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Discours du Président de la République. Au Congrès National de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France. Clermont-Ferrand - Samedi 29 Septembre 2007
M. le Président,
Mmes et Mrs les élus (Cher Brice),
Mesdames et Messieurs,
Tout d’abord, je voulais vous remercier de votre accueil. C’est toujours un plaisir et une vraie émotion de me retrouver parmi vous. Et je suis sûr que Michèle ALLIOT-MARIE, qui m’accompagne aujourd’hui, partage ce sentiment.
Je sais les contraintes de votre métier, je sais les sacrifices que votre engagement exige de vous-mêmes et de vos familles. J’ai une pensée pour vos femmes et vos enfants, qui sont solidaires de cet engagement, et qui ne vous voient jamais partir en opération sans une certaine appréhension.
En venant à votre congrès, j’honore, bien sûr, ma promesse de l’année dernière. Mais je souhaite surtout honorer l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires auxquels j’associe les personnels militaires de la BSPP, des marins-pompiers de Marseille, des UISC, et les personnels de la sécurité civile.
Je veux vous adresser l’hommage de la Nation, saluer ceux d’entre vous qui ont été blessés en opération et m’incliner avec respect et douleur à l’évocation du souvenir de vos camarades décédés.
Ce Congrès, c’est aussi pour moi l’occasion de poursuivre avec vous tous, ce dialogue engagé il y a 5 ans et de tracer, ensemble des voies nouvelles d’évolution.
Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, M. le Président, et les questions que vous soulevez sont importantes.
Vous avez dit votre préoccupation en matière de secours à personnes. Je la partage.
Qu’attendent nos concitoyens ?
Il faut prendre en compte le désarroi d’une jeune maman face aux pleurs incompréhensibles d’un bébé, des familles confrontées au malaise d’un parent âgé…et bien d’autres situations où les aléas de la vie nous laissent démunis.
Notre système médical et de secours repose sur trois piliers :
Si l’un de ces éléments vient à se dérégler, l’ensemble du système est perturbé.
Quel est aujourd’hui le constat que l’on fait ?
Pour nombre de gens en France, « trouver un médecin » devient une préoccupation. L’incompréhension de la population est réelle et chacun peut faire valoir son expérience personnelle ou celle de proches de la difficulté de joindre en dehors des heures ouvrables, le samedi, le dimanche ou les jours fériés, un médecin libéral de garde ou la régulation libérale lorsqu’elle existe … on pourrait citer de nombreux exemples de dysfonctionnements. La presse et les élus s’en font l’écho.
J’entends bien que l’on me dit que c’est l’évolution de la société, que les médecins comme la population en général aspirent à une vie familiale et au repos, que par ailleurs, la population médicale est mal répartie et qu’il existe des territoires particulièrement touchés qui ne peuvent plus assurer de garde. Mais j’entends aussi lorsque l’on me dit que des tableaux de permanence laissent vacants des secteurs entiers.
Ce n’est pas tant la démographie médicale actuelle qui est préoccupante, dans notre pays que ses évolutions à moyen terme qui, malgré l’augmentation du numerus clausus, laissent augurer une baisse de 9% du nombre de médecins avec des inquiétudes sérieuses pour les zones rurales.
C’est un sujet de société majeur. Et, dans ce domaine, je souhaite en appeler à la responsabilité individuelle de manière plus forte. Les libertés d’installation, de prescription, de choix par les patients de leur médecin, auxquelles nous sommes tous profondément attachés, vont de pair avec une responsabilisation de tous les acteurs. Il n’est pas normal que la répartition des médecins sur le territoire soit aussi inégale, il n’est pas acceptable que la permanence des soins ne puisse être assurée. Il y a là des mesures à prendre pour assurer ce service public. Il en va de l’accès aux soins des français. Nous ne pouvons accepter plus longtemps cette situation. Il est temps de trouver des solutions concrètes pour l’accès à une aide, un conseil, un soutien, un médecin ou un plateau technique en cas d’urgence.
J’attends des propositions en ce domaine de Madame la Ministre de la santé et de l’ensemble des professionnels concernés.
Dans cette chaîne complexe de la permanence des soins, tout se tient. Nous le savons ce sont souvent les urgences qui pallient les insuffisances de la médecine de ville : la tendance est croissante, soit de façon explicite, soit de façon implicite, de confier la permanence des soins après minuit aux seules urgences hospitalières. Ces urgences sont saturées par l’afflux de personnes en quête d’une réponse mais dont la pathologie ne relève pas à l’évidence de l’hôpital.
