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(SENAT) Situation des urgences hospitalières, en liaison avec l'organisation de la permanence des soins - Examen du rapport d'information - réunion du 26 juillet 2017
Mercredi 26 juillet 2017
- Présidence de M. Gérard Dériot, vice-président, puis de M. Alain Milon, président -
Situation des urgences hospitalières, en liaison avec l'organisation de la permanence des soins - Examen du rapport d'information
La réunion est ouverte à 9 h 05.
M. Gérard Dériot, président. - Le président Milon nous rejoindra dans quelques instants. Nous allons examiner le rapport d'information de Mmes Laurence Cohen, Catherine Génisson et M. René-Paul Savary, sur la situation des urgences hospitalières, en liaison avec l'organisation de la permanence des soins.
M. René-Paul Savary, rapporteur. - Nous avons régulièrement l'occasion d'évoquer, dans l'enceinte de notre commission, le problème aigu que pose pour notre système de santé la gestion de la permanence des soins et de la prise en charge des urgences, et plus généralement de l'accueil des soins non programmés. Sur ce sujet, plusieurs rapports et études, émanant d'institutions qualifiées (l'Assemblée nationale, mais aussi la Cour des comptes ou encore la Drees), ont vigoureusement tiré la sonnette d'alarme au cours des dernières années ; nous avons également examiné plusieurs dispositions sur ce point dans le cadre de la loi « santé » ; et pourtant, selon les propres mots de la Cour des comptes, rien ne semble évoluer et les problèmes continuent de s'accumuler.
C'est dans ce contexte que nous avons décidé de conduire un travail spécifique et transpartisan sur la question des services d'urgences hospitaliers, qui semblent concentrer la majeure partie des problèmes - on l'a vu, encore cet hiver, avec l'engorgement des services lors de l'épidémie de grippe, largement relayé par les medias.
Afin de proposer une perspective nouvelle sur un sujet largement rebattu, nous avons choisi de privilégier une approche de terrain, dans le but de proposer des solutions concrètes et ancrées dans l'exercice quotidien des personnels. Lors des (nombreuses) auditions que nous avons conduites au Sénat, nous avons ainsi choisi de rencontrer les responsables des principaux services d'urgences parisiens. Nous avons également effectué plusieurs déplacements dans des établissements de santé de toute taille, au cours desquels nous avons veillé à entendre l'ensemble des personnels soignants comme administratifs.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous souhaitons souligner l'investissement exceptionnel des équipes exerçant au sein des urgences hospitalières, qui réunissent des métiers très divers. C'est grâce à leur qualité et à leur compétence que nos concitoyens continuent de disposer d'une prise en charge de pointe, en dépit des difficultés nombreuses auxquelles font face les services - devant lesquelles ils réagissent avec adaptabilité, inventivité, ingéniosité, et un sens profond du service public.
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - A l'issue de ces différents travaux, nous avons acquis la conviction que les services d'urgences ne doivent pas être simplement regardés comme un point d'entrée défaillant dans notre système de santé. Dans la mesure où l'on se retrouve bien souvent aux urgences lorsqu'aucune autre solution n'est possible, ils constituent au contraire l'aboutissement de trajectoires individuelles dans le système de soins, et sédimentent à ce titre l'ensemble des problématiques sociales et sanitaires accumulées au cours des différents parcours de santé.
En somme, les difficultés des services d'urgences doivent être regardées comme un miroir grossissant des dysfonctionnements de l'ensemble de notre système de santé - et peut-être même, plus largement, de notre système d'accompagnement social.
Ce constat, qui a fondé l'ensemble de notre réflexion, explique qu'il n'existe pas selon nous de solution miracle pour refonder notre système d'accueil des urgences. Tout comme les problèmes rencontrés par les équipes, les solutions qui peuvent y être apportées sont multifactorielles, et dépendent bien souvent des structures, des organisations et des personnes. En tout état de cause, elles doivent prendre en compte à la fois l'amont et l'aval des services - ce qui supposerait d'étendre potentiellement la réflexion à l'ensemble de notre système de soins, à la ville comme à l'hôpital.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Les difficultés rencontrées par les services d'urgences, déjà largement documentées, sont nombreuses. Nous souhaitons insister sur deux aspects qui nous semblent particulièrement importants : en termes quantitatifs, la question de l'afflux dans les services, voire de leur engorgement ; d'un point de vue qualitatif, les problèmes posés par la diversification des motifs de recours aux urgences, qui ne sont pas toujours strictement sanitaires - nous y reviendrons.
Le premier point constitue l'élément le plus connu, car le plus médiatique, mais aussi le plus ressenti par nos concitoyens. Selon la Drees, on comptait 20,6 millions de passages aux urgences en 2015. Plus que cette valeur absolue, c'est la dynamique de son évolution qui inquiète : au cours des dernières années, ce nombre a connu une augmentation soutenue et régulière de l'ordre de 4 % par an, accroissant encore la tension pesant sur des structures déjà débordées. Entre 2002 et 2015, il a au total évolué de 42 % - et nous rappelons ici que la date de 2002 correspond à l'abandon de l'obligation déontologique individuelle incombant aux médecins d'assurer les périodes de gardes, à laquelle la réforme Mattei a substitué un système hybride, avec une obligation de nature collective reposant sur le volontariat individuel des médecins.
