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Rapport de la Cour des Comptes - Les urgences médicales : constats et évolution récente
PRESENTATION
La population recourt de plus en plus fréquemment aux services d’urgence hospitaliers. Le nombre de passages dans ces services a doublé entre 1990 et 2004 : il est passé de 7 à 14 millions.
Cette situation est paradoxale, car ces passages, le plus souvent, ne correspondent pas à une situation d’urgence vitale ou grave, puisque dans les trois quarts des cas environ, les patients retournent à domicile après consultation. Elle crée par ailleurs des insatisfactions tant pour les personnels du fait des difficultés à gérer les flux des patients à l’intérieur du service ou de l’établissement que pour les usagers, du fait des temps d’attente jugés parfois excessifs. .
Les pouvoirs publics ont cherché à promouvoir des solutions plus adaptées aux besoins réels de la population. Ils ont agi en amont de la chaîne des urgences en incitant tous les acteurs et plus particulièrement la médecine libérale et la médecine hospitalière à mieux coopérer entre elles. Cette volonté s’est traduite par la création du dispositif dit de la permanence des soins en 2003, la meilleure rémunération de la participation des médecins libéraux à la régulation médicale effectuée par les centres d’appel téléphonique, la signature de conventions entre les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), les services d’aide médicale urgente (SAMU), les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et les ambulanciers privés, le développement des interconnexions entre les numéros d’appel 15 et 18. Par ailleurs, le plan « Urgences » mis en place après la canicule de l’été 2003 a permis de renforcer très sérieusement les moyens des services d’urgence hospitaliers publics.
L’enquête menée par la Cour et sept chambres régionales des comptes (Aquitaine, Ile de France, Rhône Alpes, Provence Alpes Côte d’Azur, Nord Pas de Calais, Haute Normandie et Champagne Ardenne) avait pour objet de mesurer l’impact des différentes initiatives nationales et locales sur l’organisation de la prise en charge des patients ayant recours aux urgences. Elle a été centrée sur l’aide médicale urgente et la permanence des soins, à l’exclusion des urgences pédiatriques et psychiatriques qui sont soumises à une réglementation particulière.
I - Le rôle central des services d’urgence hospitaliers
L’accueil et le traitement des patients en urgence s’effectuent dans 631 sites. Leur implantation a été autorisée par les agences régionales d’hospitalisation (ARH) au regard de trois impératifs : la proximité, la qualité et la sécurité des soins.
Les services d’urgence sont classés en fonction de leur niveau de technicité et de normes d’équipement. On distingue trois niveaux : les services d’accueil et de traitement des urgences (SAU) qui ont le niveau d’équipement le plus élevé et doivent pouvoir traiter tous les types d’urgence, les unités de proximité d’accueil, d’orientation et de traitement des urgences (UPATOU) qui prennent en charge des cas plus simples et les pôles spécialisés d’accueil et de traitement des urgences (POSU) capables de prendre en charge des urgences lourdes, mais seulement dans des domaines spécifiques comme la cardiologie, la pédiatrie ou la chirurgie de la main. Dans tous les cas, la prise en charge des malades est assurée par des médecins spécialisés ayant un diplôme de médecine d’urgence.
En 2006, on dénombre 208 SAU, dont 202 sont implantés dans les plus importants établissements publics hospitaliers, 385 UPATOU, réparties entre secteur public et secteur privé participant au service public (245), secteur privé à but lucratif (140) et 38 POSU.
Cette organisation résulte d’une évolution progressive, dont la première étape a été la création en 1986 des services d’aide médicale urgente (SAMU) et des centres d’appel téléphonique spécialisés répondant au numéro 15 (dit centres 15). Les décrets du 9 mai 1995 et du 30 mai 1997 ont contribué à améliorer la qualité de l’orientation des patients en distinguant les urgences vitales des autres et à accroître la sécurité des structures d’accueil. Ce cadre règlementaire a été modifié par les décrets du 22 mai 2006 qui suppriment les notions de SAU et d’UPATOU, ces structures recevant en réalité les mêmes types de patients. Au 31 mars 2007, tous les services autorisés s’appelleront « structures des urgences » et auront l’obligation de répondre aux mêmes exigences de qualité en termes d’effectifs et de compétences médicales et paramédicales.
A - Les patients : leur état de santé et leurs motifs de recours aux urgences
La connaissance des comportements des patients fréquentant les urgences et de leur pathologie est relativement limitée, bien que les outils permettent une approche quantitative et qualitative de l’activité des services d’urgence. Mais seuls les éléments quantitatifs sont généralisés et ils ne sont pas exhaustifs. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé et des solidarités (DREES) dénombre comme « passage » toute arrivée d’un patient dans un service d’urgence même si il s’agit d’une suite d’urgence ou d’un accueil de première intention pour une hospitalisation si le service est organisé ainsi. Elle exploite la classification GEMSA (91), qui permet de distinguer les patients selon leur mode d’accueil et de sortie, c'est-à-dire selon que leur passage a donné lieu ou non à une hospitalisation. Elle n’aborde les prises en charge que sous l’angle de l’activité du service et de l’orientation du patient.
Les spécialistes de l’urgence en France ont élaboré une échelle de gravité en cinq classes appelée la classification clinique des malades aux urgences (CCMU). Elle permet de connaître la gravité de l’état des patients, mais elle n’est pas obligatoire et elle est insuffisamment utilisée par les services d’urgence. Sa généralisation aurait l’avantage de permettre de disposer des informations sur les pathologies traitées et ainsi de comparer l’activité des établissements publics et privés.
La direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) et la DREES ont prévu d’effectuer un choix entre ces deux nomenclatures.
1 - Un état de santé dont le niveau de gravité est généralement peu élevé
Les informations recueillies à partir de ces sources montrent que l’on emploie le mot « urgence » pour désigner des situations très diverses, et que les cas exigeant la mobilisation immédiate et rapide de moyens pour sauver un malade dont le pronostic vital est en jeu (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, détresse respiratoire…) sont rares. Les urgences, au sens des manuels médicaux, représentent moins de 3 % des motifs d’intervention des services d’urgence.
Le pourcentage de patients hospitalisés à la suite de leur passage dans les services d’urgence fournit indirectement une information sur le degré de gravité de leur état de santé : il est de 20%. Ce chiffre, assez faible, est stable depuis 2001. Selon les données de la DREES, près de 80 % des patients qui se présentent dans les services d’urgence retournent à domicile, après une simple consultation (16 %) ou des examens complémentaires (65 %). Dans cet ensemble, 5% correspondent à des consultations faisant suite à un premier passage aux urgences (surveillance de plâtre, ablation de fils) (92). Il s’agit donc, dans ce dernier cas, d’une activité programmée qui devrait être assurée, non pas par les services d’urgence, mais par les services de consultations externes de l’établissement ou la médecine de ville.
Alors qu’ils étaient initialement destinés à la prise en charge des malades les plus atteints, les services d’urgence sont devenus, pour une part très importante, des services de consultations non programmées. Ce constat est conforté par le fait que 70% des usagers se présentent directement aux urgences, sans contact médical préalable, même par téléphone.
Cette situation reflète une réelle difficulté : si on peut schématiquement distinguer les urgences vitales, les cas nécessitant une intervention rapide (fracture, blessure profonde, brûlures) et les autres, qui peuvent aller du simple conseil à une consultation non programmée, il est difficile de faire a priori la distinction entre l’urgence ressentie par un patient et l’urgence clinique. Seul un diagnostic porté par des professionnels peut permettre la bonne orientation du patient. Pour éviter un afflux non justifié des patients aux urgences, il faut que le système de régulation de la demande soit bien organisé en amont des établissements de santé et que son fonctionnement soit connu de la population, ce qui n’est pas le cas.