Les centres 15 sont eux aussi assaillis d’appels, victimes de leur succès. Cela rejaillit inévitablement sur la capacité et sur les délais de réponse de la régulation, donc in fine sur la qualité du service et l’efficacité du système global. Mais n’oublions pas que la régulation médicale, au-delà des difficultés qu’elle peut rencontrer localement et que vous dénoncez, a permis d’améliorer de 30% le taux de survie et de diminuer les besoins de réanimation et les séquelles. La régulation médicale doit donc, sans doute, être améliorée, mais ne peut être remise en cause dans son principe.
En outre, les éléments qui ont suscité aujourd’hui votre réflexion illustrent une grande hétérogénéité des situations d’un département à l’autre, un partage des compétences mal stabilisé. Il me paraît nécessaire de conduire un vrai travail sur l’organisation de notre dispositif de secours et d’urgence, sans a priori, sans s’attacher à de fausses querelles et je vous sais gré de ne pas réduire le sujet à une opposition entre « rouges » et « blancs » inutile et inefficace. Vous œuvrez ensemble pour le bien commun, pour le sort des personnes qui sont en danger ou dans la peine. Je ne veux pas de querelles de chapelles. Je veux de l’efficacité et du pragmatisme pour répondre aux attentes des français, en mobilisant les moyens à bon escient.
Oui, M. le Président, il faut remettre la victime, le citoyen, l’usager, la PERSONNE au cœur de notre dispositif, il faut revivifier notre service public. Une réflexion globale doit donc être engagée qui doit se fonder sur des idées simples :
Quel est donc ce potentiel public à valoriser ?
Nous disposons d’une réelle capacité de prise en compte des détresses médicales : nos hôpitaux, nos services des urgences, les SMUR, les personnels médecins, infirmiers, aides soignants font un travail formidable dans des conditions difficiles. Les centres de régulation sont une nécessité, ils ont su, eux aussi s’adapter au fil du temps, se professionnaliser et prendre en compte les évolutions de la carte hospitalière, qui a commencé à être rationalisée, mais la recomposition va se poursuivre et il faut en anticiper les effets dans l’organisation des secours aux personnes…La médecine d’urgence est une spécialité exigeante et la France a un savoir-faire reconnu.
Nous disposons par ailleurs d’une force unique qui est celle des sapeurs-pompiers, 250 000 hommes et femmes, répartis au plus près de la population, sur l’ensemble du territoire, encadrés, formés, entrainés, équipés et qui portent haut leurs valeurs d’engagement, de dévouement et de disponibilité.
L’analyse des situations montre à l’évidence que tous les appels d’urgence ne réclament pas une prise en charge médicalisée. Soit. Mais qui le décide, à quel moment et dans quel contexte ?
Mon sentiment est que l’on a laissé les deux institutions trop longtemps vivre dans leur logique propre, s’en remettant aux relations entre les hommes. Alors, entre nous, dans certains départements, la confiance est là, le dialogue est instauré et cela marche très bien. Dans d’autres cela marche moins bien. Mais, les enjeux sont tels que l’on ne peut rester en l’état. Il faut davantage d’organisation, de procédures, de mutualisation des moyens, pas pour le plaisir, ni pour satisfaire des vues technocratiques mais pour que l’efficacité du système de secours à personne ne repose pas seulement sur la bonne entente des hommes et des femmes. Le système de secours à personne est un système coopératif qui doit être organisé comme tel.
D’abord au niveau central, les deux directions de tutelle, doivent mieux se coordonner. Le temps, où chacune pouvait faire des circulaires internes, qui étaient susceptibles d’impacter le fonctionnement de l’autre institution, sans concertation, doit être révolu. Entre la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins et la direction de la défense et de la sécurité civiles, l’échange et le travail en commun doivent être permanents.
Au niveau territorial - c’est extraordinaire aussi - les schémas d’organisation sanitaire, les SROS et les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques, les SDACR, ont été élaborés et cohabitent sans réel lien entre eux. Ils sont pourtant censés répondre à une même problématique : comment organiser, sur un territoire donné, la réponse la plus adaptée aux risques quotidiens auxquels la population est exposée ? Je souhaite donc que dès 2008, à l’occasion de la révision du volet « Urgences » des SROS, les données des SDACR soient intégrées afin de permettre une meilleure cohérence dans l’organisation des secours à personnes. Cela permettra également de donner la primauté à une analyse partagée des risques locaux et aux enjeux d’organisation propres à chaque structure. Les directeurs des agences régionales d’hospitalisation associeront les préfets de département à cet exercice. Le volet « urgences » des SROS sera, en conséquence, soumis au comité départemental de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins et des transports sanitaires.
