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Commission parlementaire sur les urgences - Rapport Colombier

Publié le 07/02/2007
Tags : Exercice Pro Organisation Document
COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES

Le rapport - version intégrale - à télécharger (3 Mo)


[Conférence de Presse]

Présentation du rapport

Trois ans après la canicule d’août 2003, force est de constater que le système français de prise en charge des urgences médicales, réformé et renforcé dans le cadre du Plan urgences 2003-2008, a gagné en efficacité. En témoigne par exemple le fait que la canicule de l’été 2006 n’a pas donné lieu aux mêmes phénomènes d’engorgement des urgences que celle de 2003, de triste mémoire.

Faut-il pour autant s’arrêter à ce satisfecit ? Au contraire, il ne faut pas négliger les risques de déstabilisation de ce système, liés tant aux évolutions récentes d’une démographie médicale contraignante, qu’à la croissance régulière de la demande de soins non programmés, au vieillissement de la population et à la perspective de crises sanitaires nouvelles, comme par exemple une épidémie de grippe aviaire.

Aussi, dès le début de ses travaux, en septembre 2006, la mission s’est attachée à examiner les moyens de désengorger encore les structures des urgences. Au cours des 34 auditions comme des cinq déplacements qui ont suivi, son travail a été marqué par une réelle dynamique collective, par-delà les clivages politiques.
Les membres de la mission ont tous constaté que l’engorgement des urgences trouve en grande partie ses causes en amont et en aval des structures des urgences proprement dites. En conséquence, la mission s’est toujours attachée à étudier le système français de prise en charge des urgences médicales à chacun de ses trois niveaux distincts, solidaires et interdépendants :
  • en amont des urgences, avec le dispositif de permanence des soins et les structures pré-hospitalière de prise en charge des urgences – services d’aide médicale urgente (SAMU), service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) et services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ;
  • au sein même des structures des urgences ;
  • en aval de ces structures, que ce soit au sein des services hospitaliers de soins aigus, dans des établissements médico-sociaux ou au domicile du patient.
Le déroulé des cinquante propositions de la mission reprend cette structure.
  • Quant au rapport, sa première partie dresse un état des lieux de la mise en œuvre du nouveau dispositif de permanence des soins, sur lequel le Plan urgences mise pour réduire l’afflux de patients à l’hôpital. La participation des médecins à ce dispositif reposant sur le volontariat, les tableaux d’astreinte ne sont pas toujours remplis, notamment là où les secteurs de garde n’ont pas été redécoupés de façon à réduire suffisamment le nombre de médecins nécessaire. D’où des réquisitions préfectorales de médecins, qui heurtent les médecins sans organiser pour autant une permanence des soins durable.
    Ces difficultés s’expliquent par la démographie médicale, marquée notamment par une répartition inégale des praticiens, et par la complexité du pilotage du dispositif de permanence des soins, qui fait intervenir une multiplicité d’acteurs, sans pour autant assurer son articulation avec le dispositif d’aide médicale urgente et les autres professions de santé concernées par la prise en charge des urgences : infirmiers, dentistes, kinésithérapeutes etc. La création récente d’un « fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins » (FIQSV) clarifie et pérennise certains éléments financiers de ce dispositif, mais cet effort reste à approfondir.
    Dans ce contexte, pour consolider le maillage sanitaire du territoire, il faut rechercher des synergies ville/hôpital, en tenant compte des réalités locales et sans brusquer les initiatives existantes, dont la mission a pu observer la valeur sur le terrain. On pourrait ainsi regrouper les centres de régulation qui aujourd’hui coexistent avec leurs numéros d’appel propres (SAMU, SDIS, associations de type SOS Médecins, régulation libérale autonome etc.). En l’absence de structure de type SOS Médecins, l’hôpital pourrait également prendre le relais des libéraux en seconde partie de nuit, avec des moyens adéquats. Quant à la répartition des transports sanitaires entre les SDIS et les ambulanciers privés, elle devrait être organisée de façon plus complémentaire que concurrentielle par des conventions tripartites SAMU – SDIS – ambulanciers. Enfin, les médecins correspondants de SAMU peuvent relayer utilement les SMUR pour la prise en charge pré-hospitalière des urgences lourdes.