2 - Une grande confiance dans l’hôpital
Les études disponibles (93) sur les comportements des patients et les motifs de leur recours aux services d’urgence sont partielles et nécessiteraient d’être plus régulièrement actualisées. Elles montrent que les services d’urgence sont désormais considérés par les deux tiers des Français comme un lieu où ils peuvent se faire soigner 24 heures sur 24 par des professionnels qualifiés, en toute sécurité, et bénéficier rapidement de tous les moyens modernes d’investigation. Ainsi l’étude de la DREES souligne que les motivations les plus courantes exprimées par les patients tiennent à la proximité de l’établissement (47 %), à un besoin d’examen ou d’avis spécialisé (44 %), à une exigence de rapidité (38 %), à une perspective d’hospitalisation (32 %) et à l’assurance de pouvoir disposer d’un plateau technique spécialisé. Les Français expriment donc d’abord une grande confiance dans les services hospitaliers. Aucune étude ne permet d’évaluer l’impact sur ce recours à l’hôpital des dépassements tarifaires pratiqués par les médecins dans les grandes villes, de la quasi-gratuité des soins à l’hôpital ou des délais d’attente de rendez vous chez certains médecins.
B - L’activité des services d’urgence
1 - Une activité qui a connu une forte croissance
A partir de la fin des années 1980, le nombre de passages dans les services d’urgence a augmenté très rapidement : leur croissance annuelle était de 5,8 % en moyenne entre 1996 et 1999 et de 4,5 % entre 1999 et 2002. L’activité semble se ralentir depuis : + 2,8% en 2003 et + 0,4% en 2004. Les causes de cette inflexion ne sont pas connues.
Selon les données extraites de la statistique annuelle des établissements de santé (SAE) en 2004, les SAU traitent 54 % des passages, alors qu’ils ne représentent qu’un tiers des structures autorisées. L’activité moyenne des SAU est de 37 000 passages par an, soit le double de celle des UPATOU (16 000 passages). Les UPATOU publiques et privées ont des niveaux d’activité assez proches. Toutefois la part des passages aux urgences dans le secteur privé augmente globalement plus vite que dans le secteur public (+ 13% contre - 0,1% en 2004). La création de nouveaux services depuis 2001 et leur montée en charge expliquent cette évolution. La part des établissements de santé publics reste cependant prédominante : elle représente 84 % des passages aux urgences en 2004.
2 - Une clientèle concentrée aux âges extrêmes de la vie
La clientèle des services d’urgence est globalement plus jeune que l’ensemble de la population. Le quart des patients a moins de 15 ans. Le taux de recours (94) aux urgences le plus élevé est celui des enfants de moins de un an (48%). Ils sont suivis par les personnes âgées de 80 ans et plus, dont le taux de recours est particulièrement fort : 40%. Des études récentes, comme celles menées en Ile-de-France ou en Rhône-Alpes montrent que le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans se présentant aux urgences augmente vite : + 9,6 % entre 2000 et 2004 en Ile de France pour un taux d’évolution global de l’ordre de 2 %. Il s’agit de personnes polypathologiques, ou attendant une place en service d’hospitalisation. Un grand nombre d’entre elles seront hospitalisées, mais parfois dans des services non adaptés au traitement de leur pathologie.
Cette proportion importante de personnes très âgées a des conséquences sur l’organisation des services d’urgence : elle augmente leur charge de travail car il s’agit de personnes parfois difficiles à interroger, qui n’ont pas toujours de dossier médical antérieur et pour lesquelles l’équipe va passer beaucoup de temps pour trouver un service qui accepte de les prendre en charge. Mais surtout elle traduit l’échec d’un suivi global adapté à leurs problèmes de santé que la Cour a souligné dans son rapport de 2003 (95) en recommandant le développement des filières gériatriques dont les principes d’organisation ont été définis dans une circulaire du 18 mars 2002. Le développement de ces filières pour lesquels des moyens ont été dégagés dans le plan « Urgences » doit être accéléré.
3 -Des outils d’analyse de l’activité insuffisants
L’informatisation des services d’urgence, nécessaire à la mesure et au suivi de leur activité, est une des priorités du plan « Urgences ». Elle progresse : 256 services d’urgence représentant 47 % des passages contre 10 % au début du plan et 50 % des CHU sont informatisés à la mi 2006. L’objectif à atteindre est de couvrir 85 % des passages fin 2007 et 100% en 2008. Il implique un effort massif et rapide dont les résultats sont subordonnés au choix des logiciels et à la disponibilité de personnels qualifiés.
a) Les outils de mesure de l’activité des services ne sont pas harmonisés
L’absence de données fiables et homogènes ne facilite pas l’analyse de l’efficience des services d’urgence.
Dans la statistique annuelle des établissements de santé (SAE), la mesure de leur activité est effectuée à partir du dénombrement des passages.
Le passage est une unité de compte pour la tarification à l’activité (T2A) dans les établissements de santé publics et privés : l’ATU (accueil et traitement des urgences) ; il est facturé « dès lors que les soins non programmés sont délivrés aux patients par le service, l’unité ou le pôle autorisé à exercer l’activité d’accueil et de traitement des urgences ». Mais cette définition n’est pas identique à celle retenue par la SAE qui compte elle aussi les passages aux urgences. La DREES estime que cette différence n’a pas d’effet sur leur dénombrement total. Il n’en reste pas moins qu’elle n’a pas lieu d’être. La facturation et la production des statistiques nationales devraient être issues d’une seule saisie dans les établissements. Ceci permettrait d’éviter des décalages dans le recueil des informations, la SAE produisant fin 2005 les données de 2004, tandis que la DHOS, depuis la mise en place de la T2A, dispose trimestriellement des informations sur l’activité des établissements. L’harmonisation des concepts s’avère également nécessaire pour le suivi des taux d’hospitalisation des patients admis aux urgences. La Cour a constaté un écart non négligeable entre les taux d’hospitalisation déclarés par les établissements selon que l’on consultait la SAE (20 %) ou les données transmises par la DHOS (24 %).
Au sein des établissements, la mauvaise tenue des registres chronologiques constatée par les chambres régionales des comptes ne permet pas de connaître, comme le demande le code de la santé publique, l’identité des patients accueillis par le service ou par l’unité de proximité, le jour, l’heure et le mode de leur arrivée, l’orientation ou l’hospitalisation, le jour de sortie ou de transfert hors du service ou de l’unité de proximité. Outre la perte d’information sur l’activité du service, cette situation est préoccupante au regard de la gestion d’éventuelles plaintes.
Le nouvel article R. 6123-23 du code de la santé publique rend obligatoire l’informatisation des registres chronologiques. Afin qu’elle soit effective, les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) devraient en faire une des conditions à respecter par les établissements dans le cadre des nouveaux contrats pluriannuels d’objectifs qu’elles vont signer avec toutes les structures qui auront reçu l’autorisation de fonctionner.
b) Les données d’activité des SAMU et des SMUR ne sont pas fiables
L’activité des SAMU est exprimée non en nombre d’appels reçus, mais en nombre d’ « affaires », notion définie comme « un dossier avec décision de régulation médicale ». Cette activité ne fait pas encore l’objet d’une statistique nationale et l’enregistrement du nombre d’affaires ne repose pas sur une nomenclature harmonisée.
A titre d’illustration, le bilan d’activité établi en Ile-de-France pour l’année 2004 (96) montre que sur les huit SAMU départementaux qui produisent tous un rapport d’activité annuel, « la comptabilisation des appels n’apparaît pas en l’état un indicateur fiable, notamment pour une analyse comparative. Seulement quatre SAMU disposent d’une comptabilisation automatique de leurs appels et pour certains les données relèvent d’une extrapolation ». Cette insuffisance est mentionnée par la DHOS dans sa circulaire budgétaire de février 2004.
L’activité des SMUR est mesurée en nombre de sorties, c'est-à-dire d’ « intervention médicalisée d’une unité mobile hospitalière ayant pour but d’apporter des soins aux blessés, malades ou parturientes ». On distingue les sorties primaires (transport médicalisé ou non effectué par un SMUR de l’hôpital vers le lieu de détresse et retour vers l’établissement de soins) ou secondaires (transfert d’un établissement hospitalier à un autre). Les données peuvent être éditées par département, mais non par établissement. La DREES n’exploite pas les données transmises sur les SMUR dans les bordereaux de la SAE. Elle a engagé avec la DHOS une réflexion sur l’ensemble SAMU-SMUR et centres 15 et des orientations seront arrêtées pour la version de la SAE 2006 qui sera collectée en 2007.
