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Urgences 2012 - Discours de Marisol Touraine, Ministre de la Santé
Monsieur le président de la Société Française de Médecine d’Urgence (Jeannot Schmidt)
Monsieur le président de SAMU urgences de France (Marc Giroud)
Monsieur le président du Conseil National de l’Urgence Hospitalière (Pierre Carli)
Madame la présidente du comité d’organisation ‘Charlotte Chollet)
Monsieur le président du collège français de la médecine d’urgence (Jean-Louis Ducassé)
Monsieur le président de l’association nationale des centres d’enseignement des soins d’urgence (Bernard Nemitz)
Monsieur le président de l’association des médecins urgentistes de France (Patrick Pelloux)
Je veux vous remercier de votre invitation à ce congrès Urgences 2012, qui réunit par milliers l’ensemble des acteurs de la médecine d’urgence.
Je profite de votre invitation pour vous saluer, vous, les professionnels de l’urgence, les médecins, mais aussi les infirmiers, les ambulanciers, les assistants de régulation médicale dans les SAMU. Vous qui faites vivre notre médecine d’urgence et qui, chaque jour, sauvez des vies. Vous, qui faites la fierté de notre service public de santé et en qui nos concitoyens ont placé leur confiance pour les accompagner dans les situations les plus douloureuses. Vous, qui prenez des risques pour accomplir la belle mission qui est la vôtre et portez haut les valeurs du service public. Je formule d’ailleurs le souhait, qu’à l’avenir, soit honorée dignement la mémoire de celles et ceux qui ont perdu la vie dans l’accomplissement de cette mission. J’ai à l’esprit la récente et tragique disparition d’un médecin urgentiste et d’un infirmier à Fort de France.
Je suis venue vous dire à la fois le respect et l’admiration de la communauté nationale à votre égard. Et pourtant, vous avez été, et à travers vous le service public de la santé, la cible de très nombreuses attaques ces dernières années. Et derrière chacune d’elle se dissimulait un renoncement. Renoncement à considérer la médecine d’urgence comme un service public à part entière. Renoncement à ce qui fait votre socle de valeurs au nom de l’application uniforme de la contrainte financière. Renoncement à votre identité en organisant une concurrence malsaine avec les autres acteurs de la santé. Ce grand service public et bien je veux lui redonner toute sa place, sa juste place.
L’urgence hospitalière, à travers toutes ses composantes - les services d’urgence à l’hôpital, mais aussi les SMUR et les SAMU-Centres 15 - qu’elle soit assumée par des établissements publics ou privés, incarne les valeurs du service public. La solidarité et la qualité, pour permettre à tous de bénéficier de l’excellence sanitaire française. L’égalité d’accès : en France, personne n’a à présenter sa carte d’identité, sa carte bleue ou son contrat d’assurance avant d’être pris en charge en urgence. La continuité et la permanence des soins. Et enfin, l’adaptabilité pour répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain : crises sanitaires, efficience, nouvelles technologies, coopération interhospitalière, mais également avec la médecine de ville et le secteur médico-social.
Je veux profiter de l’invitation que vous m’avez faite pour vous présenter dès aujourd’hui les premières grandes orientations que je défendrai pour l’urgence hospitalière, ainsi que la méthode de travail que je vous propose.
1/ Il s’agira tout d’abord de mettre en œuvre un engagement que le président a pris devant tous les Français au cours de la campagne : la fixation d’un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence. C’est la garantie territoriale d’un accès aux soins pour tous. Le service public se doit d’être accessible à tous, sur tout le territoire.
Trois principes guideront ici mon action : la qualité avant tout, la concertation et le pragmatisme dans le choix des solutions.
D’abord, la qualité.
L’aide médicale d’urgence est une spécificité de notre système de santé. En s’engageant sur l’accès à des soins urgents, le président de la République a souhaité réaffirmer cette identité. Nombreux sont les pays émergents qui viennent s’inspirer de notre modèle, à l’instar de la Chine ou du Brésil.
Cette qualité de notre médecine d’urgence s’apprécie au nombre de vies sauvées, ou encore aux rétablissements rapides qui interviennent après de forts traumatismes. La régulation médicale au sein des SAMU permet de disposer d’un avis médical au plus tôt de la prise en charge du patient et d’apporter la réponse adéquate, rapide et efficace, en fonction des moyens disponibles. La possibilité de recourir au SMUR et donc d’avoir des médecins, souvent dès les premières minutes sur le terrain est également un gage de qualité et d’orientation rapide vers la prise en charge technique la plus performante. Pour tenir l’engagement pris par le président de la République d’un accès aux soins d’urgence en moins de trente minutes sur l’ensemble du territoire, nous devrons donc nous appuyer sur cette organisation de l’aide médicale urgente.