    Enfin, le développement des maisons médicales de garde constitue l’axe principal de la consolidation du dispositif de permanence des soins. Malgré son hétérogénéité, la formule de la maison médicale de garde rencontre un grand succès – presque aucune il y a dix ans, aujourd’hui plusieurs centaines… Certaines fixent une présence médicale en milieu rural, par exemple autour d’un hôpital local, comme c’est le cas en Mayenne – elles peuvent d’ailleurs constituer le socle de futures maisons de santé pluridisciplinaires. En milieu urbain, d’autres constituent des repères pour des populations défavorisées. D’autres encore, situées à proximité immédiate d’une structure des urgences, contribuent à la désengorger. Le financement des maisons médicales de garde est amené à être pérennisé avec le FIQSV, mais il reste à les doter d’un cadre réglementaire traduisant une politique nationale en la matière, tout en pouvant être adapté aux spécificités locales.
  • La deuxième partie du rapport traite des structures des urgences à proprement parler, dont les moyens ont été considérablement renforcés dans le cadre du Plan urgences, si bien qu’aujourd’hui, leurs problèmes ne tiennent pas à leurs effectifs, leur équipement ou leurs lits portes. Un accroissement de ces moyens risquerait d’ailleurs d’en faire un hôpital dans l’hôpital. Au contraire, il convient de réimpliquer les médecins des autres services dans l’activité des urgences, soit qu’ils y participent directement, soit qu’ils tiennent des consultations non programmées.
    Pour réduire les temps de passage et d’attente aux urgences, la mission nationale d’expertise et d’audits hospitaliers (MEAH) a identifié des bonnes pratiques organisationnelles, dont la mission a pu observer la mise en œuvre sur le terrain et qu’énumère le rapport. Votre rapporteur relève notamment que la prise en charge des urgences de nature sociale et médico-judiciaire doit être mieux organisée.
    Surtout, les patients les plus fragiles doivent être pris en charge de façon adaptée, ce qui semble bien organisé pour les enfants et les patients à composante psychiatrique, mais moins bien pour les personnes âgées. En effet, les patients gériatriques, souvent polypathologiques et présentant un risque de dépendance, sont surreprésentés aux urgences alors même qu’il s’agit pour eux d’un milieu dangereux. De plus, il y a inadéquation entre l’offre de lits d’hospitalisation, très spécialisée, et les besoins de ces patients, qui portent essentiellement sur des lits de médecine polyvalente. Peu à peu se structurent des filières de prise en charge des patients gériatriques, avec des services et des équipes mobiles de gériatrie, mais il convient de veiller à ce que la prise en charge des personnes âgées ne soit pas excessivement spécialisée.
  • La troisième partie du rapport traite de l’articulation des urgences avec leur aval hospitalier et médico-social, constatant que la sortie des urgences constitue un goulot d’étranglement.
    Le Plan urgences consacre déjà d’importants moyens au renforcement des capacités d’hospitalisation en aval des urgences : là encore, l’amélioration de la prise en charge des patients passe plus par des mesures organisationnelles que par un surcroît de moyens. La MEAH recommande certaines pratiques, que la mission a pu voir mises en œuvre, notamment à l’hôpital Beaujon. Outre des efforts de gestion des lits, il s’agit notamment de développer l’admission directe dans certains services et de prendre l’avis des urgentistes avant de décider des fermetures saisonnières de lits.
    Pour la prise en charge médico-sociale des patients issus des urgences, les liens entre l’hôpital et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou de soins de suite et de réadaptation (SSR) restent à approfondir. De même, l’hospitalisation à domicile et les services de soins infirmiers à domicile méritent d’être développés. En tout cas, un effort pour assurer la continuité des soins dans ces structures doit permettre d’éviter des retours aux urgences aux horaires de la permanence des soins.
    Enfin, les structures, services et établissements participant à la prise en charge des urgences sont conduits à travailler en réseaux. Ils développent d’ailleurs des réseaux informatiques partagés, que le dossier médical personnel devrait contribuer à nourrir. Surtout, des « réseaux de prise en charge des urgences » sont mis en place autour de grands centres hospitaliers de recours, avec les centres hospitaliers de traitement des urgences et des centres périphériques qui n’ont pas toujours vocation à conserver une activité chirurgicale. Ainsi, les établissements hospitaliers seront organisés en trois niveaux de prise en charge, selon la gravité des cas. Entre ces établissements, des transports secondaires et des procédés de télémédecine donnent corps au réseau, lequel peut développer des interconnexions avec des réseaux de soins existants.
Voici les principales orientations du rapport qui a été adopté à l’unanimité par la mission d’information lors de sa réunion du 6 février.
 