C - Les limites des ajustements successifs apportés au dispositif
Les pouvoirs publics ont essayé de limiter l’afflux des patients aux services d’urgence hospitaliers en organisant une meilleure coordination entre tous ceux qui interviennent en « amont » de l’hôpital et en renforçant l’efficacité du système d’orientation des patients. Parallèlement les moyens accordés aux services d’urgence hospitaliers ont été significativement renforcés.
Mais ces aménagements ont été souvent introduits pour répondre à la pression de l’actualité, ce qui a nui à leur cohérence et à leur efficacité. Ainsi la permanence des soins (PDS) a été organisée à la suite du mouvement national de refus des médecins de participer aux gardes, lancé à la fin de l’année 2001 et le plan « Urgences » a été décidé après la canicule de l’été 2003.
Malgré les intentions affichées, l’amélioration du fonctionnement de la chaîne des urgences, de l’amont à l’aval, reste insatisfaisante.
1 - Une coopération insuffisante entre les acteurs
Le dispositif de prise en charge des urgences fait intervenir de nombreux acteurs qui ont des missions différentes, mais doivent travailler ensemble : 253 600 sapeurs pompiers volontaires et professionnels, civils et militaires, 5 470 ambulanciers privés, plus de 5 000 médecins et 12 000 infirmiers intervenant dans les 631 établissements de santé hospitaliers publics et privés autorisés, sans compter les effectifs des 104 SAMU et des 435 SMUR, enfin 60 830 médecins généralistes libéraux. L’organisation de ce dispositif est basée sur trois principes : la proximité, la qualité de la prise en charge et la coordination des acteurs. Il a fait l’objet de nombreux aménagements depuis 2002 en vue d’améliorer cette coordination considérée à juste titre comme la condition d’une bonne prise en charge des soins non programmés de la population.
a) La difficile articulation entre la médecine de ville et l’hôpital
La première mesure a consisté à réorganiser les modalités de la permanence des soins libérale. L’expression « permanence des soins » (sous le sigle PDS) désigne ce qui peut être pris en charge par la médecine de ville en ambulatoire. Cette terminologie est ambiguë car elle confond le principe, assurer une permanence des soins, ce qui signifie une disponibilité 24 heures sur 24 quelle que soit la façon dont cette mission est assurée (dispensaire, cabinet de groupe, maison médicale, médecin libéral, structure hospitalière publique ou privée), et les modalités d’organisation d’une partie seulement des acteurs, en l’occurrence les médecins de ville. Cette confusion pèse sur les modalités d’organisation du système en opposant de facto la médecine de ville et la médecine hospitalière alors qu’il s’agit de mieux organiser leur complémentarité pour répondre à la demande des patients.
Les modalités d’organisation de la permanence des soins (PDS) et les conditions de rémunération des médecins libéraux ont été arrêtées par le décret du 7 avril 2005 et l’avenant n° 4 à la convention médicale nationale du 12 janvier 2005. La PDS est désormais fondée sur la participation volontaire des médecins libéraux aux gardes. Elle s’exerce de 20 heures à 8 heures les jours ouvrés ainsi que les dimanches et jours fériés. Elle est organisée dans chaque département sur la base d’un découpage en secteurs dont le nombre et les limites sont fixés en fonction des données géographiques et démographiques, ainsi que de l’offre de soins. Le préfet arrête cette sectorisation après avis du comité départemental de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins (CODAMUPS), vaste instance représentative de tous les acteurs.
Dans la pratique, le volontariat pose des problèmes et la permanence est assurée de manière très inégale : 70 % des médecins libéraux participent à la PDS, mais la taille des secteurs et le nombre de médecins par secteur est très variable d’un département à l’autre. Certaines zones restent sans couverture médicale libérale. La mobilisation des médecins en seconde partie de nuit présente des difficultés : 422 secteurs de garde sur les 2 791 arrêtés par les préfets ne sont pas couverts après minuit.
La contribution des 198 maisons médicales de garde (MMG), dont les deux tiers sont financées par l’assurance maladie dans le cadre du fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV), est difficile à évaluer. Leur implantation est plus le fait d’initiatives locales de certains médecins ou de collectivités territoriales que le résultat de la mise en œuvre d’un plan préalablement défini. Toutefois l’adossement des maisons médicales de garde à une structure hospitalière permet d’alléger le flux des patients qui s’adressent aux services d’urgence (97).
Il en va de même lorsque les hôpitaux s’appuient sur une structure de santé déjà existante. Ainsi, à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, des consultations sans rendez-vous ont été expérimentées depuis 2001, dans les hôpitaux Bichat, Trousseau, Hôtel Dieu et Robert Debré. Ce dernier (hôpital pour enfants) a passé en 2003 une convention avec un centre de santé parisien, le centre médical Europe, pour que les médecins travaillant dans ce centre tiennent une consultation sans rendez-vous dans les locaux de l’hôpital en période d’épidémie hivernale et le week-end. Sur 1 275 patients venus aux urgences à Robert Debré, 550 (40%) ont choisi cette formule qui leur était proposée à l’accueil du service des urgences, bien que la consultation soit payante (le tiers payant est pratiqué). Toutefois ce type de coopération, qui permet de soulager les services des urgences, reste embryonnaire.
b) La participation des médecins libéraux à la régulation téléphonique
La participation des médecins libéraux à la régulation médicale des centres 15, que la Cour avait recommandée en 2002, se développe mais elle n’est pas encore effective dans 19 départements.
La Cour a constaté que le cahier des charges fixé par l’arrêté du 12 décembre 2003 n’est pas toujours respecté. Celui-ci stipule que « l’accès au médecin de permanence fait l’objet d’une régulation préalable qui est organisée par le SAMU », et que si d’autres dispositifs de régulation libérale sont organisés, ils doivent être interconnectés avec le SAMU. Ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, en Haute-Garonne, l’association ARMEL (98) régule dans ses propres locaux les appels pour les généralistes avec qui elle a passé convention, sans interconnexion formalisée avec les SAMU de la région tandis qu’une autre association libérale « Régul 31 » fonctionne, en tant que telle, dans les locaux du centre 15 de Toulouse.
« SOS Médecins » qui est le premier réseau libéral des urgences médicales en France, joue un rôle important dans la prise en charge des patients appelant pour une urgence : avec près d’un millier de médecins titulaires, il couvre 60 % de la population et est très sollicité en milieu urbain et périurbain. Il a signé en septembre 2005 une convention cadre avec SAMU de France qui fixe les conditions de collaboration avec les SAMU en matière de régulation médicale, d’intervention auprès du patient, de transport et d’hospitalisation en fonction des lits disponibles. Cet accord est déjà décliné dans 75 % des départements où l’association est présente. Par ailleurs, comme « SOS Médecins » défend le principe selon lequel le diagnostic sûr s’opère au chevet du patient et compte tenu de la nature du recours à leurs centres d’appel dont les modalités ont été définies par la décret du 7 avril 2005, 60 % des appels reçus génèrent un déplacement donnant lieu à un remboursement d’actes par l’assurance maladie (2,5 millions d’actes en 2004 pour 4 millions d’appels).
2 - Un système d’orientation des patients déficient
L’orientation des patients est un des éléments essentiels au bon fonctionnement du dispositif des urgences et de la permanence des soins. La régulation médicale téléphonique a un rôle déterminant : elle permet de définir dès l’appel du patient la nature de la réponse à lui apporter, la responsabilité de la décision incombant à un médecin régulateur formé et expérimenté.
a) L’absence d’un numéro d’appel unique
Contrairement à l’Espagne, au Portugal, au Danemark, à la Suède ou à la Finlande qui ont adopté le numéro 112 européen, la France n’a pas de numéro d’appel unique pour les urgences. Plusieurs numéros publics, qui correspondent à des champs d’activité spécifique, coexistent dont les trois plus connus sont : le 18 géré par les sapeurs pompiers (16,4 millions d’appels par an), le 15 géré par les SAMU (21 millions d’appels en 2004) et le 112 géré à 80% par les SDIS et à 20% par les SAMU. Cette diversité nuit à l’efficacité de la régulation téléphonique. Il est paradoxal qu’au moment où chaque opérateur de téléphonie recourt à des campagnes de communication pour promouvoir son propre numéro de renseignement les pouvoirs publics n’informent pas mieux la population sur la bonne utilisation de ces différents numéros, sans attendre la mise en place d’un numéro unique, solution qui ne fait pas l’unanimité au sein des acteurs et soulève des problèmes de coûts immédiats importants.