Ces estimations générales ne doivent cependant pas masquer l'existence de fortes disparités entre les différents établissements. Selon la Drees, 70 % des patients arrivant aux urgences sont pris en charge en moins d'une heure. En réalité, c'est surtout dans les établissements les plus importants que se concentrent les problèmes, singulièrement en région parisienne et dans les Dom.
Dans ces services, la situation est bien souvent critique, avec des délais d'attente excédant fréquemment cinq heures, et des pics de fréquentation marqués à l'occasion des épidémies hivernales. Dans ces conditions, et selon le témoignage direct des personnels, il n'est pas rare que l'affluence entraîne un tel débordement que les prises en charge ne sont plus hiérarchisées - ce qui fait parfois passer à côté de véritables urgences -, ou encore que certains patients échappent à la vue et donc à la vigilance des équipes soignantes - ce qui est particulièrement problématique lorsque sont en cause des pathologies psychiatriques.
A l'inverse, ces chiffres ne doivent pas non plus évincer une autre réalité, qui frappe principalement les territoires ruraux : selon la Drees, près de 4 millions de personnes, soit 6 % de la population, résidaient encore à plus de 30 minutes d'un service d'urgences ou d'un Smur à la fin de l'année 2015. Dans ce contexte, certains services de proximité font face à des difficultés de financement, et donc d'équipement et de fonctionnement, de plus en plus criantes, qui remettent en cause leur existence même ; c'est ce que nous avons constaté lors de notre déplacement à Romilly-sur-Seine. Ce sont pourtant des services qui font bien souvent preuve d'une adaptabilité remarquable face au manque de moyens, et réalisent même de véritables performances - il est cependant permis de se demander jusqu'à quand.
En tout état de cause, le développement du recours aux services d'urgences ne constitue pas un phénomène strictement français. Selon plusieurs des personnes que nous avons entendues, l'ensemble des pays développés assistent à une augmentation soutenue du recours à ces services.
Cette évolution est à mettre en lien avec celle des motifs de recours. Nous nous plaçons bien sûr ici hors du champ de la médecine de catastrophe, pour laquelle nous avons cependant pu constater la particulière compétence et le grand engagement de l'ensemble des équipes lors de nos déplacements : il faut avant tout rappeler que la médecine pré-hospitalière et le réseau des Smur sauvent chaque jour des vies sur notre territoire.
Si, dans l'ensemble, on observe une grande stabilité de la structure de la patientèle au cours du temps (la traumatologie représentant 1/3 des passages, et ceux-ci étant concentrés aux âges extrêmes de la vie), la Drees souligne que la dynamique d'évolution du nombre de passages « va bien au-delà des seuls besoins liés à l'évolution démographique de la population française ». Cela signifie, en d'autres termes, que toutes les demandes que l'on rencontre dans les services d'urgences n'en sont pas nécessairement, ou pourraient trouver une réponse ailleurs. De ce point de vue, nous avons pu distinguer trois situations - qui tendent cependant à se recouper partiellement.
En premier lieu, une augmentation notable des situations caractérisées au moins autant par une urgence sociale que par une urgence sanitaire, et qui se retrouvent dans ces services lorsqu'aucune autre solution n'a pu être trouvée. L'une et l'autre tendent d'ailleurs à se renforcer : il nous a ainsi été indiqué que les décès au sein des services d'urgences n'étaient pas rares, du fait d'un recours très tardif à la médecine, de sorte que les urgences devenaient le lieu de la découverte de pathologies déjà très avancées. Cela correspond par ailleurs à une évolution plus large de notre société qui accepte mal la mort, et tend à faire de l'hôpital le lieu dans lequel surviennent la majeure partie des décès.
En second lieu, une augmentation marginale mais sensible des consultations certes motivées par une raison médicale, mais recourant aux urgences pour des raisons de « convenance personnelle ». Selon les soignants que nous avons rencontrés, une partie de ce flux résulterait d'une évolution sociétale valorisant l'immédiateté de tous les services, quels qu'ils soient. De ce point de vue, l'accessibilité des services d'urgences, qui permettent de faire réaliser en une seule fois et en un seul lieu plusieurs soins ou examens, même au prix de quelques heures d'attente, est particulièrement attractive. Ainsi, selon les données transmises par la Drees, 59 % des patients des urgences s'y sont rendus pour l'accessibilité des soins qu'elles offrent.
Il semble également que la pseudo-gratuité de ces services, dans lesquels les patients n'ont pas à effectuer l'avance des frais, joue un rôle important dans l'attractivité des urgences. Il est cependant difficile de faire la part des choses entre cette observation générale et la présence au sein de ces services de personnes en situation de précarité.
Les travaux de la Drees comme le témoignage des soignants permettent enfin de mettre en évidence une forme de recours par défaut, lorsqu'aucune solution n'a pu être trouvée dans le cadre de la médecine de ville ou de la médecine spécialisée hospitalière. Selon la Drees, cette situation concernerait 21 % des patients présents aux urgences. Elle recouvre des cas très divers, du patient dont le médecin traitant est absent à celui qui ne parvient pas à s'orienter dans le parcours de soins, en passant par le résident d'un Ehpad ne disposant pas de ressources médicales suffisantes.