Au plan opérationnel, je pense que tant pour des questions de démographie médicale à moyen terme, que de maîtrise des coûts, notre organisation devrait reposer sur une réponse graduée des secours et la reconnaissance d’une responsabilité d’orientation de l’intervenant de premier niveau. Mais pour vérifier la pertinence et la faisabilité de cette solution, il est nécessaire d’envisager, dès que possible, les conditions d’une expérimentation, en grandeur réelle, sur un ou plusieurs départements.
Le partage des responsabilités doit être formalisé dans un référentiel de régulation des interventions SDIS SAMU, établissant une typologie des pathologies et des circonstances aggravantes, en vue de préciser les cas dans lesquels le premier niveau détient une capacité de décision propre. L’objectif recherché doit être évidemment la rapidité de la réponse des secours, mais qui ne doit pas se faire au détriment de la qualité des soins et de la prestation dus à la victime. Par ailleurs, ce partage de responsabilités devra être encadré par un protocole conjoint de compétences et de formations professionnelles, intégrant, naturellement, les personnels non médecins.
La mise en place d’un référentiel commun permettra la reconnaissance du champ de compétences propre des sapeurs –pompiers et du savoir-faire de leur personnel ainsi que le cadre de leurs responsabilités. Cela valorisera la capacité des SDIS à agir en situation de prompt secours, à se déplacer sur place dans des délais les plus brefs et à agir dans une relation rénovée avec la régulation médicale.
L’effectivité de ce partage de compétences doit également s’adosser à un système d’information et de communication totalement interconnecté entre les deux services, permettant une optimisation de l’engagement des moyens opérationnels. D’autre part la migration conjointe des SAMU et des SDIS sur un réseau de communication unique doit devenir une réalité. Les deux ministères se sont engagés sur cet objectif opérationnel, dont la mise en œuvre interviendra dès 2008.
Ainsi, la régulation médicale, informée en permanence peut garder, en cas de nécessité ou de doute, une capacité d’évocation d’une situation.
Enfin, le partenariat entre les services, resserré au travers de protocoles clairs, permet de préserver la cohérence d’organisation de chaque entité et de reconnaître comme partenaire, à part entière, le service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers, évitant ainsi des redondances ou des concurrences inopportunes.
Cette expérimentation de co-production d’une prestation globale et continue, devra être mise en œuvre dès le début de l’année prochaine et devra faire l’objet d’un comité de suivi et d’évaluation qui validera étape après étape les conditions d’une généralisation du dispositif. Je souhaite que tous les enseignements en soient tirés dans le sens du meilleur et du plus large partage de responsabilités possible entre les services. Je demande aux deux ministres concernés de conduire et d’évaluer cette expérimentation en 2008 en vue, si elle est concluante, de son extension dès 2009 avec un calendrier ambitieux.
Ces orientations fondent le socle d’une nouvelle politique publique tirant le meilleur parti de notre potentiel, de façon pragmatique : chacun à sa place, avec ses responsabilités clairement définies, mais en travaillant, avec efficacité, sur la synergie entre les services, pour éviter toute rupture dans la chaîne, du secours… aux soins.
En proposant une telle réforme, je sais rencontrer l’assentiment des élus, maires et présidents de Conseil général, notamment des départements ruraux, pour qui la garantie du secours et son efficacité est un des éléments déterminants de l’attractivité de leur territoire. Mais au-delà tous les élus sont particulièrement attachés à leurs corps de sapeurs-pompiers, par leur lien de proximité avec la population, par la permanence du service public qu’ils incarnent, par le fait qu’ils sont enfants du pays et qu’ils reflètent naturellement ces valeurs citoyennes et de solidarité qui font le ciment d’une collectivité.
Cette relation à la commune, cette attention de la commune pour le service départemental d’incendie et de secours, je sais qu’il faut les identifier de façon visible, pour préserver notamment le volontariat, sur lequel repose votre institution.
Faut-il également que ce lien se retrouve dans le financement du service ?
La loi du 27 février 2002 avait prévu la suppression des contingents communaux et intercommunaux et le transfert des financements correspondants par la diminution concomitante de la DGF des communes. La mise en œuvre de cette disposition a, d’ores et déjà, été repoussée 2 fois, elle devrait entrer en application au 1er janvier 2010. Il demeure, me dit-on, encore des problèmes techniques qui s’y opposeraient.