Le second principe, c’est la concertation à toutes les étapes de la mise en œuvre.
Je souhaite que les solutions qui seront mises en place aient été élaborées avec vous, les professionnels de l’urgence, afin que nous puissions en tester la qualité et la faisabilité. Mais la concertation devra s’élargir également aux élus locaux. En effet, ce sont eux, notamment les élus des zones rurales, qui ont été les porte voix des préoccupations de nos concitoyens pendant la campagne que nous venons de vivre. Lors des nombreux déplacements que j’ai effectués ces derniers mois, pas un seul ne s’est déroulé sans que je sois interpelée sur cette importante question. C’est pourquoi je veux que les dispositifs d’accès aux soins d’urgence que nous aurons à créer soient construits à l’aune d’une discussion avec les représentants élus des territoires.
Troisième et dernier principe, le pragmatisme dans l’établissement des solutions. Pour dire les choses clairement : nous ne couvrirons pas tous les villages français de services d’urgence. Cela pour plusieurs raisons : lexigence de qualité, le nombre insuffisant de professionnels pour couvrir les besoins et la responsabilité qui est la nôtre dans l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Les réponses que nous pouvons apporter sont multiples : SMUR terrestres, SMUR héliportés, antenne de SMUR, médecins correspondants de SAMU ou toute autre solution nouvelle, en lien avec le SAMU, qui permette de prodiguer des soins urgents de qualité. Nous avons un devoir pour répondre ensemble à cet engagement du président de la République : l’inventivité ! La concertation nous permettra de tester ces différents dispositifs et de les valider à l’échelon national. Mais c’est bien au niveau local que les solutions devront être identifiées et mises en œuvre, sous le pilotage des ARS, en lien, d’une part, avec les élus et, d’autre part, avec les professionnels de santé.
Concernant le calendrier, je souhaite que l’année 2012 soit consacrée à l’analyse des besoins, à la concertation et à l’élaboration des solutions. Dès le début de l’année 2013, les ARS piloteront la mise en œuvre de cet engagement sur le terrain. Les premières implantations interviendront dans la foulée, avec pour objectif que l’ensemble du dispositif soit opérationnel en 2015.
Elément important, et attendu par les Français, de la nouvelle politique que j’entends conduire, cet engagement sur l’accès aux soins d’urgence ne réglera pas pour autant tous les problèmes.
2/ C’est pourquoi je veux maintenant évoquer avec vous la question de l’engorgement des urgences.
Personne ici n’ignore les problèmes d’engorgement que rencontrent les services d’urgence. Nous avons tous en mémoire le récit d’un collègue, d’un voisin ou d’un ami sur son passage aux urgences avec, pour chacun, la description souvent exagérée de temps d’attente qui paraissent toujours trop longs. Dans ces moments de souffrance et d’inquiétude, pardonnons à nos concitoyens leur manque de patience. Il ne doit pas être rare à cette occasion, et vous le savez mieux que quiconque, que leurs mots dépassent leurs pensées. Cet engorgement, s’il se constate à l’entrée dans le dispositif de prise en charge, est également présent, et peut-être de manière plus dérangeante encore parce que plus inattendue, à la sortie des urgences. Quand, lors de mes visites de certains services, je vois que des patients restent sur des brancards, dans les couloirs, de longues heures durant, voire des journées entières, je vous le dis, je trouve cela choquant. Et je sais que vous partagez mon avis. Quand ces patients sont de surcroît des personnes âgées pour lesquelles nous ne trouvons pas de structure pouvant les prendre en charge de manière adaptée à un coût raisonnable, je pense qu’il y a une forme d’indignité à les traiter ainsi. Nous devons mettre un terme à cette situation.
Ce débat est souvent vif et n’échappe pas à l’illusion de solutions simplistes. Combien de fois ai-je entendu des responsables politiques plein d’assurance affirmer qu’« il suffirait de faire cela… », ou qu’« il n’y aurait qu’à intervenir ici… » pour régler définitivement cette épineuse question de l’accueil aux urgences. Je souhaite là encore me donner le temps d’évaluer précisément la situation et de dégager des solutions négociées avec l’ensemble des parties prenantes. Le seul objectif que nous devons collectivement nous fixer est la qualité du parcours du patient. Chaque acteur de la chaîne de soins doit être à sa juste place, en complémentarité des autres intervenants et non en concurrence comme cela a pu être le cas par le passé.