6 OBJECTIFS ET 50 PROPOSITIONS - POUR UNE MEILLEURE PRISE NE CHARGE DES URGENCES MÉDICALES

La conclusion de ce rapport tient en cinquante propositions, toutes interdépendantes les unes des autres à l’instar de l’interdépendance existant entre les différents maillons de la chaîne de prise en charge des urgences médicales.

 Elles répondant à 6 objectifs :
  1. consolider la permanence des soins,
  2. simplifier le dispositif de permanence des soins,
  3. développer les maisons médicales de garde dans un cadre pérenne et cohérent,
  4. promouvoir de bonnes pratiques organisationnelles au sein des urgences,
  5. mieux prendre en charge certains publics particulièrement fragiles,
  6. organiser la prise en charge des urgences en réseaux.
Ces propositions, tiennent compte des insuffisances de l’offre de soins, liées notamment au principe du volontariat pour la participation des médecins libéraux à la permanence des soins, au problème de la démographie médicale, tout particulièrement dans les zones rurales, et plus généralement à l’évolution de la place du travail dans notre société.

Elles résultent du diagnostic général établi par la mission, selon lequel le problème des urgences trouve en grande partie ses causes en amont et en aval des structures d’urgence proprement dites.

1.    En amont des urgences, consolider le dispositif de permanence des soins

– Par l’information de la population

Il ressort des travaux de la mission que le dispositif de permanence des soins n’est pas suffisamment lisible pour la population. Pourtant, si la population n’est pas informée de l’existence d’une offre de soins non programmée hors de l’hôpital, le désengorgement des urgences hospitalières semble difficile.

Proposition n° 1 : Consentir un important effort d’information de la population sur le bon usage de la permanence des soins et de l’aide médicale urgente.

– Par une sectorisation adaptée

Lors de la réforme du dispositif de permanence des soins, il a été envisagé de diminuer fortement le nombre de secteurs de garde. Une telle réduction a en effet deux avantages :
  • d’une part, elle permet de mobiliser moins de médecins aux heures de la permanence des soins, ce qui réduit pour chacun d’entre eux la fréquence – et donc la pénibilité – des gardes ;
  • d’autre part, elle permet d’éviter une dérive du coût de la permanence des soins, compte tenu de la forte revalorisation du tarif des actes et des forfaits d’astreintes consentie en 2005.
La mesure a été prise sans définition d’objectifs chiffrés. Or, la réduction du nombre des secteurs de garde ayant pour effet d’en augmenter la superficie, le principe d’égalité d’accès aux soins commande de veiller à ce que les patients n’aient pas à parcourir des distances trop importantes.

Proposition n° 2 : Favoriser le regroupement des secteurs de garde en territoires de garde plus vastes pour alléger la charge des gardes mais dans le respect du principe d’égalité d’accès aux soins.

– Par une meilleure régulation médicale des appels

Plusieurs systèmes de régulation téléphonique peuvent coexister dans chaque département : un centre 15, un centre de traitement des appels du 18, une régulation libérale et, le cas échéant, un centre d’appel de type SOS Médecins. Or une régulation efficace et cohérente – clef de voûte du dispositif de permanence des soins – Cela suppose une interconnexion approfondie des différents plateaux de régulation et la poursuite des efforts de professionnalisation de cette activité. (propositions nos 3 et 4)

Proposition n° 3 : Approfondir les efforts d’interconnexion informatique des différentes plateformes participant à la régulation des appels (15, 18, libéraux, SOS médecins), voire de cohabitation.

Dans le cadre de la mesure n° 4 du Plan urgences, un effort de valorisation du métier de permanencier auxiliaire de régulation médicale (PARM) a été entrepris, notamment en ouvrant cette fonction aux personnels de catégorie B, en accordant aux PARM une nouvelle bonification indiciaire et en mettant en place une formation spécifique d’adaptation à l’emploi, ce qui va dans le sens d’une professionnalisation de la régulation que la proposition n° 4 propose de renforcer. 

Proposition n° 4 : Renforcer la protocolisation et la professionnalisation de la régulation.

Par ailleurs, les centres d’appel devront s’organiser pour traiter un nombre croissant de demandes dont l’objet n’est pas strictement médical.

Proposition n° 5 : Étudier, au besoin par des expérimentations, les moyens de faire évoluer l’organisation des centres 15 pour qu’ils puissent mieux prendre en charge les appels urgents motivés par des besoins de nature sociale et médico-sociale, l’objectif étant qu’à moyen ou long terme, les centres 15 se transforment en plateformes téléphoniques à objet médico-social et sanitaire.