Le débat sur les passages inutiles aux urgences doit donc être replacé dans ce contexte : en réalité, la majorité des passages décrits comme inutiles s'expliquent par les insuffisances de l'offre existant en amont (médecine de ville, Ehpad) et en aval (lits disponibles dans les services spécialisés, solutions de prise en charge pour personnes âgées et personnes handicapées). Nous insistons sur ce point : contrairement à une idée communément admise, la question de l'aval a autant de poids que l'amont dans les difficultés rencontrées par les urgences. De ce fait, les politiques gestionnaires de fermetures massives de lits dans les services spécialisés ne peuvent que contribuer à l'engorgement des services d'urgences.
Face à ces constats, nous avons souhaité formuler des recommandations concrètes dans deux directions : d'une part, renforcer l'offre libérale de ville pour l'accueil des soins non programmés ; d'autre part, généraliser, dans la mesure du possible, les bonnes pratiques hospitalières déjà développées par certaines équipes. S'il faut veiller à réduire le plus possible les passages aux urgences qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de ces services, l'objectif ici n'est pas uniquement de supprimer l'ensemble des recours jugés inutiles. Outre que la notion est de toute façon difficile à définir, et ne peut l'être qu'a posteriori, la majorité des personnels que nous avons rencontrés se sont accordés pour dire que le rôle de soupape joué par les urgences, en France comme ailleurs, pouvait difficilement être remis en question. Il s'agit cependant, dans la concertation et le dialogue avec toutes et tous, de recentrer chacun des acteurs du système de santé sur sa compétence principale, afin d'offrir à chaque patient la possibilité de la prise en charge la plus adaptée.
M. René-Paul Savary, rapporteur. - Ce sont donc tout d'abord les insuffisances de l'offre libérale qui sont indirectement mises en lumière par les difficultés des services d'urgence. Selon la Cour des comptes, 43 % des passages aux urgences relèvent d'une simple consultation médicale ; 35 % des passages auraient pu obtenir une réponse auprès d'un médecin généraliste. La moitié des passages aux urgences a par ailleurs lieu aux horaires d'ouverture des cabinets de ville, tandis que les patients se tournent prioritairement vers les structures d'urgences aux horaires de la permanence des soins ambulatoires. En d'autres termes, l'offre de ville ne répond plus ni à la demande de permanence des soins, ni à celle de continuité des soins.
Face à ce constat, les médecins de ville eux-mêmes ont reconnu un certain « désengagement » des professionnels libéraux quant à la prise en charge des soins non programmés. Les raisons en sont multiples et bien connues, je ne m'y attarderai donc pas : la fin de la responsabilité individuelle dans l'organisation de la garde, la désertification médicale, les délais de rendez-vous, la réduction du temps d'exercice hebdomadaire ainsi que la raréfaction des visites à domicile expliquent largement que les patients se rendent aux urgences pour y trouver une réponse intégrée.
Dans ce contexte, les maisons médicales de garde (MMG) ne semblent pas pouvoir offrir d'alternative efficace pour les patients. Si les situations sont bien sûr très différentes selon les structures, et dépendent notamment des acteurs impliqués et de leurs relations avec les services hospitaliers, leur développement connaît une certaine stagnation depuis quelques années. Selon la Cour des comptes, la faible diffusion du recours aux MMG dans la population s'expliquerait à la fois par l'absence de plateau technique minimal, qui oblige de toute façon les patients à se rendre aux urgences dans un deuxième temps en cas d'examen ou d'acte technique à réaliser, ainsi que par la nécessité d'y faire l'avance des frais. Nous avons d'ailleurs pu constater que, en dehors de certains cas où des protocoles avaient pu être formalisés entre un établissement et une MMG, les réadressages des services d'urgences vers les maisons de garde demeuraient très minoritaires.
Nous pensons cependant que la médecine de ville peut et doit prendre sa part des soins non programmés. Les syndicats de professionnels nous ont rappelé à juste titre que si la dernière épidémie de grippe avait donné lieu à une forte surcharge dans les services hospitaliers, la majorité des patients avaient été pris en charge dans les cabinets libéraux. Les centres de santé offrent par ailleurs des possibilités de prise en charge rapide, en secteur 1 et sans avance de frais, qu'il nous semble d'ailleurs nécessaire de développer.
Sans entrer dans un débat sur l'organisation générale de la médecine libérale, trop vaste pour le champ de cette seule mission, quelques mesures simples nous paraissent pouvoir porter leurs fruits à court terme.
Afin de renforcer la continuité des soins aux horaires d'ouverture des cabinets de ville, il pourrait tout d'abord être envisagé de mieux valoriser financièrement les consultations non programmées, ce qui pourrait inciter les médecins à dégager des plages horaires dédiées à cet effet, ainsi que les visites à domicile, pour les patients qui se trouvent dans l'incapacité de se déplacer - et qui se retrouvent trop souvent aux urgences dans un véhicule de pompiers ou une ambulance. Par ailleurs, les plates-formes territoriales d'appui créées par la loi santé devraient être le lieu d'une plus grande coopération « pré-porte » entre les mondes libéral et hospitalier.
S'agissant ensuite de la permanence des soins, plusieurs mesures d'ordre financier sont également envisageables, comme l'exonération totale du ticket modérateur aux horaires de la PDSA, ou encore le développement du tiers-payant intégral dans les MMG - comme d'ailleurs dans l'ensemble des lieux accueillant des urgences. Sur un plan organisationnel, il nous semble par ailleurs pertinent d'élargir les horaires de la PDSA au samedi matin - plage sur laquelle la plupart des cabinets de ville sont fermés, tandis que les services de régulation des urgences connaissent un pic d'activité.