Pour moi, l’objectif fixé est clair : faire en sorte, qu’à terme, plus aucun patient n’arrive dans un service d’urgence en substitution d’une visite chez son médecin traitant. Evidemment, quand se présentent des patients qui ne relèvent pas des services d’urgence, il faut les prendre en charge et trouver des solutions d’organisation pour les traiter, en coordination avec la médecine de ville qui doit pleinement y prendre sa part. La maison médicale de garde peut dans certains cas constituer une solution.
Traiter la question de l’engorgement des urgences, c’est d’abord agir en amont de l’arrivée à l’hôpital. En commençant par réformer en profondeur l’organisation des soins de premier recours par un renforcement de l’exercice regroupé. En effet, lorsque les médecins se regroupent, ils sont davantage en capacité de pouvoir s’organiser pour répondre dans la journée à une demande de soins non-programmée, notamment dans les périodes de crise épidémique. Dans ce cadre, la continuité des soins est, elle aussi, mieux assurée. Les objectifs que le président a fixés sur les soins de proximité sont ambitieux et dépassent l’objet de mon intervention aujourd’hui. Nous devons également travailler avec les structures médico-sociales sur le sujet des personnes âgées, afin que leur admission dans un service d’urgence soit limitée au strict nécessaire. Une meilleure communication sur l’appel au 15 avant tout passage nous y aidera. Cela implique d’accélérer la modernisation technologique de nos SAMU, afin qu’ils puissent être en capacité de répondre à cet afflux de demandes.
Nous agirons aussi en aval du service d’urgence pour ne plus voir des personnes hospitalisées sur des lits-brancards dans les couloirs des services. Nous manquons, vous le savez, de places pour les personnes âgées dépendantes. Des réformes de long terme devront être engagées pour mettre en place les structures les mieux adaptées à ce nouvel enjeu. Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher d’agir à court terme, en réorganisant en interne l’hôpital pour mieux mobiliser les lits nécessaires aux patients venant des services d’urgence.
3/ Je veux profiter de cette rencontre pour poser les principes que je défendrai concernant un enjeu essentiel, celui du financement des urgences.
Je sais que la direction générale de l’offre de soins travaille actuellement avec certains de vos représentants sur le sujet du financement des SAMU, des SMUR et des services d’urgence dans le cadre d’un groupe technique.
Les premiers constats sont partagés et ont permis d’identifier certaines limites de la T2A. Le modèle doit donc évoluer pour mieux tenir compte de vos missions. Quatre principes doivent être retenus pour conduire une réforme juste et efficace.
Premier principe : il faut que les financements soient lisibles et compréhensibles.
Deuxième principe : les spécificités des missions de service public assumées par les services d’urgence doivent davantage être prises en compte.
Troisième principe : les règles doivent être équitables et inciter à la qualité des soins.
Quatrième et dernier principe : les nouvelles règles de financement des urgences doivent redonner de la sérénité aux acteurs et ne plus les opposer les uns aux autres.
Ces principes guideront la réforme globale du financement de l’hôpital que nous engagerons à partir du PLFSS 2013.
4/ Enfin, je veux terminer mon propos en évoquant le pacte de confiance que j’établirai avec l’ensemble des personnels du monde hospitalier, et en particulier avec les professionnels du monde de l’urgence.
Vous incarnez de la plus belle manière les valeurs du service public dans les missions que vous accomplissez au quotidien auprès de nos concitoyens. Durement frappés par la crise économique et sociale que nous traversons, beaucoup d’entre eux ont renoncé à se soigner et attendent le dernier moment pour finalement se rendre aux urgences. Face à leur détresse à la fois sanitaire et sociale, vous êtes en première ligne, à leurs côtés pour les accompagner. Je veux ici très sincèrement vous remercier de faire face et de n’avoir jamais manqué à l’appel pour soulager les plus vulnérables d’entre nous.
Je n’ignore rien des difficultés que vous rencontrez chaque jour dans votre travail, ni de la pression constante qui pèse sur vos épaules. Elle peut se manifester, dans les situations les plus graves, par des actes de violence inadmissibles à l’encontre des personnels. Cette tension permanente vous donne parfois le sentiment de ne plus être reconnus ou considérés à la mesure de l’engagement qui est le vôtre. Nous devrons promouvoir les fonctions que vous occupez et valoriser votre outil de travail.