– Par la bonne effection des actes

Dans de nombreux secteurs, il n’y a pas suffisamment de médecins volontaires pour  remplir les tableaux d’astreinte, notamment entre minuit et 8 heures. De plus, on constate dans certains départements que les médecins libéraux d’astreinte ont abandonné les visites à domicile.

Pour assurer la permanence des soins, il est donc nécessaire d’exploiter au mieux les complémentarités existant entre la médecine de ville et l’hôpital (propositions n° 6 et 7).

Proposition n° 6 : Quand la permanence des soins ne peut pas être assurée après minuit, charger officiellement les structures hospitalières publiques ou privées de cette mission et, en contrepartie de ce surcroît de travail, leur affecter les moyens adéquats.

Proposition n° 7 : Encourager la participation des libéraux au service public hospitalier, soit directement dans les structures des urgences, soit dans des services de consultation externe non-programmée.

De plus, il faut garantir que les visites à domicile indispensables puissent être effectuées, éventuellement avec l’appui des structures hospitalières (propositions n° 8 et 9).

Proposition n° 8 : Pour chaque secteur de garde, préciser dans le cahier des charges départemental de la permanence des soins les critères suivant lesquels une visite à domicile doit être effectuée.

Proposition n° 9 : Quand, dans certains secteurs, l’organisation de la permanence des soins ne permet pas que soient effectuées des visites à domicile, confier cette tâche à des médecins, hospitaliers ou libéraux, équipés de moyens logistiques légers (voiture, chauffeur, matériel médical léger…) mis à leur disposition par les structures hospitalières.

– Par des transports sanitaires adaptés

La répartition des compétences entre les sapeurs-pompiers  et les ambulanciers privés en matière de transport sanitaire non médicalisé est l’objet de tensions. Dans les départements où une convention tripartite a pu être signée entre le SAMU, le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) et les ambulanciers privés, ces tensions se sont apaisées (proposition n° 10).

Proposition n° 10 : Rappeler aux préfets l’obligation de doter chaque département d’une convention tripartite entre le service départemental d’incendie et de secours (SDIS), le services d’aide médicale urgente (SAMU) et les ambulanciers privés, précisant les modalités d’intervention et de paiement de chacune des parties.

– Par le financement adéquat du dispositif de permanence des soins

Il ressort des travaux de la mission que le coût effectif du dispositif de permanence des soins est difficile à évaluer. Une meilleure identification des fonds consacrés à ce dispositif est donc nécessaire (proposition n° 11).

Proposition n° 11 : Identifier les fonds consacrés à la permanence des soins au sein d’une enveloppe spécifique et par un sous-objectif de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (ONDAM).

Par ailleurs, les règles de paiement des forfaits d’astreinte rendent difficile le versement direct de ces sommes aux associations de permanence des soins, comme SOS Médecins (proposition n° 12).

Proposition n° 12 : Clarifier le système de rémunération des astreintes pour permettre de verser les forfaits d’astreinte directement aux associations qui regroupent les médecins participant à la permanence des soins.

Ces règles ne permettent pas non plus leur versement aux structures hospitalières lorsque celles-ci assurent la permanence des soins à défaut de médecin volontaire, une disposition législative adoptée en ce sens dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 ayant été déclarée non conforme à la Constitution pour des raisons formelles (proposition n° 13).

Proposition n° 13 : Pour les périodes où, à défaut de médecin de ville volontaire pour assurer la permanence des soins, celle-ci est assurée par une structure hospitalière publique ou privée, prévoir par une mesure législative le versement à cette structure des forfaits d’astreinte prévus en rémunération de la permanence des soins pour ces périodes.


2.     Simplifier le pilotage du dispositif de permanence des soins pour le renforcer :


– À l’échelon national

La permanence des soins étant une mission de service public, il revient à l’État de l’organiser, bien que ce soit l’assurance maladie qui en assure le financement. Or les pratiques de l’État et de l’assurance maladie sont parfois divergentes. Une clarification de leurs rôles respectifs est donc nécessaire. De plus, pour renforcer le pilotage central du dispositif de permanence des soins, il serait utile d’associer le comité national de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CONAMUPS), dont la création a été annoncée par le ministre de la santé et des solidarités, à toutes les décisions prises en la matière (proposition n° 14).

