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Lettre à Madame la Ministre de la Santé et de la Prévention, Madame Brigitte BOURGUIGNON
Madame la Ministre,
Ce printemps, la crise de notre système de santé va atteindre son paroxysme à travers la faillite incontrôlée du fonctionnement des services d’urgence qui laisse présager, dès cet été, un véritable désastre sanitaire, sans commune mesure avec les difficultés estivales antérieures habituelles.
Tous, soignants, directeurs d’établissements, CH et CHU, confirment que cette crise, est d’une ampleur inégalée, qu’elle n’atteint pas que les structures d’urgence mais que cette faillite de cette première ligne aura des répercussions désastreuses sur l’ensemble de l’hôpital et du système de santé français.
D’après une photographie rapide de la situation (tableau joint), c’est plus d’une centaine de services d’urgence, de toutes tailles, des petits CH aux grands CHU, qui sont déjà en difficulté majeure avec des fermetures d’activité, partielles ou totales.
« Vitrine de l’hôpital », les urgences apparaissent aujourd’hui surtout comme une interface entre la ville et l’hôpital qui concentre les dysfonctionnements de ces deux secteurs. Ces dysfonctionnements se traduisent par une saturation inacceptable des urgences qui a des conséquences dramatiques sur la santé des soignés (on évoque de plus en plus de véritables situations de « maltraitance », a fortiori lorsque des services doivent fermer par manque de ressources) et ... sur celle des soignants, à la fois harassés par la surcharge de travail, désespérés par le sentiment de mal faire leur métier et désemparés par la montée des violences réactionnelles dont ils sont victimes.
Il n’y a malheureusement pas de solution miracle mais un panel d’outils, pour l’amont comme pour l’aval. Certains peuvent être efficaces immédiatement, alors que d’autres tout aussi nécessaires, vont évidemment nécessiter des délais incompatibles avec la situation d’extrême urgence que nous vivons.
Un impératif n’est cependant indiscutable : maintenir la réponse aux urgences vitales et graves, sans accepter de solutions dégradées, qui auraient des conséquences immédiatement délétères pour les patients et intolérables pour la population. Cela passe par le maintien des SMUR, et le renforcement de la régulation médicale du Samu/SAS
Pour Samu-Urgences de France il est impératif de simultanément :
Agir sur l’amont : « les urgences ne prennent en charge que ce qui relève des urgences ! »
- Communiquer : « Avant de vous déplacer, appelez ! » ;
- Renforcer la régulation médicale (Samu/SAS), première ligne avant l’entrée aux urgences ;
- Imposer une régulation médicale préalable à toute entrée aux urgences = accès au SU, au moins la nuit ;
- Coordonner les fermetures des cabinets médicaux en lien avec les CPTS et/ou les CDOM ;
- Mettre en place des unités mobiles/fixes de télémédecine à la disposition du Samu/SAS ;
- Valoriser financièrement nos collègues libéraux qui apportent une réponse à des besoins de soins non programmés définis par la régulation médicale.
Agir sur l’aval : « ce sont les malades de l’hôpital et non ceux des seules urgences ! »
- Imposer une unité de gestion des lits, opérationnelle dans tout établissement siège de SU ;
- Imposer une gestion des lits territoriale pour tout établissement siège de GHT ;
- Mettre en place le Besoin Journalier Minimum en Lits (BJML) comme préconisé dans le pacte de refondation des urgences ;
- Imposer la reprise par les établissements qui n’ont pas de structure des urgences les patients suivis chez eux et qui sont dans un service d’urgence. La continuité des soins est un impératif pour tous ;
- Fermer les UHCD qui ne jouent plus leur rôle ou en confier la responsabilité à d’autres médecins que les urgentistes.
Agir sur le réseau des urgences : « anticiper les difficultés ! »
- Coordonner les solutions à l’échelle d’un territoire, y compris avec le secteur privé, pour éviter des fermetures conjointes de plusieurs structures (rôle des ARS) ;
- Privilégier toujours le maintien d’un Smur pour assurer la réponse aux urgences vitales et/ou graves, extra ou intra hospitalières. Identifier clairement d’éventuelles solutions temporairement dégradées et faire piloter leur fonctionnement par la régulation médicale du Samu ;
- Fermer les structures dont l’activité nocturne relève essentiellement de la permanence des soins et non des urgences ou les confier à la médecine de ville ;
Agir en faveur des personnels de santé : « les professionnels de santé ont pour mission d’éviter aux patients de souffrir, mais n’ont pas vocation à souffrir eux- mêmes du fait de conditions de travail inadaptées !»
- Recruter les effectifs jugés nécessaires, sur la base des référentiels professionnels en rendant les conditions de travail acceptables ;
- Rétablir la valorisation financière des horaires de permanence des soins pour tous les professionnels de santé comme cela était le cas durant la pandémie et revaloriser les heures supplémentaires et le temps de travail additionnel ;
- Revaloriser la rémunération de la garde pour nos collègues libéraux dès lors qu’ils interviennent comme effecteurs de la régulation médicale ;
- Corriger l’injustice faite aux praticiens hospitaliers en rattrapant, pour ceux qui sont concernés, les quatre années d’ancienneté dont ils ont été floués lors du Ségur de la santé ;
- Appliquer dans tous les établissements le cadre réglementaire sur le temps de travail ;
- Accélérer l’analyse des dossiers des praticiens étrangers admis aux concours (PADHUE) pour autoriser leur exercice avant l’été.
Aujourd’hui, le sujet n’est malheureusement pas d’attirer de nouveaux professionnels dans nos établissements mais d’éviter le départ des rares qui y restent ...
Madame la Ministre, à l’aube de votre nouvelle mission, l’heure n’a jamais été aussi grave pour la Santé de nos concitoyens ! Samu-Urgences de France porte cette alerte depuis plusieurs semaines pour que ces mesures de sauvetage, de type « damage control » (stratégie appliquée en réanimation et chirurgie d’urgence, inspirée par la marine de guerre) soient immédiatement appliquées.
En France, aujourd’hui, le risque de mourir à cause d’un obus russe est limité, mais pas celui de mourir d’un défaut de soins !
Nous sollicitons donc un entretien avec vous, dans les plus brefs délais, afin de pouvoir vous apporter tous les éclairages issus de nos remontées de terrain, les réflexions que nous, professionnels de terrain, menons depuis plusieurs mois, et aussi rassurer les médecins urgentistes et les personnels soignants des services d’urgence, sur la priorité que vous allez donner à la gestion de cette situation dramatique et sur les premières décisions que vous comptez prendre.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos respectueuses salutations.
Pour le Conseil d’Administration
Dr François BRAUN
Président de Samu-Urgences de France