Un mot enfin de l'épineuse question de la régulation médicale. Lorsqu'elle fonctionne bien, ce qui est le plus souvent le cas, elle assure la prise en charge rapide des cas les plus graves, ou permet au contraire d'éviter le recours aux urgences par un simple conseil téléphonique ; elle peut également être le lieu d'une coopération efficace entre médecins hospitaliers et libéraux, ainsi que nous l'avons vu à Lille et à Arras. C'est donc un outil précieux pour la gestion des demandes de soins non programmés.
Il existe cependant, au plan local, des différences dans les modes d'organisation dont résultent parfois des difficultés de fonctionnement. En outre, le métier particulièrement difficile et stressant d'assistant de régulation médicale (ARM), qui constitue le premier maillon de la chaîne des secours pré-hospitaliers, est trop souvent assuré par des personnes qui manquent d'expérience, voire tout simplement d'une formation initiale. Dans ce contexte, la mise en place du nouveau numéro 116 117 à côté du 15 (à laquelle notre commission s'était opposée dans le cadre de la loi « santé ») achève de créer l'inquiétude chez les professionnels : supposé rendre plus visible et plus lisible la permanence des soins ambulatoires pour les patients, il est pourtant quasi-unanimement dénoncé comme créant une inutile complexité et nécessitant des effectifs qui pourraient être mieux employés ailleurs.
Il nous paraît particulièrement urgent de remédier à ces problèmes, afin de professionnaliser davantage ce maillon crucial des urgences, mais aussi de renforcer la coordination entre médecins libéraux et hospitaliers à l'interface entre la ville et l'hôpital.
En premier lieu, l'abandon du numéro 116 117, qui nous apparaît inéluctable, devrait bien évidemment être accompagné d'un renforcement des équipes opérant au centre 15, afin d'assurer un tri efficace entre les demandes relevant des urgences hospitalières et celles relevant de la permanence libérale. Ce renforcement devrait être associé à une généralisation de la mutualisation des équipes hospitalières et libérales, dont nous avons pu voir plusieurs exemples de succès au cours de nos déplacements. En outre, la formation des professionnels-clé que constituent les ARM est entièrement à revoir : alors qu'elle est aujourd'hui facultative, il nous paraît indispensable qu'elle passe par une formation initiale obligatoire et standardisée d'au moins deux ans, assortie de périodes de stage, et sanctionnée par la délivrance d'un diplôme qualifiant.
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - J'en viens enfin aux problèmes posés par l'intégration des services d'urgences dans leur environnement hospitalier. Il est largement ressorti de nos différents travaux et déplacements que la difficulté principale réside dans la culture des établissements : bien souvent, dans leur fonctionnement quotidien, les urgences sont considérées comme un service à part, de sorte que le devenir de leurs patients n'est pas collectivement pris en charge. Cette situation explique en partie l'engorgement des urgences par des patients pour lesquels aucune solution d'hospitalisation n'a pu être trouvée à court terme (en moyenne, 20 % des patients des urgences sont hospitalisés). Il nous a même été signalé qu'il n'était pas rare que les services eux-mêmes se déchargent sur les urgences en cas d'examens à réaliser dans de brefs délais !
Cette question de culture et de communication est symptomatique d'un certain isolement des urgences au sein de l'hôpital. Afin de refonder leur place en tant que service spécialisé, et non plus seulement en tant que service « porte », des évolutions simples et concrètes nous paraissent possibles, dans quatre directions.
Nous avons eu l'occasion de constater que plusieurs établissements avaient développé des « bonnes pratiques » organisationnelles qui pourraient facilement être généralisées. Je pense notamment au développement de circuits courts de prise en charge (souvent désignés sous le nom de fast-tracks), qui, dans les établissements les plus importants, permettent de réguler le flux des patients. Il s'agit en fait d'un service de consultation rapide aménagé à l'intérieur des urgences. Une telle organisation suppose cependant que ces circuits soient gérés par des soignants expérimentés, médecins comme paramédicaux, qui sachent immédiatement distinguer une urgence grave d'une demande de soins plus légers. Cette prise en charge particulière pourrait d'ailleurs tout à fait être réalisée par des généralistes libéraux.
Par ailleurs, la différenciation structurelle des urgences pédiatriques nous paraît indispensable ; chaque fois que c'est possible, ce doit aussi être le cas pour les urgences psychiatriques et gynécologiques.
L'équipement des services comme des Smur doit également faire l'objet d'une réflexion approfondie. Au cours de nos déplacements, nous avons en effet constaté qu'il existait de très fortes disparités entre établissements. Certains Samu disposent ainsi d'un important plateau technique embarqué, tandis que quelques services d'urgences disposent d'appareils d'imagerie dédiés. Afin de renforcer l'égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, il serait souhaitable de généraliser au moins la présence de matériels de biologie embarquée dans les Smur. Les services d'urgences doivent par ailleurs prendre le tournant de la médecine de demain : pour cela, c'est dès aujourd'hui qu'il faut y développer l'usage de la télémédecine.
Enfin, le traitement standardisé de certaines urgences vitales (infarctus du myocarde et AVC) connaît un fonctionnement particulièrement satisfaisant que nous tenons à souligner ; partant de ce constat, il nous paraît indispensable de lancer une réflexion sur une possible standardisation de la prise en charge pour d'autres pathologies.