Une première étape vers la simplification pourrait être franchie avec l’unification des numéros d’appel entre l’hôpital et la ville. Ceci suppose que deux actions complémentaires soient poursuivies :
- convaincre les promoteurs de centres d’appel autonomes de fusionner avec le 15, sauf à perdre l’agrément délivré par le préfet ;
- amplifier la participation conventionnée des médecins libéraux au fonctionnement des centres 15.
b) Un besoin d’information des patients
La majorité des usagers voudraient connaître les symptômes qui indiquent une urgence vitale et les bons gestes de premiers secours. Une étude conduite par la société française de cardiologie (99), sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde apporte un éclairage sur cet enjeu : « un tiers seulement des personnes frappées d’infarctus appellent le 15 » et « la moitié des malades n’arrivent à l’hôpital que plus de trois heures après avoir ressenti les premières douleurs » ce qui entraîne une véritable perte de chances.
Les patients ont aussi besoin d’informations pratiques sur les moyens mis en place en dehors de l’hôpital (demande exprimé par 41 % des patients interrogés par l’URCAM/URML de Midi Pyrénées). En effet, les trois quarts d’entre eux ne connaissent pas le numéro de téléphone du médecin de garde et un tiers seulement a le numéro de son médecin traitant en tête ou sous la main. Les tableaux de permanence sont peu diffusés, tous les médecins ne délivrent pas d’information sur la PDS sur leur répondeur. Cette carence explique en partie le recours téléphonique au 18 (les pompiers ont la préférence des appelants du fait de leur facilité d’accès et de leur rapidité d’intervention) et au 15.
Quelques régions ont commencé à prendre des initiatives pour faciliter l’orientation du patient, mais chacune travaille isolément alors que ce sujet devrait faire l’objet d’une action nationale.
c) Un meilleur partage de l’information
Les textes rendent obligatoires l’interconnexion entre le centre de réception et de régulation des appels géré par le SAMU (CRRA) et le centre de traitement de l’alerte des SDIS (CTA). Ils prescrivent l’information mutuelle lors du déclenchement des opérations et de leur suivi. Après une période de tensions, voire de conflits ouverts (100), la tendance générale est à l’apaisement et les conférences à trois (appelant, régulateurs des n°18 et 15) ainsi que les transferts d’appels se multiplient. Néanmoins l’efficacité de ce travail en réseau est limitée. La situation des équipements radio et informatique des centres 15 qui sont tributaires des budgets hospitaliers et des financements tant de l’Etat que des collectivités locales est très disparate et inégale. L’amélioration de leur niveau de fiabilité et de leur performance supposent un recours généralisé et ambitieux aux nouvelles technologies.
L’absence de système d’information formalisé, généralisé et partagé, ne permet pas de connaître les moyens opérationnels disponibles sur un territoire donné. Seule la région Haute Normandie en a créé un, dénommé « Réseau régional de l’aide médicale urgente » (RAMU).
Le RAMU
Etabli dans les locaux du SAMU du Havre, ce système d’information régional a pour objectif d’offrir à l’ensemble des acteurs de la chaîne des urgences (les SAMU de Rouen, du Havre et d’Evreux, les 10 SMUR de la région, les transporteurs sanitaires, les médecins libéraux assurant la permanence des soins, les services d’urgence publics et privés) un système d’information électronique commun. Il permet à chacun de disposer de données d’aide à la régulation, de mettre les trois SAMU en réseau pour permettre une suppléance de l’un d’eux par un autre, de mutualiser certaines fonctions, notamment la régulation libérale en deuxième moitié de nuit, dans un SAMU à tour de rôle. Le réseau permet de combiner l’accès aux ressources les plus spécialisées et le recours à des filières de proximité.
Les travaux en cours à la DHOS avec trois régions pilotes pour mettre en œuvre des projets d’articulation territoriale des urgences devraient permettre d’avancer en ce sens. Les échéances ne sont toutefois pas précisées.
d) Le retard de la finalisation des conventions tripartites
Des conventions tripartites liant les SDIS, les SAMU et les ambulanciers privés ont été rendues obligatoires par la circulaire interministérielle du 29 mars 2004 et devaient être conclues fin 2005.
Au 15 août 2006, 30 seulement avaient été signées. La cause la plus fréquente de ce retard est l’attitude des ambulanciers privés, souvent en concurrence entre eux, qui hésitent à définir secteurs, périodes et moyens de garde. Actuellement, la préparation de nombreuses conventions tripartites s’achève par des négociations bilatérales entre l’autorité préfectorale et les représentants des ambulanciers privés, tandis que SAMU et SDIS, déjà tombés d’accord, mettent en pratique leur entente sans attendre sa formalisation.
La signature de ces conventions n’est pas un gage de qualité. Certaines présentent des insuffisances, par exemple dans la répartition des missions respectives, la prise en considération des réalités locales, le respect des temps d’intervention et l’évaluation de la mise en œuvre, alors que, pour cette dernière, l’annexe de la circulaire interministérielle comporte des indications très pertinentes. D’autres contiennent de bonnes pratiques qui pourraient être diffusées, comme par exemple, la systématisation de la régulation médicale, quel que soit le lieu où se trouve la personne (voie publique, lieu public, domicile, lieu de travail), le recours accru à la conférence téléphonique à trois entre l’appelant, les régulateurs des n° 18 et 15, ce qui permet, dans bien des cas, un désencombrement du 15, la présence d’un coordonnateur ambulancier au sein du centre 15 et la mise en place au niveau départemental de comités médicaux de suivi d’application des conventions.
3 - Le plan « Urgences » : un renforcement significatif des moyens des services d’urgence
Le plan « Urgences » a été élaboré en septembre 2003. Conçu comme un « plan global de modernisation de toute la chaîne des urgences », il a notamment permis des créations d’emplois importantes dans les services d’urgence, lesquels avaient déjà bénéficié entre 1997 et 2001 d’un effort conséquent.
Sur les 489 M€ prévus sur 5 ans (2004-2008), 330 M€ avaient été délégués fin 2005, dont près de 200 M€ versés aux établissements de santé publics pour renforcer les équipes des services d’urgence, des SAMU et des SMUR. Selon le bilan fourni par la DHOS en mai 2006, 2 321 postes ont été créés dans ces différentes structures en deux ans, dont 451 médecins et 942 infirmières dans les seuls services d’urgence. En moyenne les effectifs de chaque site ont augmenté de 3,6 équivalents temps plein (ETP).
Ce renforcement des effectifs est intervenu à un moment où la DREES, les ARH et les CRC observent « un relatif ralentissement » de l’activité des services d’urgence. L’absence d’outils d’information (voir supra) ne permet pas d’apprécier si les ressources disponibles sont adaptées aux besoins des services d’urgence ou non, ni de juger de l’équité de leur répartition.
Toutefois, les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes montrent qu’il y a eu une réelle amélioration au niveau des moyens des services en personnel. Celle-ci s’est notamment traduite par l’organisation d’une présence continue d’un effectif considéré comme minimum, surtout dans les petites et moyennes structures. Mais cette amélioration quantitative n’a pas été accompagnée de mesures qualitatives permettant de mieux ajuster les effectifs présents au nombre des passages qui varie considérablement au cours de la journée et au cours de l’année.
L’absence d’indicateurs médicaux de référence ne permet pas de porter un jugement sur les effets du plan « Urgences » en termes de qualité de prise en charge des patients ou de renforcement des compétences des équipes médicales et paramédicales.
4 - La prise en charge des urgences vitales : des progrès à réaliser
A l’exception de l’étude déjà citée conduite sous l’égide de la société française de cardiologie (SFC) en octobre 2005 qui montre les progrès accomplis dans la prise en charge de l’infarctus du myocarde en urgence (la mortalité globale a diminué entre 1995 et 2005 de 8,3 % à 4,3 %), les données objectives manquent pour juger de l’amélioration de la prise en charge des urgences vitales.