La réalité, c’est que nous n’avons plus le temps d’attendre.
Je propose donc qu’une concertation s’engage, dès à présent, avec les associations des départements et des maires de France, afin d’étudier les modalités de sortie de cette situation d’interrogation de la façon la plus large prenant en compte, outre la nécessaire maîtrise des dépenses des SDIS, la place des communes dans le dispositif.
Les conclusions devront être remises, au gouvernement, avant la fin de l’année, afin d’en tirer toutes les conséquences dans la préparation de la loi de finances pour 2009.
Les relations financières des SDIS avec les autres partenaires peuvent également être améliorées.
Le Fonds d’aide à l’investissement de l’Etat n’a pas, sans doute, été géré comme il aurait dû. Les critiques liées au saupoudrage des financements, à la lourdeur du dispositif, ne sont pas infondées. Un redressement s’est engagé au cours des deux derniers exercices budgétaires. Il sera poursuivi pour mieux affirmer la vocation de ce fonds et particulièrement celle du financement de moyens lourds et structurants couvrant des risques majeurs tels que les inondations ou le NRBC ou permettant la modernisation des systèmes de commandement.
Enfin, les conditions de l’indemnisation des SDIS pour les prestations effectuées, hors du cadre des missions légales, au profit des SAMU doivent être précisées. Un travail conjoint entre les ministères chargés de l’intérieur et de la santé doit aboutir prochainement. J’y veillerai.
Vous l’avez compris, mon seul souci, mon seul objectif est d’assurer la protection de nos concitoyens. Et vous le savez, ils attendent aussi beaucoup de LEURS sapeurs-pompiers.
La mise en œuvre des orientations tracées aujourd’hui nécessite, de la part de chacun des intervenants, une réelle volonté d’aboutir, dans la concertation, en vue du seul bénéficiaire qui compte : la victime, la personne qui demande aide et assistance. C’est le sens de votre démarche et de votre engagement.
Je sais que je peux compter sur vous.
Je voudrais, M. le Président, pour conclure, insister sur l’importance du maintien au plus haut niveau de la compétence professionnelle des corps de sapeurs-pompiers qui permet à la France de répondre avec rapidité aux demandes d’un gouvernement étranger d’envoi d’unités d’intervention immédiatement opérationnelles, comme cet été, et d’être force de proposition pour une initiative européenne.
Les évènements dramatiques du mois d’août, dans le sud de l’Europe liés aux incendies de forêts, de même que les inondations au Royaume Uni et en Europe centrale ont démontré la nécessité de doter l’Union européenne d’une capacité d’intervention pour faire face aux catastrophes de toutes natures.
Ainsi, dans le cadre de la Présidence française, au deuxième semestre 2008, le renforcement des capacités de l’Union européenne dans le domaine de la protection civile constituera un de mes objectifs.
Il pourrait s’agir de l’institution d’une capacité d’intervention fonctionnant dans le cadre d’un véritable mécanisme de solidarité collective intégrant des équipements lourds spécifiques qui peuvent faire défaut ou dont le nombre est insuffisant localement, afin d’assurer le rôle subsidiaire du niveau européen.
L’Union européenne pourrait donc prendre le relais et mettre des moyens complémentaires à disposition de l’Etat sinistré dès lors que la catastrophe dépasse ses capacités de réponse.
L’opinion publique européenne ne nous pardonnera pas d’être restés inactifs si pareilles situations se reproduisaient et les signes de dérèglement climatique nous incitent à agir rapidement.
Les sapeurs-pompiers auront naturellement toute leur place dans la composition des détachements et des modules d’intervention appelés à intervenir à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe, à côté des moyens nationaux.
M. Le président, la sécurité civile a beaucoup évolué ces dernières années, et il reste encore du chemin à parcourir.
Soyez assuré que je serai toujours attentif à l’avenir de votre profession. J’ai souvent été à vos côtés. Je sais l’engagement que représentent les fonctions de sapeur-pompier. Je sais ce que les Français vous doivent et attendent de vous. C’est pourquoi vous avez tout mon soutien et toute ma reconnaissance.
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Mmes et Mrs les élus (Cher Brice),
Mesdames et Messieurs,
Tout d’abord, je voulais vous remercier de votre accueil. C’est toujours un plaisir et une vraie émotion de me retrouver parmi vous. Et je suis sûr que Michèle ALLIOT-MARIE, qui m’accompagne aujourd’hui, partage ce sentiment.