Le dialogue avec nos partenaires est au cœur de notre conception de la démocratie sociale. Il doit retrouver la place qu’il n’aurait pas du perdre. Je m’engage donc à rencontrer prochainement vos représentants, dont une grande partie est réunie ici. Les discussions devront s’établir à la fois de manière bilatérale, mais aussi en réunissant, chaque fois que cela sera possible, les représentants de l’ensemble des personnels.
Nous aurons notamment à travailler sur les métiers et les qualifications de sorte que des perspectives nouvelles soient offertes à celles et ceux souhaitant évoluer sur le plan professionnel. Le métier d’urgentiste est récent. Il doit très certainement évoluer, s’ouvrir davantage et permettre ainsi une meilleure diversité des parcours professionnels. Mais les autres métiers de l’urgence doivent aussi continuer à se professionnaliser, et la promotion interne sera un puissant levier de mobilisation. Je n’en dis pas plus à ce stade. Mais j’aurai bientôt l’occasion d’expliquer plus précisément l’organisation que je souhaite mettre en place pour parvenir à renouveler ce pacte social.
Voilà, monsieur le Président de la Société Française de Médecine d’Urgence, les premières orientations concernant les urgences que je souhaitais exposer devant vous. Vous l’aurez compris, les urgences sont au cœur des priorités de notre gouvernement en matière de santé. Je compte sur vous, sur ceux que vous appelez dans votre dernier édito, monsieur le président, les « artistes de la médecine d’urgence », je compte sur votre sens de la responsabilité pour que nous puissions, ensemble, faire évoluer le système et mieux articuler vos actions avec celles des autres acteurs. Avec un objectif commun, qui fait la fierté de notre service public, et dont je sais que nous le partageons : l’amélioration du parcours des patients.
Je vous remercie.
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Monsieur le président de SAMU urgences de France (Marc Giroud)
Monsieur le président du Conseil National de l’Urgence Hospitalière (Pierre Carli)
Madame la présidente du comité d’organisation ‘Charlotte Chollet)
Monsieur le président du collège français de la médecine d’urgence (Jean-Louis Ducassé)
Monsieur le président de l’association nationale des centres d’enseignement des soins d’urgence (Bernard Nemitz)
Monsieur le président de l’association des médecins urgentistes de France (Patrick Pelloux)
Je veux vous remercier de votre invitation à ce congrès Urgences 2012, qui réunit par milliers l’ensemble des acteurs de la médecine d’urgence.
Je profite de votre invitation pour vous saluer, vous, les professionnels de l’urgence, les médecins, mais aussi les infirmiers, les ambulanciers, les assistants de régulation médicale dans les SAMU. Vous qui faites vivre notre médecine d’urgence et qui, chaque jour, sauvez des vies. Vous, qui faites la fierté de notre service public de santé et en qui nos concitoyens ont placé leur confiance pour les accompagner dans les situations les plus douloureuses. Vous, qui prenez des risques pour accomplir la belle mission qui est la vôtre et portez haut les valeurs du service public. Je formule d’ailleurs le souhait, qu’à l’avenir, soit honorée dignement la mémoire de celles et ceux qui ont perdu la vie dans l’accomplissement de cette mission. J’ai à l’esprit la récente et tragique disparition d’un médecin urgentiste et d’un infirmier à Fort de France.
Je suis venue vous dire à la fois le respect et l’admiration de la communauté nationale à votre égard. Et pourtant, vous avez été, et à travers vous le service public de la santé, la cible de très nombreuses attaques ces dernières années. Et derrière chacune d’elle se dissimulait un renoncement. Renoncement à considérer la médecine d’urgence comme un service public à part entière. Renoncement à ce qui fait votre socle de valeurs au nom de l’application uniforme de la contrainte financière. Renoncement à votre identité en organisant une concurrence malsaine avec les autres acteurs de la santé. Ce grand service public et bien je veux lui redonner toute sa place, sa juste place.