C'est ensuite sur la question de l'aval des urgences que les établissements doivent travailler. Certains d'entre eux ont développé des pratiques innovantes pour la gestion des lits en se dotant d'un bed manager, spécifiquement chargé du suivi et de l'affectation en temps réel des lits disponibles. Cette fonction support pourrait être plus largement développée, le cas échéant à l'échelle des GHT. D'autres établissements, comme l'hôpital Avicenne, ont développé une organisation plus modeste, mais tout aussi efficace, en organisant quotidiennement des conférences de staff rassemblant l'ensemble des services. L'important nous semble être ici que la question de l'aval des urgences soit l'affaire de tous.
Face à l'afflux croissant de personnes âgées dans les services d'urgences, et devant la nécessité d'une réaction rapide en cas de pic épidémique, il nous paraît par ailleurs indispensable de redonner toute leur place aux services de médecine et chirurgie générales (qui ont trop souvent servi de variable d'ajustement au cours des dernières années, avec des fermetures de lits massives dont on mesure aujourd'hui toute le caractère problématique), et de développer les services de gériatrie aiguë. A l'inverse, s'il doit exister un volant de lits de courte durée au sein des services d'urgences, celui-ci ne doit pas être trop important, et doit simplement fonctionner comme une soupape avant transfert dans les services spécialisés.
La prise en charge des urgences pour les personnes âgées constitue par ailleurs un sujet en soi. Sur ce point, nous tenons à souligner que l'hospitalisation systématique des personnes âgées constitue une catastrophe à la fois humaine, médicale et pécuniaire. Pour y remédier, les solutions ne sont que trop connues - encore faut-il avoir la volonté de les mettre en oeuvre ! : organiser la prise en charge médicalisée dans les Ehpad et y introduire la télémédecine, ainsi que notre commission l'a déjà formulé à plusieurs reprises.
Se pose, en troisième lieu, la question du financement des urgences. Nous avons pu constater qu'un soupçon planait sur l'encadrement de ces services, suspectés de ne pas souhaiter réellement remédier aux situations d'engorgement dès lors que l'afflux de patients constituerait une manne financière pour les établissements. Si cette affirmation nous apparaît largement exagérée, il est cependant indéniable que le mode de tarification des urgences n'est pas désincitatif à la prise en charge des patients, quelle que soit la gravité, ou l'absence de gravité, de leur pathologie. Il importe dès lors de clarifier cette situation, dans un triple objectif : recentrer la prise en charge par les urgences sur les cas les plus graves ; mieux prendre en compte les coûts fixes de services par nature soumis à une activité fluctuante ; inciter à la réorientation vers les MMG ou les médecins de ville.
Dans ce contexte, la proposition formulée par Olivier Véran, notre collègue rapporteur général à l'Assemblée nationale, nous paraît particulièrement intéressante : il s'agirait d'introduire une dose de forfaitisation dans le financement des urgences, ainsi qu'une modulation des tarifs en fonction de la gravité des pathologies.
J'en termine par le sujet qui n'est pas le moins important, celui des ressources humaines des services d'urgences. D'une manière générale, il nous est apparu que le très fort investissement des personnels soignants devait être mieux valorisé, quelle que soit leur fonction. Ces personnels sont en effet en première ligne pour faire face, souvent en flux tendu, à des situations sanitaires et sociales particulièrement difficiles. De nombreux soignants nous ont d'ailleurs indiqué qu'ils craignaient pour leur sécurité, à tel point que certains établissements - lorsqu'ils en ont les moyens... - se sont dotés de sas d'accès sécurisés et de vigiles à la porte du service d'urgences, voire de médiateurs sociaux. Ces difficultés s'inscrivent parfois dans un contexte de turn-over important et de difficultés de recrutement, les services d'urgences n'étant pas épargnés par la prolifération des praticiens « mercenaires ».
En premier lieu, il nous semble indispensable de favoriser la diversité des tâches dans la carrière des médecins urgentistes, compte tenu du stress et de la pénibilité particulièrement attachés à ce métier. De ce point de vue, la formule de la mutualisation des équipes opérant en Smur, en salle de régulation et à l'accueil des urgences, dont nous avons pu constater le succès dans plusieurs établissements, nous paraît particulièrement intéressante. L'alternance des formes d'exercice permet en effet de relâcher la pression inhérente à certaines activités et de ne pas s'y enfermer. Nous posons également la question de son extension aux professions paramédicales, en raison de son intérêt à la fois pour les pratiques individuelles et pour l'organisation des services.
S'agissant des médecins, il nous semble par ailleurs indispensable d'introduire dans leur formation un volet relatif à l'accueil et à la prise en charge des situations d'urgence sociale, qui tendent à se multiplier et face auxquelles les professionnels nous ont livré leur désarroi.
Outre les ARM, que nous avons déjà évoqués, plusieurs professions exerçant dans le cadre des urgences pourraient faire l'objet d'une meilleure reconnaissance. Nous pensons notamment au métier d'ambulancier, dont le rôle évolue notablement dans le cadre de la médecine d'urgence comme dans le monde libéral : il ne s'agit plus seulement d'assurer une simple fonction de transport, mais bien souvent aussi de fournir une première appréciation de l'état de santé du patient, voire de le préparer pour l'intervention des équipes. Il nous semblerait dès lors opportun, sinon de faire évoluer les contours et la reconnaissance de cette profession, du moins d'ouvrir la réflexion quant à la reconnaissance d'une profession d'ambulancier en Smur. Dans la même logique, la reconnaissance d'une spécialité infirmière urgentiste mériterait également qu'un débat lui soit consacré.
