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Urgences 2010 - Discours du Président de SUdF & les autres discours

Publié le 03/06/2010
Tags : Exercice Pro Informations générales Document

Discours Marc GIROUD Président de Samu-Urgences de France / ministre Urgences 2010

Madame la Ministre,

Vous avez déjà fait beaucoup pour les malades relevant de soins d’urgence.
Plus, sans doute, qu’aucun autre ministre avant vous.

Vous avez , entre autres,

-          créé, avec la loi HPST, les conditions du succès des réseaux d’urgence et de la télémédecine ;

-          fait, à l’occasion de la pandémie, avancer l’organisation de la gestion des crises ;

-          géré avec une particulière attention les fêtes de la fin d’année tant redoutées ;

-          donné aux permanenciers l’espoir d’un véritable statut

-          mis en place l’ASIP Santé, formidable perspective de progrès pour nos systèmes d’information ;

-          créé le CNUH, instrument majeur que nous réclamions depuis des décennies.

Vous avez, aussi, été à nos côtés, avec une humanité chaleureuse et réconfortante, dans les douloureuses épreuves humaines que nous avons eu à vivre ces derniers mois.

Vous avez fait beaucoup…  mais il y a encore à faire.

Et comme les défis ne vous font pas peur, voici quelques pistes pour aller plus vite, plus haut, plus fort !

Certains estiment qu’il y aurait 10 000 morts évitables, chaque année, dans les hôpitaux français. Selon cette logique, dans les structures d’urgence, le nombre de morts évitables se situerait autour de 1 000 chaque année. Les mêmes recommandent que l’on applique dans les hôpitaux les principes sécuritaires de l’aéronautique (10 français « seulement », si l’on peut dire, meurent en moyenne chaque année d’un accident d’avion). Suivons donc cette piste et commençons par imaginer ce que serait la compagnie aérienne « Air Urgences » si elle fonctionnait avec les ressources habituellement allouées aux urgences.

Dans la compagnie « Air Urgences », de nombreux passagers feraient le vol debout dans les couloirs, faute d’un nombre suffisant de sièges, les hôtesses seraient naturellement débordées, le plein de carburant serait fait a minima, juste ce qu’il faut, les avions décolleraient et atterriraient par tout temps, sans qu’aucun vol ne soit jamais supprimé, par précaution, à cause, par exemple, d’un nuage volcanique, dans le cockpit, enfin, il n’y aurait jamais deux pilotes, mais, en règle, un seul pilote… Dans cette compagnie « Air Urgences », il y aurait même - dans les moments les plus tendus - un seul pilote pour 3 ou 4 avions !

C’est frappant, n’est-ce pas, c’est même difficilement compréhensible que, dans un même pays, les efforts soient distribués avec tant de différences : 200 euros par an pour la formation continue d’un médecin urgentiste ; 20 000 euros par an pour la formation d’un pilote. Alors que chacun comprend que les urgentistes ont un besoin spécifique de formation continue, du fait de l’extrême diversité de leur pratique. Et que, par ailleurs, ils n’ont pas - aussi facilement que d’autres - accès aux concours du secteur privé pharmaceutique pour financer leur formation.

Voici donc, Madame la Ministre, une première piste : la formation des urgentistes. Formation initiale par le DES à créer. Accès à la formation continue, avec une somme allouée qui ne se limite pas à 200 € par an. Développement des simulateurs de situations cliniques, dont on peut penser qu’ils pourraient apporter aux urgentistes ce que les simulateurs de vol apportent aux pilotes : la répétition de situations courantes pour en améliorer la pratique et le vécu, presque réel, de situations critiques rares.

Une seconde piste : l’attractivité de la médecine d’urgence.

La démographie ne s’annonce pas favorable ; à la décroissance quantitative du nombre de praticiens, s’ajoute leur désaffection progressive pour les situations à forte pénibilité. L’urgentiste subit, jour et nuit, la pression des patients qui souffrent et s’inquiètent… L’urgentiste subit, plus que d’autres, la pression de la surcharge de la structure. L’urgentiste subit aussi la pression des autres professionnels qui n’entendent pas partager le fardeau et développent, pour cela, toutes les stratégies. L’urgentiste se nourrit de l’ingratitude de l’institution pour qui l’action noble est ailleurs. L’urgentiste ne voit que trop rarement le patient prendre le temps de lui témoigner sa reconnaissance. Il entend, en revanche, très souvent, hélas, des plaintes que le patient devrait adresser à d’autres !

Vous en conviendrez, ce n’est pas un tableau très attractif pour nos jeunes.

Vivre une pratique professionnelle épanouie, reconnue, respectée est une légitime aspiration. Pour que l’urgentiste puisse vivre de façon toujours plus positive la médecine d’urgence, il faut recentrer sa pratique sur son métier qui est, précisément, la médecine d’urgence et confier à d’autres la gestion des lits de l’hôpital (en créant au besoin, les métiers d’auxiliaires de gestion nécessaires). Il faut associer des généralistes au fonctionnement des structures d’urgence (comme cela se fait dans les centres de régulation médicale). Il faut, je le soulignais à l’instant, garantir à l’urgentiste un réel accès à la formation continue qui est, pour lui, la nourriture la plus motivante.

Une telle perspective est sans doute utopique, mais c’est une utopie créatrice et peut-être même une utopie nécessaire !

Voyez-vous, Madame la Ministre, c’est un véritable changement de paradigme que
Samu-Urgences de France entend promouvoir : la médecine d’urgence doit cesser d’être la solution par défaut de toutes les insuffisances de l’organisation de la santé. Elle doit, comme les autres spécialités, devenir une pratique médicale avec ses règles affirmées et respectées.

Il y aurait encore bien d’autres pistes, Madame la Ministre : les financements des soins (qui peuvent favoriser ou non la prise en charge des patients en urgence) ; la mise en place des ARS qui nous plonge dans des abîmes de perplexité ; le projet Ile de Nantes, dans votre région, qui menace de séparer le Samu des autres composantes de l’urgence, comme cela vient de se faire à Strasbourg, la mise en place de l’hélicoptère de la sécurité civile de Boulogne/mer, pour lequel on voudrait envoyer les médecins du Smur à la caserne et les couper de leur hôpital…

Nous verrons tout cela avec vos conseillers et vos services (dont je vous remercie ici publiquement de la disponibilité, Jean-Patrick Sales, Céline Vigné, Annie Podeur, Didier Houssin) ; je retiens pour vous, Madame le Ministre, deux pistes pour cette année ; deux pistes seulement, mais deux pistes essentielles, vitales même pour la médecine d’urgence… et pour les patients qui s’y confient :

-          l’attractivité des métiers de l’urgence ;

-          la formation à la médecine d’urgence.

 

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