Proposition n° 14 : Clarifier les compétences respectives de l’État et de l’assurance maladie pour améliorer le pilotage de la permanence des soins, et prévoir la consultation obligatoire du comité national de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CONAMUPS) sur tous les actes généraux relatifs à la prise en charge des urgences médicales.

– À l’échelon régional

L’offre hospitalière de soins fait l’objet d’une programmation pluriannuelle à l’échelle régionale, dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS). Pour favoriser la recherche de complémentarités entre l’hôpital et la médecine de ville en matière de permanence des soins, il semble donc utile d’intégrer la permanence des soins au schéma régional d’organisation sanitaire (SROS) (proposition n° 15).

Proposition n° 15 : Faire de la permanence des soins un volet du schéma régional d’organisation sanitaire (SROS).

– À l’échelon départemental

En l’état actuel de la répartition des compétences, le préfet est chargé d’arrêter le cahier des charges départemental de la permanence des soins, mais pour prévenir les difficultés, il ne dispose que d’un pouvoir de réquisition des médecins. Il serait utile qu’ils disposent également de moyens plus incitatifs (propositions n° 16 et 17).

Proposition n° 16 : Préciser les conditions dans lesquelles la réquisition de médecins est indispensable.

Proposition n° 17 : Conforter le préfet dans son rôle de coordonnateur opérationnel des différents intervenants sur le terrain en lui offrant des marges de manoeuvre règlementaires et financières, voire des possibilités de dérogation aux règles nationales pour permettre les adaptations nécessaires aux réalités locales.

Par ailleurs, la cohérence entre le dispositif de permanence des soins et l’organisation opérationnelle des sapeurs-pompiers, fixée dans le Schéma départemental d’analyses et de couverture des risques (SDACR), mérite d’être mieux assurée.

Proposition n° 18 : Rappeler au préfet de veiller, lorsqu’il arrête le Schéma départemental d’analyses et de couverture des risques (SDACR), qui fixe les objectifs opérationnels des SDIS, à la compatibilité de ses orientations avec celles du schéma départemental de permanence des soins et du schéma régional d’organisation sanitaire (SROS).

De même, le dispositif de la permanence des soins est rarement articulé avec les autres dispositifs qui le complètent – garde ambulancière, garde des pharmaciens et réseaux des infirmiers, des dentistes ou des kinésithérapeutes – ce qui crée des difficultés pratiques pour les usagers (proposition n° 19).

Proposition n° 19 : Charger le préfet de vérifier, dans le cadre du cahier des charges départemental de la permanence des soins, que pour chaque territoire de garde, la permanence des soins des médecins est coordonnée avec les dispositifs applicables aux autres professions de santé intéressées par la prise en charge des urgences médicales.


3.    Encadrer le développement des maisons médicales de garde

– Par un pilotage adapté

La formule de la maison médicale de garde (MMG) qui permet d’assurer la permanence des soins en dehors des heures d’ouverture des cabinets connaît un succès croissant mais recouvre des structures très hétérogènes quant à la localisation, aux horaires d’ouverture, à l’ activité et aux coûts. Il ressort d’ailleurs des travaux de la mission qu’en règle générale, les maisons médicales de garde qui fonctionnent le mieux sont implantées à proximité d’une structure hospitalière, voire dans son enceinte. En tout état de cause, il faut pouvoir orienter le développement des MMG tout en tenant compte des spécificités locales (proposition n° 20).

Proposition n° 20 : Établir à l’échelon national, en lien avec l’assurance maladie et par exemple dans le cadre du Comité national de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins (CONAMUPS), un cahier des charges national des maisons médicales de garde fixant les principes généraux du développement des maisons médicales de garde et permettre à chaque mission régionale de santé (MRS) de l’adapter aux réalités locales.

Il ressort des travaux de la mission que les maisons médicales de garde sont également considérées comme un socle de développement pour de futures « maisons de santé » en milieu rural. Il est précisé qu’à la différence des maisons médicales de garde, qui fonctionnent en dehors des heures d’ouverture des cabinets médicaux, les maisons de santé sont des structures fonctionnant pendant la journée (proposition n°21)

Proposition n° 21 : Étudier les moyens de favoriser, par des mesures financières ou des adaptations règlementaires, le développement de maisons médicales de garde servant pendant la journée de maison de santé, notamment dans les zones rurales marquées par une démographie médicale déficitaire.