L’urgence hospitalière, à travers toutes ses composantes - les services d’urgence à l’hôpital, mais aussi les SMUR et les SAMU-Centres 15 - qu’elle soit assumée par des établissements publics ou privés, incarne les valeurs du service public. La solidarité et la qualité, pour permettre à tous de bénéficier de l’excellence sanitaire française. L’égalité d’accès : en France, personne n’a à présenter sa carte d’identité, sa carte bleue ou son contrat d’assurance avant d’être pris en charge en urgence. La continuité et la permanence des soins. Et enfin, l’adaptabilité pour répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain : crises sanitaires, efficience, nouvelles technologies, coopération interhospitalière, mais également avec la médecine de ville et le secteur médico-social.
Je veux profiter de l’invitation que vous m’avez faite pour vous présenter dès aujourd’hui les premières grandes orientations que je défendrai pour l’urgence hospitalière, ainsi que la méthode de travail que je vous propose.
1/ Il s’agira tout d’abord de mettre en œuvre un engagement que le président a pris devant tous les Français au cours de la campagne : la fixation d’un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence. C’est la garantie territoriale d’un accès aux soins pour tous. Le service public se doit d’être accessible à tous, sur tout le territoire.
Trois principes guideront ici mon action : la qualité avant tout, la concertation et le pragmatisme dans le choix des solutions.
D’abord, la qualité.
L’aide médicale d’urgence est une spécificité de notre système de santé. En s’engageant sur l’accès à des soins urgents, le président de la République a souhaité réaffirmer cette identité. Nombreux sont les pays émergents qui viennent s’inspirer de notre modèle, à l’instar de la Chine ou du Brésil.
Cette qualité de notre médecine d’urgence s’apprécie au nombre de vies sauvées, ou encore aux rétablissements rapides qui interviennent après de forts traumatismes. La régulation médicale au sein des SAMU permet de disposer d’un avis médical au plus tôt de la prise en charge du patient et d’apporter la réponse adéquate, rapide et efficace, en fonction des moyens disponibles. La possibilité de recourir au SMUR et donc d’avoir des médecins, souvent dès les premières minutes sur le terrain est également un gage de qualité et d’orientation rapide vers la prise en charge technique la plus performante. Pour tenir l’engagement pris par le président de la République d’un accès aux soins d’urgence en moins de trente minutes sur l’ensemble du territoire, nous devrons donc nous appuyer sur cette organisation de l’aide médicale urgente.
Le second principe, c’est la concertation à toutes les étapes de la mise en œuvre.
Je souhaite que les solutions qui seront mises en place aient été élaborées avec vous, les professionnels de l’urgence, afin que nous puissions en tester la qualité et la faisabilité. Mais la concertation devra s’élargir également aux élus locaux. En effet, ce sont eux, notamment les élus des zones rurales, qui ont été les porte voix des préoccupations de nos concitoyens pendant la campagne que nous venons de vivre. Lors des nombreux déplacements que j’ai effectués ces derniers mois, pas un seul ne s’est déroulé sans que je sois interpelée sur cette importante question. C’est pourquoi je veux que les dispositifs d’accès aux soins d’urgence que nous aurons à créer soient construits à l’aune d’une discussion avec les représentants élus des territoires.
Troisième et dernier principe, le pragmatisme dans l’établissement des solutions. Pour dire les choses clairement : nous ne couvrirons pas tous les villages français de services d’urgence. Cela pour plusieurs raisons : lexigence de qualité, le nombre insuffisant de professionnels pour couvrir les besoins et la responsabilité qui est la nôtre dans l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Les réponses que nous pouvons apporter sont multiples : SMUR terrestres, SMUR héliportés, antenne de SMUR, médecins correspondants de SAMU ou toute autre solution nouvelle, en lien avec le SAMU, qui permette de prodiguer des soins urgents de qualité. Nous avons un devoir pour répondre ensemble à cet engagement du président de la République : l’inventivité ! La concertation nous permettra de tester ces différents dispositifs et de les valider à l’échelon national. Mais c’est bien au niveau local que les solutions devront être identifiées et mises en œuvre, sous le pilotage des ARS, en lien, d’une part, avec les élus et, d’autre part, avec les professionnels de santé.
Concernant le calendrier, je souhaite que l’année 2012 soit consacrée à l’analyse des besoins, à la concertation et à l’élaboration des solutions. Dès le début de l’année 2013, les ARS piloteront la mise en œuvre de cet engagement sur le terrain. Les premières implantations interviendront dans la foulée, avec pour objectif que l’ensemble du dispositif soit opérationnel en 2015.
Elément important, et attendu par les Français, de la nouvelle politique que j’entends conduire, cet engagement sur l’accès aux soins d’urgence ne réglera pas pour autant tous les problèmes.
