sans distinction aucune.
La percée du volontariat
Considérant que « l'appel à la solidarité fait partie de la responsabilité des pouvoirs publics », le ministre de la santé, Xavier Bertrand, a lancé un appel aux professionnels de santé étudiants ou retraités afin de renforcer les équipes des Samu et des services d'urgence. Cet appel est intervenu à la veille du pic caniculaire de fin juillet. Il a été appuyé par une instruction de la Dhos (n° 2006 du 25 juillet 2006) sur les conditions d’emploi de ces volontaires. Les effets immédiats de cet appel ont été relativement limités. Mais il semble, aujourd’hui, pertinent de placer cette mesure dans la perspective des prochaines crises sanitaires, et notamment de la menace d’une pandémie grippale.
L’objectif doit être clairement défini. Le professionnalisme des acteurs de l’urgence étant une des conditions majeures de la qualité et de la sécurité de la prise en charge des patients, c’est donc à des professionnels que doivent être confiés ces patients même en situation de crise majeure. Les missions dévolues aux volontaires doivent donc être des missions d’appui, permettant de décharger les professionnels de tâches secondaires, pour les rendre encore plus efficaces dans la prise en charge médicale et soignante des patients. Ces volontaires, pour être réellement utiles, devront être préparés à la mission qui leur sera confiée. Un véritable « corps des volontaires » devra être constitué, avec des composantes sans doute multiples et complémentaires. La gestion territoriale doit être conçue pour corriger l’inégalité naturelle de la répartition des ressources et des besoins.
Une réflexion est donc engagée visant à élaborer une doctrine dans ce domaine.
L’opportunité de relancer
les grands chantiers de l’urgence
les grands chantiers de l’urgence
La canicule, enfin, a été l’occasion d’un regard particulièrement vigilant des autorités sur les structures d’urgences. Regard qui a bien fait comprendre à chacun que les difficultés rencontrées au cours de la canicule étaient, en fait, celles que les professionnels de l’urgence vivent au quotidien dans l’indifférence quasi-générale.
Les visites du Ministre sur le terrain et les réunions de concertation qu’il a organisées avec les représentants des urgentistes ont permis des avancées qui ont été utiles à chaud. Il convient à présent de tout faire pour qu’elles soient durables.
La gestion de l’aval des urgences a été particulièrement suivie. La canicule aura permis de constater des stratégies de contournement des règles élaborées dans certains établissements. Des dispositions ont été prises pour consolider les actions déjà engagées et pour que des lits soient réouverts. Le suivi des lits maintenus ouverts et réellement disponibles sera à l’avenir encore renforcé.
La question des moyens matériels nécessaires à la gestion des urgences en situation de crise (notamment quant aux réserves accessibles en période de congés annuels des entreprises) a également été abordée. La réflexion sera poursuivie à la recherche d’éventuelles vulnérabilités et des solutions pour y pallier.
Les difficultés rencontrées dans l’organisation de la permanence des soins en médecine ambulatoire (PDSma) faisaient, dès avant la canicule, l’objet d’un suivi spécifique. Dans de nombreux secteurs, l’accroissement de l’activité pendant la canicule semble avoir été majoré par les insuffisances de la PDSma, en particulier du fait de la période de congés. La question du renforcement des permanences de secteurs en situation de crise reste donc entière. Il conviendra de la traiter.
La mise à niveau des moyens de la régulation médicale est à présent considérée comme une priorité. Cette mise à niveau doit concerner les équipements (informatique, télécommunications, locaux …) et les moyens humains (au minimum, doublement nuit et jour de la régulation médicale, renforcement des effectifs de permanenciers, statut des permanenciers, etc.).
La canicule aura permis d’en confirmer la nécessité.
La régulation médicale a pu, lors du pic caniculaire, être renforcée par la décision du Ministre. Pour ce qui concerne les régulateurs généralistes, la décision du Ministre a été reprise aussitôt dans une directive de l'Assurance Maladie précisant que les régulateurs généralistes appelés en renfort pour la période de canicule, dans la journée, en dehors des périodes de PDSma, seraient rémunérés dans les conditions habituelles de la régulation des généralistes dans les Samu-Centres 15. Il s'agissait-là, bien entendu, de régulateurs habilités et chevronnés (cette mesure ne se confondant pas avec l'appel à des volontaires retraités ou étudiants).