Les professio
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La population recourt de plus en plus fréquemment aux services d’urgence hospitaliers. Le nombre de passages dans ces services a doublé entre 1990 et 2004 : il est passé de 7 à 14 millions.
Cette situation est paradoxale, car ces passages, le plus souvent, ne correspondent pas à une situation d’urgence vitale ou grave, puisque dans les trois quarts des cas environ, les patients retournent à domicile après consultation. Elle crée par ailleurs des insatisfactions tant pour les personnels du fait des difficultés à gérer les flux des patients à l’intérieur du service ou de l’établissement que pour les usagers, du fait des temps d’attente jugés parfois excessifs. .
Les pouvoirs publics ont cherché à promouvoir des solutions plus adaptées aux besoins réels de la population. Ils ont agi en amont de la chaîne des urgences en incitant tous les acteurs et plus particulièrement la médecine libérale et la médecine hospitalière à mieux coopérer entre elles. Cette volonté s’est traduite par la création du dispositif dit de la permanence des soins en 2003, la meilleure rémunération de la participation des médecins libéraux à la régulation médicale effectuée par les centres d’appel téléphonique, la signature de conventions entre les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), les services d’aide médicale urgente (SAMU), les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et les ambulanciers privés, le développement des interconnexions entre les numéros d’appel 15 et 18. Par ailleurs, le plan « Urgences » mis en place après la canicule de l’été 2003 a permis de renforcer très sérieusement les moyens des services d’urgence hospitaliers publics.
L’enquête menée par la Cour et sept chambres régionales des comptes (Aquitaine, Ile de France, Rhône Alpes, Provence Alpes Côte d’Azur, Nord Pas de Calais, Haute Normandie et Champagne Ardenne) avait pour objet de mesurer l’impact des différentes initiatives nationales et locales sur l’organisation de la prise en charge des patients ayant recours aux urgences. Elle a été centrée sur l’aide médicale urgente et la permanence des soins, à l’exclusion des urgences pédiatriques et psychiatriques qui sont soumises à une réglementation particulière.
I - Le rôle central des services d’urgence hospitaliers
L’accueil et le traitement des patients en urgence s’effectuent dans 631 sites. Leur implantation a été autorisée par les agences régionales d’hospitalisation (ARH) au regard de trois impératifs : la proximité, la qualité et la sécurité des soins.
Les services d’urgence sont classés en fonction de leur niveau de technicité et de normes d’équipement. On distingue trois niveaux : les services d’accueil et de traitement des urgences (SAU) qui ont le niveau d’équipement le plus élevé et doivent pouvoir traiter tous les types d’urgence, les unités de proximité d’accueil, d’orientation et de traitement des urgences (UPATOU) qui prennent en charge des cas plus simples et les pôles spécialisés d’accueil et de traitement des urgences (POSU) capables de prendre en charge des urgences lourdes, mais seulement dans des domaines spécifiques comme la cardiologie, la pédiatrie ou la chirurgie de la main. Dans tous les cas, la prise en charge des malades est assurée par des médecins spécialisés ayant un diplôme de médecine d’urgence.
En 2006, on dénombre 208 SAU, dont 202 sont implantés dans les plus importants établissements publics hospitaliers, 385 UPATOU, réparties entre secteur public et secteur privé participant au service public (245), secteur privé à but lucratif (140) et 38 POSU.
Cette organisation résulte d’une évolution progressive, dont la première étape a été la création en 1986 des services d’aide médicale urgente (SAMU) et des centres d’appel téléphonique spécialisés répondant au numéro 15 (dit centres 15). Les décrets du 9 mai 1995 et du 30 mai 1997 ont contribué à améliorer la qualité de l’orientation des patients en distinguant les urgences vitales des autres et à accroître la sécurité des structures d’accueil. Ce cadre règlementaire a été modifié par les décrets du 22 mai 2006 qui suppriment les notions de SAU et d’UPATOU, ces structures recevant en réalité les mêmes types de patients. Au 31 mars 2007, tous les services autorisés s’appelleront « structures des urgences » et auront l’obligation de répondre aux mêmes exigences de qualité en termes d’effectifs et de compétences médicales et paramédicales.
A - Les patients : leur état de santé et leurs motifs de recours aux urgences
La connaissance des comportements des patients fréquentant les urgences et de leur pathologie est relativement limitée, bien que les outils permettent une approche quantitative et qualitative de l’activité des services d’urgence. Mais seuls les éléments quantitatifs sont généralisés et ils ne sont pas exhaustifs. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé et des solidarités (DREES) dénombre comme « passage » toute arrivée d’un patient dans un service d’urgence même si il s’agit d’une suite d’urgence ou d’un accueil de première intention pour une hospitalisation si le service est organisé ainsi. Elle exploite la classification GEMSA (91), qui permet de distinguer les patients selon leur mode d’accueil et de sortie, c'est-à-dire selon que leur passage a donné lieu ou non à une hospitalisation. Elle n’aborde les prises en charge que sous l’angle de l’activité du service et de l’orientation du patient.
Les spécialistes de l’urgence en France ont élaboré une échelle de gravité en cinq classes appelée la classification clinique des malades aux urgences (CCMU). Elle permet de connaître la gravité de l’état des patients, mais elle n’est pas obligatoire et elle est insuffisamment utilisée par les services d’urgence. Sa généralisation aurait l’avantage de permettre de disposer des informations sur les pathologies traitées et ainsi de comparer l’activité des établissements publics et privés.
La direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) et la DREES ont prévu d’effectuer un choix entre ces deux nomenclatures.
1 - Un état de santé dont le niveau de gravité est généralement peu élevé
Les informations recueillies à partir de ces sources montrent que l’on emploie le mot « urgence » pour désigner des situations très diverses, et que les cas exigeant la mobilisation immédiate et rapide de moyens pour sauver un malade dont le pronostic vital est en jeu (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, détresse respiratoire…) sont rares. Les urgences, au sens des manuels médicaux, représentent moins de 3 % des motifs d’intervention des services d’urgence.
Le pourcentage de patients hospitalisés à la suite de leur passage dans les services d’urgence fournit indirectement une information sur le degré de gravité de leur état de santé : il est de 20%. Ce chiffre, assez faible, est stable depuis 2001. Selon les données de la DREES, près de 80 % des patients qui se présentent dans les services d’urgence retournent à domicile, après une simple consultation (16 %) ou des examens complémentaires (65 %). Dans cet ensemble, 5% correspondent à des consultations faisant suite à un premier passage aux urgences (surveillance de plâtre, ablation de fils) (92). Il s’agit donc, dans ce dernier cas, d’une activité programmée qui devrait être assurée, non pas par les services d’urgence, mais par les services de consultations externes de l’établissement ou la médecine de ville.
Alors qu’ils étaient initialement destinés à la prise en charge des malades les plus atteints, les services d’urgence sont devenus, pour une part très importante, des services de consultations non programmées. Ce constat est conforté par le fait que 70% des usagers se présentent directement aux urgences, sans contact médical préalable, même par téléphone.
Cette situation reflète une réelle difficulté : si on peut schématiquement distinguer les urgences vitales, les cas nécessitant une intervention rapide (fracture, blessure profonde, brûlures) et les autres, qui peuvent aller du simple conseil à une consultation non programmée, il est difficile de faire a priori la distinction entre l’urgence ressentie par un patient et l’urgence clinique. Seul un diagnostic porté par des professionnels peut permettre la bonne orientation du patient. Pour éviter un afflux non justifié des patients aux urgences, il faut que le système de régulation de la demande soit bien organisé en amont des établissements de santé et que son fonctionnement soit connu de la population, ce qui n’est pas le cas.
