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Le transfert de patients « à coeur arrêté »

Publié le 14/12/2006
Tags : Exercice Pro Organisation Document
Réunion de travail SFMU - Samu-de-France (21/06/2006)

Rédacteurs
Agnès Ricard-Hibon (Smur du 92 Clichy), Gilles Bagou (Samu 69 Lyon)

Experts
Frédéric Adnet (Samu 93 Avicenne), Bruno Bernot (Urgences Jean Verdier), Coralie Braganca (Samu 33 Bordeaux), Lionel Castanier (Urgences, Aix-en-Provence), Jeanne Caudron (Urgences, CHIRC Créteil), Charlotte Chollet-Xemard (Samu 94 Créteil), Xavier Combes (Samu 94 Créteil), Marc Freysz (Samu 21 Dijon), Renaud Gruat (Hôpital de Pontoise), Elisabeth Menthonnex (Samu 38 Grenoble), France Roussin (Hôpital Saint Louis), Karim Tazarourte (Samu 77 Melun), Alain Tenaillon (ABM, Saint Denis)

Experts consultés
Sadek Beloucif (Avicenne), Frédéric Thys (Urgences Hôpital Saint Luc Bruxelles), Patrick Goldstein (Président de la SFMU), Marc Giroud (Président de Samu-de-France)

Position du problème

Un protocole national a été mis en place afin de développer une stratégie de prélèvements d’organe chez des patients présentant un arrêt circulatoire persistant après une réanimation médicalisée bien conduite, dits « patients à cœur arrêté ». La Société Française de Médecine d’Urgence et le Samu-de-France ont été sollicités pour participer au projet.

La procédure suivante, réalisée en partenariat avec l’Agence de la biomédecine (ABM) a pour objectif d’établir des recommandations de bonne pratique afin d’aider les urgentistes confrontés à ces situations et d’éviter d’éventuelles dérives.

Le texte actuel se veut une réponse technique consensuelle au sein de différents professionnels impliqués à des titres divers dans la prise en charge de tels patients. Le groupe, considérant comme acquis le principe des prélèvements à cœur arrêté (comme il l'a été dans d'autres pays européens) présente les propositions suivantes comme un guide à respecter afin d'assurer pour le futur une bonne acceptation sociale dans le pays.

Cadre législatif et réglementaire

·       Décret N°2005-949 du 2 août 2005 relatif aux conditions de prélèvement des organes, des tissus et cellules et modifiant le Livre II de la première partie du code de la santé publique. JO du 6 août 2006.

·       Arrêté du 2 août 2005 fixant la liste des organes pour lesquels le prélèvement sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant est autorisé. JO du 6 août 2005.

·       Arrêté du 2 août 2005 fixant la liste des tissus et des cellules pour lesquels le prélèvement sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant est autorisé.

Patients concernés

·       Les patients concernés par un éventuel don d’organe « à cœur arrêté » sont ceux inclus dans la catégorie II de Maastricht (cf. Annexe 1) (AC en présence des secours avec initiation immédiate du MCE et de la VA). Ces patients comprennent les AC survenant devant les équipes de prompt secours ou devant l’équipe de réanimation préhospitalière.

·       Les patients de la catégorie I de Maastricht peuvent être inclus sous réserve de l’obtention d’une heure précise de l’AC (en pratique : effondrement devant témoin et appel immédiat au « 15 » ou « 18 »), avec l’initiation des premiers gestes de réanimation dans les 30 minutes qui suivent l’effondrement.

·       Les patients de la catégorie III et IV de Maastricht ne sont pas concernés

·       Patients de plus de 18 ans et de moins de 55 ans.

·       Pas de pathologies incompatibles avec un don d’organe à cœur arrêté (ATCD de maladie rénale, de maladie hypertensive ou diabétique y compris traitée, de cancer (y compris toute pathologie tumorale du cerveau) ou de sepsis grave).

·       Sont exclus les patients qui nécessitent une réanimation cardio-pulmonaire prolongée (intoxications, hypothermie, etc.…) et/ou qui justifient d’une mise sous circulation extracorporelle thérapeutique.

Diagnostic d’arrêt circulatoire persistant

Le diagnostic d’arrêt circulatoire persistant chez une personne présentant un arrêt circulatoire est évoqué devant la constatation de l’absence d’une reprise d’activité hémodynamique au cours et au décours de 30 minutes de réanimation médicalisée bien conduite, réalisée sur les  lieux de l’intervention, selon les recommandations nationales en vigueur. En aucun cas, l’éventualité du diagnostic de mort et le transport du patient pour un éventuel prélèvement d’organe « à cœur arrêté » ne peuvent s’envisager avant le délai de 30 minutes de réanimation médicalisée bien conduite. Devant cet échec d’une réanimation médicale bien conduite, le transfert du patient est alors envisagé et les manœuvres thérapeutiques (ventilation mécanique, massage cardiaque continu) sont poursuivies. Le transfert du patient sera envisagé, dans le cadre d’un protocole, vers un service de réanimation et/ou de surveillance post-interventionnelle habilité à recevoir des patients pour prélèvements d’organes « à cœur arrêté ».