Je sais les contraintes de votre métier, je sais les sacrifices que votre engagement exige de vous-mêmes et de vos familles. J’ai une pensée pour vos femmes et vos enfants, qui sont solidaires de cet engagement, et qui ne vous voient jamais partir en opération sans une certaine appréhension.
En venant à votre congrès, j’honore, bien sûr, ma promesse de l’année dernière. Mais je souhaite surtout honorer l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires auxquels j’associe les personnels militaires de la BSPP, des marins-pompiers de Marseille, des UISC, et les personnels de la sécurité civile.
Je veux vous adresser l’hommage de la Nation, saluer ceux d’entre vous qui ont été blessés en opération et m’incliner avec respect et douleur à l’évocation du souvenir de vos camarades décédés.
Ce Congrès, c’est aussi pour moi l’occasion de poursuivre avec vous tous, ce dialogue engagé il y a 5 ans et de tracer, ensemble des voies nouvelles d’évolution.
Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, M. le Président, et les questions que vous soulevez sont importantes.
Vous avez dit votre préoccupation en matière de secours à personnes. Je la partage.
Qu’attendent nos concitoyens ?
- D’abord, le plus souvent une réponse de proximité à une demande d’aide qui ne relève pas toujours du geste médical ou de l’urgence, mais qui peut, tout simplement, manifester l’attente d’un conseil ou d’ un soutien,
- Ensuite, un secours - le plus rapide possible - en cas d’accident au domicile ou sur la voie publique,
- Enfin, une prise en charge médicale efficace et de qualité, lorsqu’elle est nécessaire, dans les meilleurs délais possible.
Il faut prendre en compte le désarroi d’une jeune maman face aux pleurs incompréhensibles d’un bébé, des familles confrontées au malaise d’un parent âgé…et bien d’autres situations où les aléas de la vie nous laissent démunis.
Notre système médical et de secours repose sur trois piliers :
- La permanence des soins
- Le secours aux personnes
- Les services d’urgence.
Si l’un de ces éléments vient à se dérégler, l’ensemble du système est perturbé.
Quel est aujourd’hui le constat que l’on fait ?
Pour nombre de gens en France, « trouver un médecin » devient une préoccupation. L’incompréhension de la population est réelle et chacun peut faire valoir son expérience personnelle ou celle de proches de la difficulté de joindre en dehors des heures ouvrables, le samedi, le dimanche ou les jours fériés, un médecin libéral de garde ou la régulation libérale lorsqu’elle existe … on pourrait citer de nombreux exemples de dysfonctionnements. La presse et les élus s’en font l’écho.
J’entends bien que l’on me dit que c’est l’évolution de la société, que les médecins comme la population en général aspirent à une vie familiale et au repos, que par ailleurs, la population médicale est mal répartie et qu’il existe des territoires particulièrement touchés qui ne peuvent plus assurer de garde. Mais j’entends aussi lorsque l’on me dit que des tableaux de permanence laissent vacants des secteurs entiers.
Ce n’est pas tant la démographie médicale actuelle qui est préoccupante, dans notre pays que ses évolutions à moyen terme qui, malgré l’augmentation du numerus clausus, laissent augurer une baisse de 9% du nombre de médecins avec des inquiétudes sérieuses pour les zones rurales.
C’est un sujet de société majeur. Et, dans ce domaine, je souhaite en appeler à la responsabilité individuelle de manière plus forte. Les libertés d’installation, de prescription, de choix par les patients de leur médecin, auxquelles nous sommes tous profondément attachés, vont de pair avec une responsabilisation de tous les acteurs. Il n’est pas normal que la répartition des médecins sur le territoire soit aussi inégale, il n’est pas acceptable que la permanence des soins ne puisse être assurée. Il y a là des mesures à prendre pour assurer ce service public. Il en va de l’accès aux soins des français. Nous ne pouvons accepter plus longtemps cette situation. Il est temps de trouver des solutions concrètes pour l’accès à une aide, un conseil, un soutien, un médecin ou un plateau technique en cas d’urgence.
J’attends des propositions en ce domaine de Madame la Ministre de la santé et de l’ensemble des professionnels concernés.
Dans cette chaîne complexe de la permanence des soins, tout se tient. Nous le savons ce sont souvent les urgences qui pallient les insuffisances de la médecine de ville : la tendance est croissante, soit de façon explicite, soit de façon implicite, de confier la permanence des soins après minuit aux seules urgences hospitalières. Ces urgences sont saturées par l’afflux de personnes en quête d’une réponse mais dont la pathologie ne relève pas à l’évidence de l’hôpital.