2 - Une grande confiance dans l’hôpital
Les études disponibles (93) sur les comportements des patients et les motifs de leur recours aux services d’urgence sont partielles et nécessiteraient d’être plus régulièrement actualisées. Elles montrent que les services d’urgence sont désormais considérés par les deux tiers des Français comme un lieu où ils peuvent se faire soigner 24 heures sur 24 par des professionnels qualifiés, en toute sécurité, et bénéficier rapidement de tous les moyens modernes d’investigation. Ainsi l’étude de la DREES souligne que les motivations les plus courantes exprimées par les patients tiennent à la proximité de l’établissement (47 %), à un besoin d’examen ou d’avis spécialisé (44 %), à une exigence de rapidité (38 %), à une perspective d’hospitalisation (32 %) et à l’assurance de pouvoir disposer d’un plateau technique spécialisé. Les Français expriment donc d’abord une grande confiance dans les services hospitaliers. Aucune étude ne permet d’évaluer l’impact sur ce recours à l’hôpital des dépassements tarifaires pratiqués par les médecins dans les grandes villes, de la quasi-gratuité des soins à l’hôpital ou des délais d’attente de rendez vous chez certains médecins.
B - L’activité des services d’urgence
1 - Une activité qui a connu une forte croissance
A partir de la fin des années 1980, le nombre de passages dans les services d’urgence a augmenté très rapidement : leur croissance annuelle était de 5,8 % en moyenne entre 1996 et 1999 et de 4,5 % entre 1999 et 2002. L’activité semble se ralentir depuis : + 2,8% en 2003 et + 0,4% en 2004. Les causes de cette inflexion ne sont pas connues.
Selon les données extraites de la statistique annuelle des établissements de santé (SAE) en 2004, les SAU traitent 54 % des passages, alors qu’ils ne représentent qu’un tiers des structures autorisées. L’activité moyenne des SAU est de 37 000 passages par an, soit le double de celle des UPATOU (16 000 passages). Les UPATOU publiques et privées ont des niveaux d’activité assez proches. Toutefois la part des passages aux urgences dans le secteur privé augmente globalement plus vite que dans le secteur public (+ 13% contre - 0,1% en 2004). La création de nouveaux services depuis 2001 et leur montée en charge expliquent cette évolution. La part des établissements de santé publics reste cependant prédominante : elle représente 84 % des passages aux urgences en 2004.
2 - Une clientèle concentrée aux âges extrêmes de la vie
La clientèle des services d’urgence est globalement plus jeune que l’ensemble de la population. Le quart des patients a moins de 15 ans. Le taux de recours (94) aux urgences le plus élevé est celui des enfants de moins de un an (48%). Ils sont suivis par les personnes âgées de 80 ans et plus, dont le taux de recours est particulièrement fort : 40%. Des études récentes, comme celles menées en Ile-de-France ou en Rhône-Alpes montrent que le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans se présentant aux urgences augmente vite : + 9,6 % entre 2000 et 2004 en Ile de France pour un taux d’évolution global de l’ordre de 2 %. Il s’agit de personnes polypathologiques, ou attendant une place en service d’hospitalisation. Un grand nombre d’entre elles seront hospitalisées, mais parfois dans des services non adaptés au traitement de leur pathologie.
Cette proportion importante de personnes très âgées a des conséquences sur l’organisation des services d’urgence : elle augmente leur charge de travail car il s’agit de personnes parfois difficiles à interroger, qui n’ont pas toujours de dossier médical antérieur et pour lesquelles l’équipe va passer beaucoup de temps pour trouver un service qui accepte de les prendre en charge. Mais surtout elle traduit l’échec d’un suivi global adapté à leurs problèmes de santé que la Cour a souligné dans son rapport de 2003 (95) en recommandant le développement des filières gériatriques dont les principes d’organisation ont été définis dans une circulaire du 18 mars 2002. Le développement de ces filières pour lesquels des moyens ont été dégagés dans le plan « Urgences » doit être accéléré.
3 -Des outils d’analyse de l’activité insuffisants
L’informatisation des services d’urgence, nécessaire à la mesure et au suivi de leur activité, est une des priorités du plan « Urgences ». Elle progresse : 256 services d’urgence représentant 47 % des passages contre 10 % au début du plan et 50 % des CHU sont informatisés à la mi 2006. L’objectif à atteindre est de couvrir 85 % des passages fin 2007 et 100% en 2008. Il implique un effort massif et rapide dont les résultats sont subordonnés au choix des logiciels et à la disponibilité de personnels qualifiés.
a) Les outils de mesure de l’activité des services ne sont pas harmonisés
L’absence de données fiables et homogènes ne facilite pas l’analyse de l’efficience des services d’urgence.
Dans la statistique annuelle des établissements de santé (SAE), la mesure de leur activité est effectuée à partir du dénombrement des passages.
Le passage est une unité de compte pour la tarification à l’activité (T2A) dans les établissements de santé publics et privés : l’ATU (accueil et traitement des urgences) ; il est facturé « dès lors que les soins non programmés sont délivrés aux patients par le service, l’unité ou le pôle autorisé à exercer l’activité d’accueil et de traitement des urgences ». Mais cette définition n’est pas identique à celle retenue par la SAE qui compte elle aussi les passages aux urgences. La DREES estime que cette différence n’a pas d’effet sur leur dénombrement total. Il n’en reste pas moins qu’elle n’a pas lieu d’être. La facturation et la production des statistiques nationales devraient être issues d’une seule saisie dans les établissements. Ceci permettrait d’éviter des décalages dans le recueil des informations, la SAE produisant fin 2005 les données de 2004, tandis que la DHOS, depuis la mise en place de la T2A, dispose trimestriellement des informations sur l’activité des établissements. L’harmonisation des concepts s’avère également nécessaire pour le suivi des taux d’hospitalisation des patients admis aux urgences. La Cour a constaté un écart non négligeable entre les taux d’hospitalisation déclarés par les établissements selon que l’on consultait la SAE (20 %) ou les données transmises par la DHOS (24 %).
Au sein des établissements, la mauvaise tenue des registres chronologiques constatée par les chambres régionales des comptes ne permet pas de connaître, comme le demande le code de la santé publique, l’identité des patients accueillis par le service ou par l’unité de proximité, le jour, l’heure et le mode de leur arrivée, l’orientation ou l’hospitalisation, le jour de sortie ou de transfert hors du service ou de l’unité de proximité. Outre la perte d’information sur l’activité du service, cette situation est préoccupante au regard de la gestion d’éventuelles plaintes.
Le nouvel article R. 6123-23 du code de la santé publique rend obligatoire l’informatisation des registres chronologiques. Afin qu’elle soit effective, les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) devraient en faire une des conditions à respecter par les établissements dans le cadre des nouveaux contrats pluriannuels d’objectifs qu’elles vont signer avec toutes les structures qui auront reçu l’autorisation de fonctionner.
b) Les données d’activité des SAMU et des SMUR ne sont pas fiables
L’activité des SAMU est exprimée non en nombre d’appels reçus, mais en nombre d’ « affaires », notion définie comme « un dossier avec décision de régulation médicale ». Cette activité ne fait pas encore l’objet d’une statistique nationale et l’enregistrement du nombre d’affaires ne repose pas sur une nomenclature harmonisée.
A titre d’illustration, le bilan d’activité établi en Ile-de-France pour l’année 2004 (96) montre que sur les huit SAMU départementaux qui produisent tous un rapport d’activité annuel, « la comptabilisation des appels n’apparaît pas en l’état un indicateur fiable, notamment pour une analyse comparative. Seulement quatre SAMU disposent d’une comptabilisation automatique de leurs appels et pour certains les données relèvent d’une extrapolation ». Cette insuffisance est mentionnée par la DHOS dans sa circulaire budgétaire de février 2004.
L’activité des SMUR est mesurée en nombre de sorties, c'est-à-dire d’ « intervention médicalisée d’une unité mobile hospitalière ayant pour but d’apporter des soins aux blessés, malades ou parturientes ». On distingue les sorties primaires (transport médicalisé ou non effectué par un SMUR de l’hôpital vers le lieu de détresse et retour vers l’établissement de soins) ou secondaires (transfert d’un établissement hospitalier à un autre). Les données peuvent être éditées par département, mais non par établissement. La DREES n’exploite pas les données transmises sur les SMUR dans les bordereaux de la SAE. Elle a engagé avec la DHOS une réflexion sur l’ensemble SAMU-SMUR et centres 15 et des orientations seront arrêtées pour la version de la SAE 2006 qui sera collectée en 2007.