Dans cette logique, Samu de France a redemandé - et avec insistance - que le décret, en cours de préparation, sur les horaires de la PDSma s’applique à un champ plus large. L’actuel projet se limite, en effet, à autoriser les préfets, s’ils le jugent utile, à intégrer le samedi après-midi dans les horaires de PDSma. Or, la canicule a montré que le renforcement de la régulation généraliste pouvait également être nécessaire à tout moment en situation de crise et qu’il serait bon, à cet effet, que le circuit de décision soit simplifié (il a fallu, pendant la crise caniculaire, une décision du Ministre et du directeur général de la Cnam, ce qui prend nécessairement du temps). La proposition que nous avons faite est que le décret puisse, à l’avance, autoriser les préfets (1) à étendre les horaires de la PDSma au samedi après-midi, comme c’est déjà prévu, mais aussi à toute autre période qu’ils jugeraient nécessaire, quelle qu’en soit la raison (situation de crise, épidémie, événement local, saisonnalité, pont, etc.) et (2) à préciser les activités concernées par cette extension des horaires : participation des généralistes à la régulation et/ou permanences des médecins sur le terrain. Il serait, en effet, souvent plus réaliste de limiter le renforcement de la PDSma à la seule régulation généraliste. Sachant que la solution est de disposer au Samu-Centre 15 d’une régulation généraliste permanente 24h/24, avec un effectif à moduler en fonction des heures de la journée, de la saisonnalité, des épidémies, des périodes de congés, des crises, etc.
Certaines situations particulières sont apparues particulièrement difficiles. Samu de France a, en particulier, demandé que la situation du Samu de Lyon soit auditée et améliorée le plus rapidement possible.
Le dossier médical est tout particulièrement important pour la prise en charge des personnes âgées, comme il l’est aussi pour les patients porteurs de pathologies chroniques ou de facteurs de risques … c’est-à-dire, en fait, pour tout patient. La canicule a été l’occasion (outre le point mentionné plus haut sur le dossier patient des personnes âgées) d’appuyer la demande d’accès systématique au DMP de chaque patient, dès la régulation médicale.
La situation des infirmiers hospitaliers allant travailler dans les Sdis a été une préoccupation soulignée en cette période de canicule. Sachant, en outre, que l’objectif d’un infirmier par équipe Smur n’est pas encore atteint et qu’il est une des toutes premières priorités.
La situation des médecins à diplôme étranger a été abordée. Samu de France a notamment relancé son action en faveur des urgentistes à diplôme étranger à qui il est, pour des raisons aberrantes, demandé d’effectuer des stages complémentaires en médecine générale.
Les inquiétudes sur les « pôles » ont été à nouveau soulignées. Il est, en effet, à craindre, que la nouvelle gouvernance n’ait pour premier résultat de faire disparaître dans le gouffre hospitalier les acquis encore insuffisants du plan urgence : telle infirmière recrutée pour le Smur se retrouvant, par exemple, au 4è étage de l’hôpital en vertu de l’autonomie de gestion des pôles. Les représentants des urgentistes ont, à cet égard, unanimement manifesté leur attachement au renforcement des liens Samu-Smur-Urgences et leurs craintes quant à l’extension de ce cercle à d’autres entités. Il a été souligné par chacun que l’objectif de renforcement des liens Samu-Smur-Urgences devait aussi avoir une traduction architecturale et que, dans cette logique, il ne saurait être question d’autoriser demain la réalisation de salles de régulation à distance ; les centres de régulation devant non seulement être à l’intérieur de l’hôpital mais plus précisément au sein du secteur « urgences » de l’hôpital.
Samu de France, enfin, a saisi l’occasion de ces rencontres pour renouveler sa demande d’une réflexion active sur les métiers de l’urgence et sur leurs perspectives « à dix ans ».
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