Les centres 15 sont eux aussi assaillis d’appels, victimes de leur succès. Cela rejaillit inévitablement sur la capacité et sur les délais de réponse de la régulation, donc in fine sur la qualité du service et l’efficacité du système global. Mais n’oublions pas que la régulation médicale, au-delà des difficultés qu’elle peut rencontrer localement et que vous dénoncez, a permis d’améliorer de 30% le taux de survie et de diminuer les besoins de réanimation et les séquelles. La régulation médicale doit donc, sans doute, être améliorée, mais ne peut être remise en cause dans son principe.
En outre, les éléments qui ont suscité aujourd’hui votre réflexion illustrent une grande hétérogénéité des situations d’un département à l’autre, un partage des compétences mal stabilisé. Il me paraît nécessaire de conduire un vrai travail sur l’organisation de notre dispositif de secours et d’urgence, sans a priori, sans s’attacher à de fausses querelles et je vous sais gré de ne pas réduire le sujet à une opposition entre « rouges » et « blancs » inutile et inefficace. Vous œuvrez ensemble pour le bien commun, pour le sort des personnes qui sont en danger ou dans la peine. Je ne veux pas de querelles de chapelles. Je veux de l’efficacité et du pragmatisme pour répondre aux attentes des français, en mobilisant les moyens à bon escient.
Oui, M. le Président, il faut remettre la victime, le citoyen, l’usager, la PERSONNE au cœur de notre dispositif, il faut revivifier notre service public. Une réflexion globale doit donc être engagée qui doit se fonder sur des idées simples :
- la valorisation de notre potentiel et l’optimisation des compétences
- une répartition plus claire de ces compétences et des responsabilités avec pragmatisme et réalisme, dans le respect de chacun
- l’adaptation au terrain
- la maîtrise des coûts.
Quel est donc ce potentiel public à valoriser ?
Nous disposons d’une réelle capacité de prise en compte des détresses médicales : nos hôpitaux, nos services des urgences, les SMUR, les personnels médecins, infirmiers, aides soignants font un travail formidable dans des conditions difficiles. Les centres de régulation sont une nécessité, ils ont su, eux aussi s’adapter au fil du temps, se professionnaliser et prendre en compte les évolutions de la carte hospitalière, qui a commencé à être rationalisée, mais la recomposition va se poursuivre et il faut en anticiper les effets dans l’organisation des secours aux personnes…La médecine d’urgence est une spécialité exigeante et la France a un savoir-faire reconnu.
Nous disposons par ailleurs d’une force unique qui est celle des sapeurs-pompiers, 250 000 hommes et femmes, répartis au plus près de la population, sur l’ensemble du territoire, encadrés, formés, entrainés, équipés et qui portent haut leurs valeurs d’engagement, de dévouement et de disponibilité.
L’analyse des situations montre à l’évidence que tous les appels d’urgence ne réclament pas une prise en charge médicalisée. Soit. Mais qui le décide, à quel moment et dans quel contexte ?
Mon sentiment est que l’on a laissé les deux institutions trop longtemps vivre dans leur logique propre, s’en remettant aux relations entre les hommes. Alors, entre nous, dans certains départements, la confiance est là, le dialogue est instauré et cela marche très bien. Dans d’autres cela marche moins bien. Mais, les enjeux sont tels que l’on ne peut rester en l’état. Il faut davantage d’organisation, de procédures, de mutualisation des moyens, pas pour le plaisir, ni pour satisfaire des vues technocratiques mais pour que l’efficacité du système de secours à personne ne repose pas seulement sur la bonne entente des hommes et des femmes. Le système de secours à personne est un système coopératif qui doit être organisé comme tel.
D’abord au niveau central, les deux directions de tutelle, doivent mieux se coordonner. Le temps, où chacune pouvait faire des circulaires internes, qui étaient susceptibles d’impacter le fonctionnement de l’autre institution, sans concertation, doit être révolu. Entre la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins et la direction de la défense et de la sécurité civiles, l’échange et le travail en commun doivent être permanents.