– Par la pérennisation des financements

Jusqu’à la création du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins de ville (FIQCS) par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007, le financement des maisons médicales de garde avait un caractère expérimental et temporaire. Il est désormais prévu que ces aides peuvent être pluriannuelles et que leur attribution peut être confiée aux missions régionales de santé. Pour aller plus loin, il serait utile de prévoir une procédure simple de contractualisation du financement de chaque maison médicale de garde sur 5 ans (proposition n° 22).

Proposition n° 22 : Contractualiser un financement pérenne des maisons médicales de garde, moyennant un dispositif de suivi et d’évaluation et simplifier les règles d’attribution des subventions pour les maisons médicales de garde.

– Par l’amélioration de l’accès des patients

Pour qu’une maison médicale de garde contribue pleinement à désengorger les urgences, il ne faut pas que son accès soit plus difficile que l’accès aux urgences. Or le tiers payant n’est pas appliqué dans les maisons médicales de garde et les transports sanitaires non médicalisés ne sont pas pris en charge (proposition n° 23).

Proposition n° 23 : Favoriser l’accès au tiers payant dans les maisons médicales de garde et envisager une prise en charge par l’assurance maladie du transport sanitaire non médicalisé des patients vers une maison médicale de garde au même titre que vers une structure des urgences.

– Par l’intégration des maisons médicales de garde dans une offre de soins cohérente

Le pilotage des maisons médicales de garde doit être cohérent avec celui de la permanence des soins (proposition n°24).

Proposition n° 24 : Intégrer les maisons médicales de garde dans le cahier des charges départemental de la permanence des soins.

Par ailleurs, le système de tarification à l’activité (T2A) ne favorise pas les structures des urgences qui travaillent à leur désengorgement. L’implantation d’une MMG pourrait donc se traduire par une perte de financement pour une structure des urgences. Il faut donc trouver des moyens de pallier cet effet de la T2A (proposition n° 25).

Proposition n° 25 : Étudier les modalités d’une éventuelle prise en compte de la présence d’une maison médicale de garde à proximité d’une structure des urgences dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens conclu entre cet établissement et l’agence régionale d’hospitalisation (ARH), afin de ne pas le défavoriser financièrement dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A).


4.    Promouvoir de bonnes pratiques organisationnelles au sein des structures des urgences et en liaison avec les autres services

– Par une meilleure prise en charge des urgences à l’accueil

Il ressort des travaux de la mission que pour réduire les temps de passage et d’attente aux urgences, il faut anticiper la gestion des flux de patients dès leur arrivée aux urgences. Plutôt que d’imposer des règles de fonctionnement à ces structures, il s’agit d’inciter leurs responsables à un effort de réflexion sur les « bonnes pratiques » identifiées dans certains hôpitaux, notamment par la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers (MEAH) (propositions n° 26 et 27).

Proposition n° 26 : Renforcer les équipes d’accueil (mise en place d’équipes « séniorisées », pluridisciplinaires, renforcées par un médecin…) et identifier des coordinateurs de gestion de flux.
   
Proposition n° 27 : Mieux organiser la salle d’attente des urgences et développer les consultations non programmées au sein des structures des urgences.

– Par la prise en charge des urgences à nature sociale

Les structures des urgences sont de plus en plus sollicitées pour prendre en charge des personnes dont les demandes ont un caractère plus social que médical. Or il semble que ni l’organisation des urgences ni la formation des médecins ne soient suffisamment adaptées à ces enjeux (proposition n° 28).

Proposition n° 28 : Former les personnels des urgences à la prise en charge des détresses sociales et renforcer la présence des assistantes sociales aux urgences.

Notamment, la prise en charge des victimes de violence doit être mieux organisée, grâce à des consultations médicaux-judiciaires (proposition n°29).

Proposition n° 29 : Développer les consultations médico-judiciaires au sein des structures des urgences.

– Par une bonne articulation entre les urgences et les plateaux techniques

La réalisation d’examens complémentaires est pour une large part dans les temps globaux d’attente et de passage des patients. Elle constitue donc un goulot d’étranglement. Des mesures négociées entre les urgences et les plateaux techniques peuvent pallier ces difficultés (propositions n° 30 et 31).

Proposition n° 30 : En lien avec les plateaux techniques, protocoliser les demandes d’examens complémentaires.
   
Proposition n° 31 : Optimiser le mode de transmission des résultats des examens complémentaires.

– Par une bonne articulation entre les urgences et les services d’hospitalisation

La sortie des urgences constitue un goulot d’étranglement qui participe à leur engorgement. Il semble en effet que les patients qui « stagnent » aux urgences ont souvent déjà été pris en charge auparavant et sont en attente d’un lit d’hospitalisation ou d’un transfert dans une autre structure. Le transfert des patients vers un service hospitalier ou une structure d’aval doit donc être mieux organisé.