Le constat de décès comportant la constatation d’un arrêt cardiaque irréversible pendant 5 minutes après l’arrêt des manœuvres de réanimation sera effectué en milieu intrahospitalier. Ce diagnostic est effectué par le médecin d’accueil hospitalier qui établit le certificat de décès.

Les patients présentant une possible implication médico-légale peuvent également être inclus dans cette procédure. Les procureurs ont été informés par l’ABM de ce protocole. En cas de mort suspecte ou violente, la procédure habituelle avec implication du Procureur de la République sera effectuée en intrahospitalier.

Le transport

Le patient est transféré avec une poursuite des manœuvres thérapeutiques pendant le transport (massage cardiaque externe continu avec planche à masser et ventilation mécanique artificielle).

Relations avec les proches

La législation et les règles de déontologie médicales imposent un contact loyal avec les proches. A l’heure actuelle, en raison d’une absence de campagne d’information grand public sur les prélèvements d’organes « à cœur arrêté », il ne paraît pas raisonnable d’annoncer en préhospitalier le décès et le transfert pour prélèvements d’organes « à cœur arrêté ». Une information des proches concernant la gravité et le pronostic très défavorable doit être effectuée afin de ne pas donner de faux espoirs à la famille.

L’annonce du transfert en réanimation avec poursuite du massage cardiaque et de la ventilation est annoncé aux proches dans le cadre d’une prise de décision collégiale hospitalière.  Si les proches refusent le transfert, le décès est prononcé sur place. En l’absence de proches, le transfert pourra être envisagé.  

  L’information des proches est orale. Il n’y a pas lieu, dans ce contexte, de laisser un document écrit. Cette information orale ne peut être improvisée sur place mais doit être préparée afin de délivrer un message cohérent avec les recommandations. Une aide à la formulation orale est proposée sous la forme suivante :

  Votre parent a été victime d’un arrêt cardiaque. Une réanimation a été entreprise, mais, malgré toutes les techniques de réanimation et les médicaments puissants utilisés, le cœur ne peut pas repartir. Je pense que votre parent est décédé mais je préfère poursuivre les manœuvres thérapeutiques jusqu'à l'hôpital afin de ne pas prendre seul la décision de les arrêter. La décision sera prise de manière collégiale à l'hôpital. Nous allons partir pour l’hôpital ……. Il est important que vous vous rendiez tout de suite à l’hôpital.

Services receveurs

Seuls quelques services pilotes (9 actuellement) sont autorisés à recevoir des patients pour don « d’organe à cœur arrêté ».   Ces derniers doivent avoir signé une convention avec  l’Agence de la biomédecine et être disponibles H24 pour recevoir ces patients. Les patients seront adressés dans une structure hospitalière possédant l’ensemble du plateau technique nécessaire à la réanimation de patients en état grave. L’admission directe dans une structure spécifiquement dédiée aux prélèvements d’organes présente un risque d’incompréhension de la part d’une famille non préparée à ce concept. L’admission du patient dans un hôpital situé à distance du lieu de prise en charge et différent de l’hôpital habituellement reconnu comme service receveur des patients graves nécessite, le cas échéant, d’être explicité à la famille. Le terme de « structure la plus adaptée à l’état du patient » doit donc correspondre à une réalité tant pour les projets thérapeutiques que pour les prélèvements d’organes « à cœur arrêté ».

Régulation médicale

Le temps imparti à la procédure étant très court (120 minutes entre l’effondrement et l’arrivée du patient dans un service receveur), la mise en alerte du service receveur doit être anticipée par la régulation médicale SAMU-Centre 15. Un bilan précoce du médecin SMUR après la mise en œuvre de la réanimation médicalisée doit être passé au médecin régulateur afin de lancer la procédure. Les services receveurs doivent donner une réponse rapide afin de ne pas retarder l’admission à l’hôpital.

Procédure d’évaluation

Un registre des patients éligibles pour prélèvements d’organes « à cœur arrêté » (c.-à-d. recensés par le SAMU-SMUR) doit être mis en place en relation avec l’ABM. Ce registre doit comporter le nombre de patients éligibles, le nombre de patients prélevés, le nombre de patients non-inclus, le nombre de refus liés aux proches ou liés à l’éventuel contexte médico-légal ainsi que tous les problèmes rencontrés, en particulier avec la famille.  Une évaluation psychologique et sociologique, comportant les éléments liés à l’information, en particulier des partenaires de l’Aide Médicale Urgente complètera cette évaluation. Les horaires de prise en charge préhospitalière et intrahospitalière devront être colligés.

Un comité de pilotage validé par l’Agence de la biomédecine, le CA de SAMU-de-France et le CA de la SFMU est constitué avec le groupe ayant élaboré la procédure.