Au niveau territorial - c’est extraordinaire aussi - les schémas d’organisation sanitaire, les SROS et les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques, les SDACR, ont été élaborés et cohabitent sans réel lien entre eux. Ils sont pourtant censés répondre à une même problématique : comment organiser, sur un territoire donné, la réponse la plus adaptée aux risques quotidiens auxquels la population est exposée ? Je souhaite donc que dès 2008, à l’occasion de la révision du volet « Urgences » des SROS, les données des SDACR soient intégrées afin de permettre une meilleure cohérence dans l’organisation des secours à personnes. Cela permettra également de donner la primauté à une analyse partagée des risques locaux et aux enjeux d’organisation propres à chaque structure. Les directeurs des agences régionales d’hospitalisation associeront les préfets de département à cet exercice. Le volet « urgences » des SROS sera, en conséquence, soumis au comité départemental de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins et des transports sanitaires.
Au plan opérationnel, je pense que tant pour des questions de démographie médicale à moyen terme, que de maîtrise des coûts, notre organisation devrait reposer sur une réponse graduée des secours et la reconnaissance d’une responsabilité d’orientation de l’intervenant de premier niveau. Mais pour vérifier la pertinence et la faisabilité de cette solution, il est nécessaire d’envisager, dès que possible, les conditions d’une expérimentation, en grandeur réelle, sur un ou plusieurs départements.
Le partage des responsabilités doit être formalisé dans un référentiel de régulation des interventions SDIS SAMU, établissant une typologie des pathologies et des circonstances aggravantes, en vue de préciser les cas dans lesquels le premier niveau détient une capacité de décision propre. L’objectif recherché doit être évidemment la rapidité de la réponse des secours, mais qui ne doit pas se faire au détriment de la qualité des soins et de la prestation dus à la victime. Par ailleurs, ce partage de responsabilités devra être encadré par un protocole conjoint de compétences et de formations professionnelles, intégrant, naturellement, les personnels non médecins.
La mise en place d’un référentiel commun permettra la reconnaissance du champ de compétences propre des sapeurs –pompiers et du savoir-faire de leur personnel ainsi que le cadre de leurs responsabilités. Cela valorisera la capacité des SDIS à agir en situation de prompt secours, à se déplacer sur place dans des délais les plus brefs et à agir dans une relation rénovée avec la régulation médicale.
L’effectivité de ce partage de compétences doit également s’adosser à un système d’information et de communication totalement interconnecté entre les deux services, permettant une optimisation de l’engagement des moyens opérationnels. D’autre part la migration conjointe des SAMU et des SDIS sur un réseau de communication unique doit devenir une réalité. Les deux ministères se sont engagés sur cet objectif opérationnel, dont la mise en œuvre interviendra dès 2008.
Ainsi, la régulation médicale, informée en permanence peut garder, en cas de nécessité ou de doute, une capacité d’évocation d’une situation.
Enfin, le partenariat entre les services, resserré au travers de protocoles clairs, permet de préserver la cohérence d’organisation de chaque entité et de reconnaître comme partenaire, à part entière, le service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers, évitant ainsi des redondances ou des concurrences inopportunes.
Cette expérimentation de co-production d’une prestation globale et continue, devra être mise en œuvre dès le début de l’année prochaine et devra faire l’objet d’un comité de suivi et d’évaluation qui validera étape après étape les conditions d’une généralisation du dispositif. Je souhaite que tous les enseignements en soient tirés dans le sens du meilleur et du plus large partage de responsabilités possible entre les services. Je demande aux deux ministres concernés de conduire et d’évaluer cette expérimentation en 2008 en vue, si elle est concluante, de son extension dès 2009 avec un calendrier ambitieux.
Ces orientations fondent le socle d’une nouvelle politique publique tirant le meilleur parti de notre potentiel, de façon pragmatique : chacun à sa place, avec ses responsabilités clairement définies, mais en travaillant, avec efficacité, sur la synergie entre les services, pour éviter toute rupture dans la chaîne, du secours… aux soins.
En proposant une telle réforme, je sais rencontrer l’assentiment des élus, maires et présidents de Conseil général, notamment des départements ruraux, pour qui la garantie du secours et son efficacité est un des éléments déterminants de l’attractivité de leur territoire. Mais au-delà tous les élus sont particulièrement attachés à leurs corps de sapeurs-pompiers, par leur lien de proximité avec la population, par la permanence du service public qu’ils incarnent, par le fait qu’ils sont enfants du pays et qu’ils reflètent naturellement ces valeurs citoyennes et de solidarité qui font le ciment d’une collectivité.
Cette relation à la commune, cette attention de la commune pour le service départemental d’incendie et de secours, je sais qu’il faut les identifier de façon visible, pour préserver notamment le volontariat, sur lequel repose votre institution.
Faut-il également que ce lien se retrouve dans le financement du service ?