M. Alain Milon, président. - Je constate que nous avons déjà alerté ces dernières années sur beaucoup des problèmes que vous soulevez.
Mme Michelle Meunier. - Merci pour ce rapport détaillé - et qui a en effet le mérite de récapituler des enjeux qui ne nous étaient pas inconnus. L'organisation des urgences pédiatriques n'est pas nécessairement calquée sur celle des urgences ordinaires : peut-être ce modèle pourrait-il être source d'inspiration ? Quid, par ailleurs, de l'éducation du patient ? C'est aussi un paramètre...
Mme Pascale Gruny. - Quoique je ne sois pas une professionnelle de la santé, ce rapport m'a semblé exhaustif. Manque de lits, manque de personnel, déficits... Ce sont en effet des problèmes dont nous sommes tous conscients dans nos territoires. Je souligne en particulier le problème des praticiens intérimaires, qui touchent une rémunération bien supérieure à celle de leurs collègues, pour le même travail : dans le privé, une telle situation ne laisserait pas de surprendre !
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - Oui, c'est scandaleux.
Mme Pascale Gruny. - Cela désorganise les services et coûte cher aux hôpitaux.
Mme Annie David. - Votre trio aurait pu être explosif, mais le résultat de votre travail est un tableau exhaustif des difficultés vécues aux urgences. Avec M. Watrin et Mme Cohen, j'ai visité de nombreux services pour me rendre compte des problèmes auxquels sont confrontées nos équipes médicales, et je reconnais dans votre rapport ce que j'ai vu. Nous connaissons les causes - et notamment le manque de lits - sans parvenir à les combattre. C'est tout le système qu'il faudrait revoir. En tous cas, je vous invite à bien réfléchir, lors du vote du prochain PLFSS, aux suppressions de lits qu'une nouvelle réduction des dépenses ne pourra qu'entraîner ! J'apprécie que vous reconnaissiez l'investissement des personnels soignants et que vous demandiez jusqu'à quand ils pourront tenir ainsi. Il y a dans l'hôpital public des problèmes financiers qui ne relèvent pas du PLFSS, et notamment la différence de traitement, avec les dépassements que vous avez mentionnés, générateurs d'inégalités qui contribuent au mal-être du personnel. Enfin, j'ai beaucoup aimé entendre M. Savary soutenir les centres de santé...
M. Olivier Cigolotti. - Je vous félicite pour le titre de votre rapport, qui rend parfaitement compte de la situation. Vous avez mentionné la fracture territoriale, avec 4 millions de personnes situées à plus de 30 minutes d'un service d'urgence. Ces personnes sont souvent frappées d'une double peine car la désertification médicale les contraint à avoir recours plus souvent que d'autres aux sapeurs-pompiers ou aux urgences.
Mme Patricia Schillinger. - La fracture territoriale est bien réelle. On pourrait croire que dans une ville de 100 000, voire 50 000 habitants, l'accès aux soins serait effectif la nuit, mais ce n'est pas le cas. Sans bon sens, on n'arrivera pas à réformer le système de manière efficace. Il n'est pas normal, lorsque l'on est piqué par une guêpe, avec un risque éventuel d'allergie, de s'entendre dire aux urgences qu'il faut attendre son tour, avec jusqu'à vingt personnes devant soi...
Par ailleurs, la durée du préavis de départ d'un médecin urgentiste n'est que d'un mois. Dans un hôpital alsacien, cinq médecins urgentistes ont démissionné d'un coup, ce qui a désorganisé le service d'urgences qui a dû être fermé provisoirement. Pourquoi ne pas porter le préavis à six mois comme dans d'autres professions à responsabilités ? Enfin, pourquoi ne pas faciliter les accords bilatéraux entre hôpitaux français et étrangers ? Les offres de soins de mon département, de l'Allemagne et de la Suisse sont complémentaires. Les patients pourraient en bénéficier.
M. Jean-Marie Morisset. - Je partage votre diagnostic sur la fracture territoriale et la désertification médicale. Depuis une vingtaine d'années, on restructure les hôpitaux ; dans les Deux-Sèvres, on ferme ainsi trois hôpitaux pour les fusionner au sein d'un hôpital du Nord Deux-Sèvres. Nous réclamons le maintien des services d'urgence existants, pour conserver le lien de proximité, mais l'ARS n'écoute ni les élus, ni les médecins, ni les habitants...
Mme Catherine Procaccia. - À Vincennes, nous avons été parmi les premiers à ouvrir une maison de garde il y a vingt ans, car les médecins refusaient de se déplacer à domicile la nuit. On compte aujourd'hui une douzaine de maisons de garde dans le Val-de-Marne. Le but était d'éviter l'engorgement des urgences. Ces dernières années, celles-ci sont devenues un service de confort : les gens s'y rendent dès lors qu'ils ne peuvent pas obtenir un rendez-vous rapide chez un médecin, alors qu'il n'y a pas d'urgence. C'est une forme de consumérisme. Par ailleurs, on constate que le week-end, 60 % des passages sont des consultations de pédiatrie, car les pédiatres ne sont pas ouverts le week-end. Est-ce le cas partout ?
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - C'est en effet souvent le cas.