Ainsi, certains passages aux urgences pourraient être évités, notamment lorsqu’ils visent uniquement à vérifier la nécessité d’une hospitalisation conseillée par un médecin traitant (proposition n°32).

Proposition n° 32 : Favoriser l’admission directe des patients dans les services d’hospitalisation, sans passage aux urgences, en concertation avec le médecin traitant.

Par ailleurs, la coordination des urgences et des services de soins aigus est mieux assurée quand les spécialistes de ces services participent directement à l’activité des urgences (proposition n° 33).

Proposition n° 33 : Favoriser l’implication des spécialistes de services d’hospitalisation dans l’accueil des urgences.

De plus, l’articulation entre les urgences et ces services doit être régie par des procédures élaborées en communs (propositions n° 34 et 35).

Proposition n° 34 : Approfondir la protocolisation des décisions d’hospitalisation, faire figurer dans le projet d’établissement les procédures d’hospitalisation des patients pris en charge aux urgences et fixer un délai maximal d’attente d’un lit d’hospitalisation.

Proposition n° 35 : Rationaliser la gestion des lits d’hospitalisation tout au long de l’année, en concertation avec les services d’hospitalisation (horaires des sorties, fermetures périodiques de lits…).

Il ressort des travaux de la mission que l’offre de lits d’hospitalisation, de plus en plus spécialisée, n’est pas en adéquation avec les besoins des urgences, qui portent surtout sur des lits polyvalents (proposition n° 36).

Proposition n° 36 : Prévoir éventuellement, dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS), la création d’unités de médecine polyvalente.

– Par une adaptation des méthodes de travail au sein des structures des urgences

La réduction des temps d’attente et de passage aux urgences passe notamment par des bonnes mesures organisationnelles et par une attention quotidienne au temps. L’informatisation des urgences constitue un support utile pour l’amélioration des pratiques (propositions n° 37 et 38).

Proposition n° 37 : Poursuivre l’informatisation des urgences, dans un souci constant d’interopérabilité avec les systèmes utilisés par les autres acteurs de la prise en charge des urgences médicales (SAMU, transporteurs sanitaires, plateaux techniques, services d’hospitalisation…).
   
Proposition n° 38 : Mettre en place des outils de suivi en routine des temps d’attente et de passage des patients.


5.    Prendre en compte les spécificités de certains publics


– La prise en charge des enfants

Quand l’hôpital dispose d’un service de pédiatrie, la prise en charge des urgences pédiatriques est directement organisée dans ce service. Mais dans les établissements qui n’en disposent pas, cette prise en charge est assurée par la structure des urgences, qui bénéficie de l’appui d’un service de pédiatrie « référent » situé dans un autre établissement. Il importe que les spécificités des urgences pédiatriques soient bien prises en compte grâce à des protocoles de prise en charge (proposition n° 39).

Proposition n° 39 : Poursuivre l’effort de protocolisation de la prise en charge des très jeunes patients dans les structures des urgences des hôpitaux qui ne disposent pas d’un service de pédiatrie.

– La prise en charge des urgences psychiatriques

Sans aller jusqu’à créer une filière d’urgence spécifique, la prise en charge des urgences psychiatriques doit tenir compte des spécificités de la psychiatrie sans pour autant risquer de passer à côté d’une autre pathologie. Personnels psychiatriques et médecins urgentistes doivent donc travailler en commun (proposition n° 40).

Proposition n° 40 : Mieux identifier les patients relevant de la psychiatrie dès leur arrivée et développer la présence de psychiatre ou d’infirmiers de CHS psychiatriques aux urgences.

– La prise en charge des personnes âgées

Les personnes âgées constituent une population aux besoins sanitaires très spécifiques : elles présentent fréquemment des polypathologies et un risque d’installation ou d’aggravation d’une dépendance. Or l’organisation de leur prise en charge aux urgences ne tient pas suffisamment compte de ces spécificités : leur attente est plus longue que la moyenne, et débouche souvent sur une admission dans un service trop spécialisé, faute de lis de médecine polyvalente qui sont plus adaptés à leur état polypathologique. Il convient donc d’éviter l’hospitalisation de ces patients, surtout via les urgences et de développer pour eux les moyens permettant une continuité des soins (propositions n° 41 et 42).