La loi du 27 février 2002 avait prévu la suppression des contingents communaux et intercommunaux et le transfert des financements correspondants par la diminution concomitante de la DGF des communes. La mise en œuvre de cette disposition a, d’ores et déjà, été repoussée 2 fois, elle devrait entrer en application au 1er janvier 2010. Il demeure, me dit-on, encore des problèmes techniques qui s’y opposeraient.
La réalité, c’est que nous n’avons plus le temps d’attendre.
Je propose donc qu’une concertation s’engage, dès à présent, avec les associations des départements et des maires de France, afin d’étudier les modalités de sortie de cette situation d’interrogation de la façon la plus large prenant en compte, outre la nécessaire maîtrise des dépenses des SDIS, la place des communes dans le dispositif.
Les conclusions devront être remises, au gouvernement, avant la fin de l’année, afin d’en tirer toutes les conséquences dans la préparation de la loi de finances pour 2009.
Les relations financières des SDIS avec les autres partenaires peuvent également être améliorées.
Le Fonds d’aide à l’investissement de l’Etat n’a pas, sans doute, été géré comme il aurait dû. Les critiques liées au saupoudrage des financements, à la lourdeur du dispositif, ne sont pas infondées. Un redressement s’est engagé au cours des deux derniers exercices budgétaires. Il sera poursuivi pour mieux affirmer la vocation de ce fonds et particulièrement celle du financement de moyens lourds et structurants couvrant des risques majeurs tels que les inondations ou le NRBC ou permettant la modernisation des systèmes de commandement.
Enfin, les conditions de l’indemnisation des SDIS pour les prestations effectuées, hors du cadre des missions légales, au profit des SAMU doivent être précisées. Un travail conjoint entre les ministères chargés de l’intérieur et de la santé doit aboutir prochainement. J’y veillerai.
Vous l’avez compris, mon seul souci, mon seul objectif est d’assurer la protection de nos concitoyens. Et vous le savez, ils attendent aussi beaucoup de LEURS sapeurs-pompiers.
La mise en œuvre des orientations tracées aujourd’hui nécessite, de la part de chacun des intervenants, une réelle volonté d’aboutir, dans la concertation, en vue du seul bénéficiaire qui compte : la victime, la personne qui demande aide et assistance. C’est le sens de votre démarche et de votre engagement.
Je sais que je peux compter sur vous.
Je voudrais, M. le Président, pour conclure, insister sur l’importance du maintien au plus haut niveau de la compétence professionnelle des corps de sapeurs-pompiers qui permet à la France de répondre avec rapidité aux demandes d’un gouvernement étranger d’envoi d’unités d’intervention immédiatement opérationnelles, comme cet été, et d’être force de proposition pour une initiative européenne.
Les évènements dramatiques du mois d’août, dans le sud de l’Europe liés aux incendies de forêts, de même que les inondations au Royaume Uni et en Europe centrale ont démontré la nécessité de doter l’Union européenne d’une capacité d’intervention pour faire face aux catastrophes de toutes natures.
Ainsi, dans le cadre de la Présidence française, au deuxième semestre 2008, le renforcement des capacités de l’Union européenne dans le domaine de la protection civile constituera un de mes objectifs.
Il pourrait s’agir de l’institution d’une capacité d’intervention fonctionnant dans le cadre d’un véritable mécanisme de solidarité collective intégrant des équipements lourds spécifiques qui peuvent faire défaut ou dont le nombre est insuffisant localement, afin d’assurer le rôle subsidiaire du niveau européen.
L’Union européenne pourrait donc prendre le relais et mettre des moyens complémentaires à disposition de l’Etat sinistré dès lors que la catastrophe dépasse ses capacités de réponse.
L’opinion publique européenne ne nous pardonnera pas d’être restés inactifs si pareilles situations se reproduisaient et les signes de dérèglement climatique nous incitent à agir rapidement.
Les sapeurs-pompiers auront naturellement toute leur place dans la composition des détachements et des modules d’intervention appelés à intervenir à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe, à côté des moyens nationaux.
M. Le président, la sécurité civile a beaucoup évolué ces dernières années, et il reste encore du chemin à parcourir.
Soyez assuré que je serai toujours attentif à l’avenir de votre profession. J’ai souvent été à vos côtés. Je sais l’engagement que représentent les fonctions de sapeur-pompier. Je sais ce que les Français vous doivent et attendent de vous. C’est pourquoi vous avez tout mon soutien et toute ma reconnaissance.