M. Daniel Chasseing. - Ce rapport est conforme à mon constat en tant que praticien. Les consultations aux urgences ont augmenté de 42 % depuis 2002, car les médecins n'ont plus l'obligation d'assurer des gardes. Les gens vont aussi souvent aux urgences faute de la présence d'un cabinet médical de garde à proximité. Cela pose la question de l'accessibilité aux soins dans les zones rurales ou péri-urbaines.
Un mot sur la prise en charge des piqûres de guêpe. Soit on observe un choc anaphylactique immédiat et les soins sont urgents, soit il n'y a pas de réaction et il n'y a pas d'urgence.
Pour remédier à la pénurie de médecins, il convient, en effet, d'augmenter le numerus clausus et de trouver des solutions avec les médecins dans le cadre des maisons médicales de garde avec le tiers-payant.
Le 116-117 est source de confusion : il est en effet préférable de conserver le 15. Je conviens également qu'il faut mettre l'accent sur la formation des régulateurs qui traitent les appels, car c'est un exercice difficile. L'équipement des Smur doit aussi faire l'objet d'une réflexion approfondie. La prise en charge des infarctus a été améliorée, il faut cependant le souligner.
Il est important qu'un gériatre soit présent aux urgences, car il faut éviter d'hospitaliser inutilement les personnes âgées. La télémédecine pourrait être une aide utile à cet égard.
La reconnaissance d'un diplôme d'infirmière ou d'infirmier urgentiste serait bienvenue. Il faut souligner aussi le rôle crucial des ambulanciers qui prennent en charge les malades et qui transmettent les informations au médecin régulateur.
Mme Chantal Deseyne. - Vous relevez que, dans 21 % des cas, le recours aux urgences est un recours par défaut dû à l'absence d'une offre de soins de proximité. Comment faciliter le développement des maisons de garde ? Est-il possible de réinstaurer une obligation de garde pour les médecins ? Comment responsabiliser aussi les patients ? Qu'en est-il du recours aux urgences pour des cas qui relèvent de problématiques sociales et non sanitaires ? Ce n'est pas aux urgences de traiter ces cas.
M. Yves Daudigny. - Je salue le travail des rapporteurs. Vous posez bien la question de l'organisation de l'hôpital, des urgences, de l'articulation entre médecine de ville et hôpital. Les changements se heurtent à deux difficultés : tout d'abord, la résistance compréhensible à tout changement, tant des élus que des médecins, dès lors qu'il est question de diminuer les compétences d'un hôpital ; le second problème est celui des modes de financement : tant que la médecine de ville sera exclusivement payée à l'acte, les problèmes perdureront.
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - Il est en effet indispensable que l'accueil de la pédiatrie soit autonome, de même que celui de la psychiatrie. Au CHU de Lille, cela fonctionne très bien. Je vous confirme par ailleurs que les consultations de pédiatrie aux urgences ont lieu souvent le soir et le week-end.
Notre proposition n° 14 vise à développer des actions d'éducation de la population au juste recours aux urgences. Tous les moyens peuvent être utilisés à cette fin. Les contrats locaux de santé constituent déjà un moyen d'éduquer à la santé. Dès l'appel au 15, le médecin régulateur doit aussi éclairer la personne qui appelle. Tout cela contribuera à aider à sortir de l'approche consumériste de la médecine.
L'intérim à l'hôpital est une catastrophe. Ces médecins sont d'ailleurs souvent qualifiés de « mercenaires » par leurs collègues. Ils accomplissent une prestation, sans participer au projet de service, en échange d'une rémunération élevée. Les directeurs d'hôpitaux et chefs de service nous ont dit qu'ils étaient contraints de se plier à leurs exigences. Ce sujet est plus important encore que celui du préavis.
Il faut souligner l'investissement des personnels, mais avoir également conscience qu'ils sont à bout. Il importe aussi de conserver des services d'urgence de proximité.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Notre mission s'est révélée passionnante. Ce travail entre trois rapporteurs de sensibilités politiques différentes a été très enrichissant et constructif. C'est une bonne manière de procéder.
Faute de médecins, les directeurs d'hôpitaux avouent qu'ils sont étranglés et qu'ils n'ont pas d'autre choix que de recourir à des intérimaires mercenaires. Comme on manque de praticiens, il y a une surenchère. Les autres médecins qui s'investissent dans le projet d'établissement sont découragés lorsqu'ils apprennent leur rémunération.
Notre commission devrait se montrer plus entreprenante pour tirer les leçons des évaluations de terrain lorsqu'elles montrent que quelque chose ne fonctionne pas. C'est le cas de la réforme des gardes mise en place en 2002. Il nous appartient maintenant de faire bouger les choses !
Sur la fermeture des lits comme sur d'autres sujets, nous nous devons d'être vigilants au moment de l'examen du PLFSS. N'oublions pas que c'est le législateur qui organise la pénurie en réduisant drastiquement les budgets !
Mme Schillinger a plaidé pour des partenariats et des accords bilatéraux. Ils sont déjà en place dans de nombreux territoires : ainsi, le CHU de Lille travaille sans difficulté et en osmose parfaite avec la Belgique.
Comme M. Morisset, je suis sensible au manque de concertation entre les différents acteurs de la santé. Il en résulte souvent de formidables gâchis. À l'Hôtel-Dieu, il y a ainsi deux projets en confrontation, celui des personnels et celui de la direction de l'AP-HP.