RECOMMANDADTIONS SUR LA COMMUNICATION AUX COLLABORATEURS DU smur

Tous les éléments précédents ont fait l'objet d'un consensus à l'unanimité des participants de ce projet SFMU-Samu de France.

Le niveau et le type d'information à communiquer aux autres professionnels impliqués dans la prise en charge de ce type de patients (personnels paramédicaux, mais aussi officiers de police, gendarmes, pompiers, secouristes ou autres...) a fait l'objet d'un débat non encore conclu de manière unanime. Cette non-unanimité dans ce qu'il est sans doute utile (ou nécessaire) de dire peut témoigner de difficultés de communication trouvant leur origine dans le caractère extrêmement nouveau de cette procédure et de la faible communication au plan national pour le grand public de ces situations.

Les collaborateurs du SMUR doivent être informés avec loyauté d’autant qu’ils connaissent les procédures « habituelles » de prise en charge et d’arrêt de réanimation des patients en arrêt cardio-respiratoire et qu’ils sont témoins des gestes réalisés et des commentaires de l’équipe SMUR que parfois ils connaissent de manière amicale.

Les propositions suivantes constituent une aide à la communication destinée à donner une information simple et à guider les réponses aux questions qui peuvent être posées au médecin du SMUR sans susciter expressément ces questions.

Les collaborateurs du SMUR sont tenus au secret professionnel, il convient de leur rappeler lors de l’intervention notamment en raison de la sensibilité actuelle des explications qui leur sont données.

Pour qui :

·       témoins professionnellement impliqués dans la prise en charge : sapeurs pompiers, ambulanciers, secouristes, Permanenciers d’Aide à la Régulation Médicale (PARM), stagiaires…

·       l’entourage familial, professionnel et les autres témoins ne sont pas concernés

·       les personnels hospitaliers seront informés par les médecins du service receveur de manière adaptée

Par qui :

·       médecin SMUR dans tous les cas

·       éventuellement et en complément, le médecin du service d’accueil hospitalier

Quand :

·       au cours de l’intervention SMUR

·       impérativement après échec de la Réanimation cardio-pulmonaire (RCP) (à partir du moment où celle-ci serait arrêtée)

·       avant l’accueil hospitalier (surtout s’il s’agit d’un service « inhabituel » : nature ou localisation de ce service…)

Pourquoi :

·       expliquer la nécessité de techniques assurant la meilleure préservation des organes prélevables

·       préciser que l’éventuel prélèvement obéira aux dispositions légales en vigueur

·       confirmer que la réanimation cardio-pulmonaire spécialisée a été réalisée selon les recommandations scientifiques en vigueur (qualité et durée)

·       rappeler que le SMUR est là pour préserver la vie

Comment : éléments qui peuvent être expliqués :

·       la RCP spécialisée a été réalisée dans son intégralité

·       la RCP spécialisée est un échec total qui, jusqu’à présent et en d’autres circonstances, conduit à l’arrêt définitif des techniques de réanimation et à la rédaction du certificat de décès : le patient est donc médicalement mort

·       il n'est pas possible de proposer un prélèvement d’organes dans l’immédiat : procédure longue après information et avis de l’entourage

·       si un prélèvement d’organes devait être réalisé, il est nécessaire que ces organes soient les mieux préservés possible pour favoriser la réussite de la transplantation

·       il est éthique d’assurer la préservation des organes en attendant l’entrevue avec les proches

·       les techniques classiques de préservation ne sont pas optimales pour les décès survenant en dehors des services de réanimation, elles sont quasi inexistantes dans le cadre extrahospitalier

·       il est licite de mettre en œuvre des techniques spécialisées alternatives dans l’attente d’une décision définitive quant au prélèvement

·       l’entourage du malade sera informé et accompagné par des équipes spécialisées mais, dans le contexte d’un décès brutal, il est impossible de lui faire subir sur les lieux de l’intervention et en un temps très court une information si complexe

·       ces procédures sont déjà appliquées dans certains pays européens : Espagne, Belgique, Pays-Bas

·       seul un petit nombre (9) d’équipes médicales françaises est habilité à cette procédure qui est contrôlée par les Autorités de Santé.


annexe 1 - Classification Interbationnale de maastricht

Catégorie I de Maastricht :

Les personnes qui font un arrêt cardiaque en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée et pour lesquelles le prélèvement d’organes ne pourra être envisagé que si la mise en œuvre de gestes de réanimation de qualité a été réalisée  moins de 30 min après l’arrêt cardiaque.

Catégorie II de Maastricht :

Les personnes qui font un arrêt cardiaque en présence de secours qualifiés, aptes à réaliser un massage cardiaque et une ventilation mécanique efficaces, mais dont la réanimation ne permettra pas une récupération hémodynamique. 

Catégorie III de Maastricht :

Les personnes hospitalisées pour lesquelles une décision d’un arrêt des traitements est prise en raison de leur pronostic

Catégorie IV de Maastricht :

Les personnes décédées en mort encéphalique qui font un arrêt cardiaque irréversible au cours de la prise en charge de réanimation.

 

 

 

 

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