Proposition n° 41 : Pour éviter des hospitalisations inutiles et préjudiciables, n’hospitaliser les personnes âgées que quand aucun autre mode de prise en charge n’est envisageable et, autant que possible, éviter le recours aux urgences, notamment en favorisant leur admission directe dans des services d’hospitalisation.

Proposition n° 42 : Étudier l’opportunité de faire figurer dans l’agrément pour hospitalisation à domicile (HAD) ou pour des réseaux de maintien à domicile, ainsi que dans l’agrément d’intervention en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), un engagement d’organiser la continuité des soins, afin de réduire le nombre de transferts de personnes âgées aux urgences consécutifs à une simple rupture de leur suivi médical.

Quand aucun autre mode de prise en charge d’une personne âgée n’est possible, sa prise en charge aux urgences doit être organisée de façon à tenir compte des spécificités de son âge (propositions n° 43 et 44).

Proposition n° 43 : Développer les équipes gériatriques mobiles servant tant à l’intérieur de l’hôpital qu’à l’extérieur, notamment en direction des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Proposition n° 44 : Créer des lits de médecine polyvalente ou de gériatrie pour les malades âgés présentant des polypathologies.


6.    Développer l’organisation en réseaux de la prise en charge des urgences

Désormais, l’appartenance à un « réseau de prise en charge des urgences » est une condition de l’autorisation des structures des urgences. L’organisation en réseau semble en effet à même de renforcer l’efficience de ces structures de médecine d’urgence, sous réserve toutefois que les transferts de patients soient correctement assurés entre les petites structures de proximité et les structures les plus importantes, compétentes pour le traitement des les plus lourds (proposition n° 45).

Proposition n° 45 : Développer des systèmes informatiques recensant, à l’échelle d’un territoire de santé de région, les disponibilités de lits d’hôpital et de places en établissements.

D’ailleurs, un tel réseau permettra de reconfigurer le maillage sanitaire du territoire et pourra même le renforcer, dès lors que le financement des plus petites structures des urgences sera consolidé dans le cadre de la T2A (proposition n° 46).

Proposition n° 46 : Étudier la mise en place de forfaits de « missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation » (MIGAC) au titre de la continuité territoriale pour compenser les effets négatifs de la tarification à l’activité sur le financement des petites structures des urgences, qui contribuent à la densité du réseau hospitalier et à l’égalité d’accès aux soins, notamment en zone rurale, mais dont l’activité est faible.

Le réseau de prise en charge des urgences, articulé avec les réseaux de soins existants, doit permettre de stabiliser l’état du patient à son domicile (propositions n° 47 et 48)

Proposition n° 47 : Préparer la transition entre l’hôpital et le domicile en approfondissant les coopérations entre l’hôpital et les autres intervenants médicaux sociaux et sanitaires.
   
Proposition n° 48 : Développer les réseaux de santé et leur articulation avec les « réseaux de prise en charge des urgences » institués par les décrets du 22 mai 2006.

La fin de l’obligation de participer à la permanence des soins, couplée à une démographie médicale insuffisante dans les départements à dominante rurale, provoque une remise en cause inquiétante de l’égalité d’accès aux soins et crée les conditions d’une insécurité face aux situations d’urgence.
Le départ dans les prochaines années, pour des raisons d’âge, d’une proportion importante (parfois 50 % dans les 10 ans à venir) des médecins présents sur ces territoires va aggraver cette situation de crise déjà fortement ressentie par les populations.

Pour prévenir une telle aggravation, il est proposé, non seulement de mettre en œuvre rapidement les propositions précédentes, mais aussi de réunir dans chaque région des conférences sanitaires sur la permanence des soins, chargées de dresser un bilan et de dégager des perspectives sur les dispositifs visant à favoriser l’implantation de praticiens libéraux en zone rurale, y compris sur leurs règles d’installation (les propositions n° 49 et 50 ont été adoptées à l’initiative des membres socialistes de la mission ; cf. leur contribution annexée au présent rapport).

Proposition n° 49 : Mettre en place immédiatement les propositions qui précèdent et qui constituent une plateforme minimale pour répondre aux graves difficultés identifiées.
   
Proposition n° 50 : Organiser dans chaque région des conférences de santé sur la permanence des soins, et, dans leur prolongement, adopter un dispositif législatif garantissant l’égal accès des Français à la permanence des soins.
 
                                                                                          * * *

Le rapport et les propositions ont été adoptés à l’unanimité par la mission lors de sa réunion du 6 février 2007.
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