C - Les limites des ajustements successifs apportés au dispositif
Les pouvoirs publics ont essayé de limiter l’afflux des patients aux services d’urgence hospitaliers en organisant une meilleure coordination entre tous ceux qui interviennent en « amont » de l’hôpital et en renforçant l’efficacité du système d’orientation des patients. Parallèlement les moyens accordés aux services d’urgence hospitaliers ont été significativement renforcés.
Mais ces aménagements ont été souvent introduits pour répondre à la pression de l’actualité, ce qui a nui à leur cohérence et à leur efficacité. Ainsi la permanence des soins (PDS) a été organisée à la suite du mouvement national de refus des médecins de participer aux gardes, lancé à la fin de l’année 2001 et le plan « Urgences » a été décidé après la canicule de l’été 2003.
Malgré les intentions affichées, l’amélioration du fonctionnement de la chaîne des urgences, de l’amont à l’aval, reste insatisfaisante.
1 - Une coopération insuffisante entre les acteurs
Le dispositif de prise en charge des urgences fait intervenir de nombreux acteurs qui ont des missions différentes, mais doivent travailler ensemble : 253 600 sapeurs pompiers volontaires et professionnels, civils et militaires, 5 470 ambulanciers privés, plus de 5 000 médecins et 12 000 infirmiers intervenant dans les 631 établissements de santé hospitaliers publics et privés autorisés, sans compter les effectifs des 104 SAMU et des 435 SMUR, enfin 60 830 médecins généralistes libéraux. L’organisation de ce dispositif est basée sur trois principes : la proximité, la qualité de la prise en charge et la coordination des acteurs. Il a fait l’objet de nombreux aménagements depuis 2002 en vue d’améliorer cette coordination considérée à juste titre comme la condition d’une bonne prise en charge des soins non programmés de la population.
a) La difficile articulation entre la médecine de ville et l’hôpital
La première mesure a consisté à réorganiser les modalités de la permanence des soins libérale. L’expression « permanence des soins » (sous le sigle PDS) désigne ce qui peut être pris en charge par la médecine de ville en ambulatoire. Cette terminologie est ambiguë car elle confond le principe, assurer une permanence des soins, ce qui signifie une disponibilité 24 heures sur 24 quelle que soit la façon dont cette mission est assurée (dispensaire, cabinet de groupe, maison médicale, médecin libéral, structure hospitalière publique ou privée), et les modalités d’organisation d’une partie seulement des acteurs, en l’occurrence les médecins de ville. Cette confusion pèse sur les modalités d’organisation du système en opposant de facto la médecine de ville et la médecine hospitalière alors qu’il s’agit de mieux organiser leur complémentarité pour répondre à la demande des patients.
Les modalités d’organisation de la permanence des soins (PDS) et les conditions de rémunération des médecins libéraux ont été arrêtées par le décret du 7 avril 2005 et l’avenant n° 4 à la convention médicale nationale du 12 janvier 2005. La PDS est désormais fondée sur la participation volontaire des médecins libéraux aux gardes. Elle s’exerce de 20 heures à 8 heures les jours ouvrés ainsi que les dimanches et jours fériés. Elle est organisée dans chaque département sur la base d’un découpage en secteurs dont le nombre et les limites sont fixés en fonction des données géographiques et démographiques, ainsi que de l’offre de soins. Le préfet arrête cette sectorisation après avis du comité départemental de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins (CODAMUPS), vaste instance représentative de tous les acteurs.
Dans la pratique, le volontariat pose des problèmes et la permanence est assurée de manière très inégale : 70 % des médecins libéraux participent à la PDS, mais la taille des secteurs et le nombre de médecins par secteur est très variable d’un département à l’autre. Certaines zones restent sans couverture médicale libérale. La mobilisation des médecins en seconde partie de nuit présente des difficultés : 422 secteurs de garde sur les 2 791 arrêtés par les préfets ne sont pas couverts après minuit.
La contribution des 198 maisons médicales de garde (MMG), dont les deux tiers sont financées par l’assurance maladie dans le cadre du fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV), est difficile à évaluer. Leur implantation est plus le fait d’initiatives locales de certains médecins ou de collectivités territoriales que le résultat de la mise en œuvre d’un plan préalablement défini. Toutefois l’adossement des maisons médicales de garde à une structure hospitalière permet d’alléger le flux des patients qui s’adressent aux services d’urgence (97).
Il en va de même lorsque les hôpitaux s’appuient sur une structure de santé déjà existante. Ainsi, à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, des consultations sans rendez-vous ont été expérimentées depuis 2001, dans les hôpitaux Bichat, Trousseau, Hôtel Dieu et Robert Debré. Ce dernier (hôpital pour enfants) a passé en 2003 une convention avec un centre de santé parisien, le centre médical Europe, pour que les médecins travaillant dans ce centre tiennent une consultation sans rendez-vous dans les locaux de l’hôpital en période d’épidémie hivernale et le week-end. Sur 1 275 patients venus aux urgences à Robert Debré, 550 (40%) ont choisi cette formule qui leur était proposée à l’accueil du service des urgences, bien que la consultation soit payante (le tiers payant est pratiqué). Toutefois ce type de coopération, qui permet de soulager les services des urgences, reste embryonnaire.
b) La participation des médecins libéraux à la régulation téléphonique
La participation des médecins libéraux à la régulation médicale des centres 15, que la Cour avait recommandée en 2002, se développe mais elle n’est pas encore effective dans 19 départements.
La Cour a constaté que le cahier des charges fixé par l’arrêté du 12 décembre 2003 n’est pas toujours respecté. Celui-ci stipule que « l’accès au médecin de permanence fait l’objet d’une régulation préalable qui est organisée par le SAMU », et que si d’autres dispositifs de régulation libérale sont organisés, ils doivent être interconnectés avec le SAMU. Ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, en Haute-Garonne, l’association ARMEL (98) régule dans ses propres locaux les appels pour les généralistes avec qui elle a passé convention, sans interconnexion formalisée avec les SAMU de la région tandis qu’une autre association libérale « Régul 31 » fonctionne, en tant que telle, dans les locaux du centre 15 de Toulouse.
« SOS Médecins » qui est le premier réseau libéral des urgences médicales en France, joue un rôle important dans la prise en charge des patients appelant pour une urgence : avec près d’un millier de médecins titulaires, il couvre 60 % de la population et est très sollicité en milieu urbain et périurbain. Il a signé en septembre 2005 une convention cadre avec SAMU de France qui fixe les conditions de collaboration avec les SAMU en matière de régulation médicale, d’intervention auprès du patient, de transport et d’hospitalisation en fonction des lits disponibles. Cet accord est déjà décliné dans 75 % des départements où l’association est présente. Par ailleurs, comme « SOS Médecins » défend le principe selon lequel le diagnostic sûr s’opère au chevet du patient et compte tenu de la nature du recours à leurs centres d’appel dont les modalités ont été définies par la décret du 7 avril 2005, 60 % des appels reçus génèrent un déplacement donnant lieu à un remboursement d’actes par l’assurance maladie (2,5 millions d’actes en 2004 pour 4 millions d’appels).
2 - Un système d’orientation des patients déficient
L’orientation des patients est un des éléments essentiels au bon fonctionnement du dispositif des urgences et de la permanence des soins. La régulation médicale téléphonique a un rôle déterminant : elle permet de définir dès l’appel du patient la nature de la réponse à lui apporter, la responsabilité de la décision incombant à un médecin régulateur formé et expérimenté.
a) L’absence d’un numéro d’appel unique
Contrairement à l’Espagne, au Portugal, au Danemark, à la Suède ou à la Finlande qui ont adopté le numéro 112 européen, la France n’a pas de numéro d’appel unique pour les urgences. Plusieurs numéros publics, qui correspondent à des champs d’activité spécifique, coexistent dont les trois plus connus sont : le 18 géré par les sapeurs pompiers (16,4 millions d’appels par an), le 15 géré par les SAMU (21 millions d’appels en 2004) et le 112 géré à 80% par les SDIS et à 20% par les SAMU. Cette diversité nuit à l’efficacité de la régulation téléphonique. Il est paradoxal qu’au moment où chaque opérateur de téléphonie recourt à des campagnes de communication pour promouvoir son propre numéro de renseignement les pouvoirs publics n’informent pas mieux la population sur la bonne utilisation de ces différents numéros, sans attendre la mise en place d’un numéro unique, solution qui ne fait pas l’unanimité au sein des acteurs et soulève des problèmes de coûts immédiats importants.