Il est difficile de définir un modèle généralisable de maisons de garde, mais nous pouvons partager les bonnes pratiques. Dans le Val-de-Marne, les Services d'accueil médical initial (Sami) fonctionnent très bien, grâce à l'implication forte des médecins libéraux du département - il faut le signaler - et des villes qui fournissent les locaux, acquittent certains frais de fonctionnement et surtout paient des vigiles, ce qui permet aux médecins de travailler en toute sécurité.
Les urgences ne prennent pas les problèmes sociaux en charge s'il n'y a pas de problème médical. La difficulté est en fait celle du suivi. On l'a vu à l'hôpital Lariboisière, près de la gare du Nord à Paris. Les personnels nous ont alertés sur la situation de femmes en grande précarité qui viennent accoucher à l'hôpital. Mais dès qu'elles sont sorties elles se retrouvent confrontées à leurs difficultés : accès au logement, addictions, etc. La question du suivi en aval est donc fondamentale. Il en va de même dans le domaine de la gériatrie.
M. René-Paul Savary, rapporteur. - Il convient d'éviter tout dogmatisme sur ce sujet tant les pratiques varient en fonction des lieux et des secteurs. Certains hôpitaux fonctionnent bien grâce à l'énergie de leur directeur, tandis que, dans d'autres établissements, il existe un fossé entre les équipes soignantes et leur direction. Dans certains services, le chef de service salue chacun par son prénom, dans d'autres il connaît à peine le nom de ses collaborateurs... Ainsi, si l'hôpital Avicenne, en Seine-Saint-Denis, est confronté à de nombreuses difficultés (la population accueillie étant particulièrement précaire, et parlant plus de 80 langues différentes), les moyens comme l'investissement des équipes sont à la hauteur : infrastructures d'accueil remarquables, disposition de moyens de biologie embarquée...On note une formidable dynamique grâce à l'implication de tous.
Le nouveau système d'organisation des soins articulé autour des ARS a été source de complications. Quand l'ARS, la CPAM et la direction de l'hôpital s'entendent, cela marche pourtant bien. L'ARS n'a pas accès à toutes les données, alors que la caisse primaire d'assurance maladie les possède... Il serait pourtant simple de rationaliser en assurant un dialogue minimal entre les différents décideurs.
Je n'ai pas de position pré-arrêtée quant aux formules d'accueil de soins à développer sur le terrain ; je pense simplement qu'il faut s'adapter aux besoins des territoires comme aux aspirations des professionnels. Beaucoup de médecins préfèrent un exercice salarié : tenons-en compte en développant les centres de santé. Les maisons de garde, quant à elles, ne fonctionnent pas partout L'essentiel est d'offrir le choix le plus large à la population. Comme on le dit souvent, la médecine à l'acte produit trop d'actes, la médecine salariée n'en produit pas assez ! L'idéal est de mêler les deux.
La gériatrie est un enjeu majeur. Alors que les Ehpad ont été conçus pour être les lieux d'accueil de la fin de vie, les derniers moments de la vie se passent souvent sur un brancard dans un service d'urgence. Ce n'est satisfaisant pour personne ! Il ne s'agit pas de médicaliser les Ehpad mais d'offrir la possibilité d'une prise en charge médicalisée entre leurs murs, par l'accès à l'hospitalisation à domicile ou aux soins palliatifs, dans le cadre d'une collaboration entre le médico-social et le sanitaire. A coût inchangé, on peut améliorer la prise en charge de la fin de vie.
Nos propositions sont simples ; elles ne requièrent pas de nouveaux moyens mais une volonté politique. Nous prônons ainsi la suppression du 116-117, inefficace. Tout cela part de constats pragmatiques : au début de notre mission, je défendais la fusion du 18 et du 15 ; au terme de nos travaux, je n'y suis pas favorable, car j'ai été convaincu que cela ne correspondrait pas aux besoins du terrain. En revanche, pourquoi ne pas encourager la collaboration entre les Samu, et avancer vers des Samu interdépartementaux ?
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - Je voudrais mettre l'accent aussi sur les difficultés de l'aval, qui recouvre de nombreux problèmes. Il est très important de disposer de services de gériatrie et de médecine générale ; et pour cela, de ne plus fermer de lits à l'hôpital, mais de remplacer les lits de chirurgie destinés à être fermés par des lits de médecine générale. Par ailleurs, que faire lorsque l'on reçoit un appel à 21 heures à propos d'une personne âgée, si l'on n'a pas accès à son dossier médical ? La télémédecine serait en outre une aide précieuse dans ce type de situation : voir la personne, même à distance, aide à faire un diagnostic. L'exigence qualitative doit nous guider : c'est la meilleure source d'économies !
M. Alain Milon, président. - Je n'ai pas pu assister au début de cette réunion car je rencontrais la ministre de la santé. Elle a abordé les sujets dont nous parlons. C'est une professionnelle de la santé, une praticienne qui a conscience des difficultés de la médecine. Elle entend lutter contre l'intérim, l'une des grandes erreurs de la loi HPST. Elle veut mettre en avant la reconnaissance de la qualité, au-delà de la logique de l'acte. Elle souhaite travailler avec le Parlement très en amont du PLFSS, dès la rentrée. J'ai l'impression qu'elle sera à l'écoute de nos propositions. J'ai rappelé que selon nous le seul patron en matière de politique de santé est celui qui a la légitimité, c'est-à-dire le ministre. Les ARS comme la Cnam doivent exécuter la politique définie par le Gouvernement et le Parlement.
La commission autorise la publication du rapport.