Une première étape vers la simplification pourrait être franchie avec l’unification des numéros d’appel entre l’hôpital et la ville. Ceci suppose que deux actions complémentaires soient poursuivies :
- convaincre les promoteurs de centres d’appel autonomes de fusionner avec le 15, sauf à perdre l’agrément délivré par le préfet ;
- amplifier la participation conventionnée des médecins libéraux au fonctionnement des centres 15.
b) Un besoin d’information des patients
La majorité des usagers voudraient connaître les symptômes qui indiquent une urgence vitale et les bons gestes de premiers secours. Une étude conduite par la société française de cardiologie (99), sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde apporte un éclairage sur cet enjeu : « un tiers seulement des personnes frappées d’infarctus appellent le 15 » et « la moitié des malades n’arrivent à l’hôpital que plus de trois heures après avoir ressenti les premières douleurs » ce qui entraîne une véritable perte de chances.
Les patients ont aussi besoin d’informations pratiques sur les moyens mis en place en dehors de l’hôpital (demande exprimé par 41 % des patients interrogés par l’URCAM/URML de Midi Pyrénées). En effet, les trois quarts d’entre eux ne connaissent pas le numéro de téléphone du médecin de garde et un tiers seulement a le numéro de son médecin traitant en tête ou sous la main. Les tableaux de permanence sont peu diffusés, tous les médecins ne délivrent pas d’information sur la PDS sur leur répondeur. Cette carence explique en partie le recours téléphonique au 18 (les pompiers ont la préférence des appelants du fait de leur facilité d’accès et de leur rapidité d’intervention) et au 15.
Quelques régions ont commencé à prendre des initiatives pour faciliter l’orientation du patient, mais chacune travaille isolément alors que ce sujet devrait faire l’objet d’une action nationale.
c) Un meilleur partage de l’information
Les textes rendent obligatoires l’interconnexion entre le centre de réception et de régulation des appels géré par le SAMU (CRRA) et le centre de traitement de l’alerte des SDIS (CTA). Ils prescrivent l’information mutuelle lors du déclenchement des opérations et de leur suivi. Après une période de tensions, voire de conflits ouverts (100), la tendance générale est à l’apaisement et les conférences à trois (appelant, régulateurs des n°18 et 15) ainsi que les transferts d’appels se multiplient. Néanmoins l’efficacité de ce travail en réseau est limitée. La situation des équipements radio et informatique des centres 15 qui sont tributaires des budgets hospitaliers et des financements tant de l’Etat que des collectivités locales est très disparate et inégale. L’amélioration de leur niveau de fiabilité et de leur performance supposent un recours généralisé et ambitieux aux nouvelles technologies.
L’absence de système d’information formalisé, généralisé et partagé, ne permet pas de connaître les moyens opérationnels disponibles sur un territoire donné. Seule la région Haute Normandie en a créé un, dénommé « Réseau régional de l’aide médicale urgente » (RAMU).
Le RAMU
Etabli dans les locaux du SAMU du Havre, ce système d’information régional a pour objectif d’offrir à l’ensemble des acteurs de la chaîne des urgences (les SAMU de Rouen, du Havre et d’Evreux, les 10 SMUR de la région, les transporteurs sanitaires, les médecins libéraux assurant la permanence des soins, les services d’urgence publics et privés) un système d’information électronique commun. Il permet à chacun de disposer de données d’aide à la régulation, de mettre les trois SAMU en réseau pour permettre une suppléance de l’un d’eux par un autre, de mutualiser certaines fonctions, notamment la régulation libérale en deuxième moitié de nuit, dans un SAMU à tour de rôle. Le réseau permet de combiner l’accès aux ressources les plus spécialisées et le recours à des filières de proximité.
Les travaux en cours à la DHOS avec trois régions pilotes pour mettre en œuvre des projets d’articulation territoriale des urgences devraient permettre d’avancer en ce sens. Les échéances ne sont toutefois pas précisées.
d) Le retard de la finalisation des conventions tripartites
Des conventions tripartites liant les SDIS, les SAMU et les ambulanciers privés ont été rendues obligatoires par la circulaire interministérielle du 29 mars 2004 et devaient être conclues fin 2005.
Au 15 août 2006, 30 seulement avaient été signées. La cause la plus fréquente de ce retard est l’attitude des ambulanciers privés, souvent en concurrence entre eux, qui hésitent à définir secteurs, périodes et moyens de garde. Actuellement, la préparation de nombreuses conventions tripartites s’achève par des négociations bilatérales entre l’autorité préfectorale et les représentants des ambulanciers privés, tandis que SAMU et SDIS, déjà tombés d’accord, mettent en pratique leur entente sans attendre sa formalisation.
La signature de ces conventions n’est pas un gage de qualité. Certaines présentent des insuffisances, par exemple dans la répartition des missions respectives, la prise en considération des réalités locales, le respect des temps d’intervention et l’évaluation de la mise en œuvre, alors que, pour cette dernière, l’annexe de la circulaire interministérielle comporte des indications très pertinentes. D’autres contiennent de bonnes pratiques qui pourraient être diffusées, comme par exemple, la systématisation de la régulation médicale, quel que soit le lieu où se trouve la personne (voie publique, lieu public, domicile, lieu de travail), le recours accru à la conférence téléphonique à trois entre l’appelant, les régulateurs des n° 18 et 15, ce qui permet, dans bien des cas, un désencombrement du 15, la présence d’un coordonnateur ambulancier au sein du centre 15 et la mise en place au niveau départemental de comités médicaux de suivi d’application des conventions.
3 - Le plan « Urgences » : un renforcement significatif des moyens des services d’urgence
Le plan « Urgences » a été élaboré en septembre 2003. Conçu comme un « plan global de modernisation de toute la chaîne des urgences », il a notamment permis des créations d’emplois importantes dans les services d’urgence, lesquels avaient déjà bénéficié entre 1997 et 2001 d’un effort conséquent.
Sur les 489 M€ prévus sur 5 ans (2004-2008), 330 M€ avaient été délégués fin 2005, dont près de 200 M€ versés aux établissements de santé publics pour renforcer les équipes des services d’urgence, des SAMU et des SMUR. Selon le bilan fourni par la DHOS en mai 2006, 2 321 postes ont été créés dans ces différentes structures en deux ans, dont 451 médecins et 942 infirmières dans les seuls services d’urgence. En moyenne les effectifs de chaque site ont augmenté de 3,6 équivalents temps plein (ETP).
Ce renforcement des effectifs est intervenu à un moment où la DREES, les ARH et les CRC observent « un relatif ralentissement » de l’activité des services d’urgence. L’absence d’outils d’information (voir supra) ne permet pas d’apprécier si les ressources disponibles sont adaptées aux besoins des services d’urgence ou non, ni de juger de l’équité de leur répartition.
Toutefois, les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes montrent qu’il y a eu une réelle amélioration au niveau des moyens des services en personnel. Celle-ci s’est notamment traduite par l’organisation d’une présence continue d’un effectif considéré comme minimum, surtout dans les petites et moyennes structures. Mais cette amélioration quantitative n’a pas été accompagnée de mesures qualitatives permettant de mieux ajuster les effectifs présents au nombre des passages qui varie considérablement au cours de la journée et au cours de l’année.
L’absence d’indicateurs médicaux de référence ne permet pas de porter un jugement sur les effets du plan « Urgences » en termes de qualité de prise en charge des patients ou de renforcement des compétences des équipes médicales et paramédicales.
4 - La prise en charge des urgences vitales : des progrès à réaliser
A l’exception de l’étude déjà citée conduite sous l’égide de la société française de cardiologie (SFC) en octobre 2005 qui montre les progrès accomplis dans la prise en charge de l’infarctus du myocarde en urgence (la mortalité globale a diminué entre 1995 et 2005 de 8,3 % à 4,3 %), les données objectives manquent pour juger de l’amélioration de la prise en charge des urgences vitales.
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