2/ C’est pourquoi je veux maintenant évoquer avec vous la question de l’engorgement des urgences.
Personne ici n’ignore les problèmes d’engorgement que rencontrent les services d’urgence. Nous avons tous en mémoire le récit d’un collègue, d’un voisin ou d’un ami sur son passage aux urgences avec, pour chacun, la description souvent exagérée de temps d’attente qui paraissent toujours trop longs. Dans ces moments de souffrance et d’inquiétude, pardonnons à nos concitoyens leur manque de patience. Il ne doit pas être rare à cette occasion, et vous le savez mieux que quiconque, que leurs mots dépassent leurs pensées. Cet engorgement, s’il se constate à l’entrée dans le dispositif de prise en charge, est également présent, et peut-être de manière plus dérangeante encore parce que plus inattendue, à la sortie des urgences. Quand, lors de mes visites de certains services, je vois que des patients restent sur des brancards, dans les couloirs, de longues heures durant, voire des journées entières, je vous le dis, je trouve cela choquant. Et je sais que vous partagez mon avis. Quand ces patients sont de surcroît des personnes âgées pour lesquelles nous ne trouvons pas de structure pouvant les prendre en charge de manière adaptée à un coût raisonnable, je pense qu’il y a une forme d’indignité à les traiter ainsi. Nous devons mettre un terme à cette situation.
Ce débat est souvent vif et n’échappe pas à l’illusion de solutions simplistes. Combien de fois ai-je entendu des responsables politiques plein d’assurance affirmer qu’« il suffirait de faire cela… », ou qu’« il n’y aurait qu’à intervenir ici… » pour régler définitivement cette épineuse question de l’accueil aux urgences. Je souhaite là encore me donner le temps d’évaluer précisément la situation et de dégager des solutions négociées avec l’ensemble des parties prenantes. Le seul objectif que nous devons collectivement nous fixer est la qualité du parcours du patient. Chaque acteur de la chaîne de soins doit être à sa juste place, en complémentarité des autres intervenants et non en concurrence comme cela a pu être le cas par le passé.
Pour moi, l’objectif fixé est clair : faire en sorte, qu’à terme, plus aucun patient n’arrive dans un service d’urgence en substitution d’une visite chez son médecin traitant. Evidemment, quand se présentent des patients qui ne relèvent pas des services d’urgence, il faut les prendre en charge et trouver des solutions d’organisation pour les traiter, en coordination avec la médecine de ville qui doit pleinement y prendre sa part. La maison médicale de garde peut dans certains cas constituer une solution.
Traiter la question de l’engorgement des urgences, c’est d’abord agir en amont de l’arrivée à l’hôpital. En commençant par réformer en profondeur l’organisation des soins de premier recours par un renforcement de l’exercice regroupé. En effet, lorsque les médecins se regroupent, ils sont davantage en capacité de pouvoir s’organiser pour répondre dans la journée à une demande de soins non-programmée, notamment dans les périodes de crise épidémique. Dans ce cadre, la continuité des soins est, elle aussi, mieux assurée. Les objectifs que le président a fixés sur les soins de proximité sont ambitieux et dépassent l’objet de mon intervention aujourd’hui. Nous devons également travailler avec les structures médico-sociales sur le sujet des personnes âgées, afin que leur admission dans un service d’urgence soit limitée au strict nécessaire. Une meilleure communication sur l’appel au 15 avant tout passage nous y aidera. Cela implique d’accélérer la modernisation technologique de nos SAMU, afin qu’ils puissent être en capacité de répondre à cet afflux de demandes.
Nous agirons aussi en aval du service d’urgence pour ne plus voir des personnes hospitalisées sur des lits-brancards dans les couloirs des services. Nous manquons, vous le savez, de places pour les personnes âgées dépendantes. Des réformes de long terme devront être engagées pour mettre en place les structures les mieux adaptées à ce nouvel enjeu. Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher d’agir à court terme, en réorganisant en interne l’hôpital pour mieux mobiliser les lits nécessaires aux patients venant des services d’urgence.
3/ Je veux profiter de cette rencontre pour poser les principes que je défendrai concernant un enjeu essentiel, celui du financement des urgences.
Je sais que la direction générale de l’offre de soins travaille actuellement avec certains de vos représentants sur le sujet du financement des SAMU, des SMUR et des services d’urgence dans le cadre d’un groupe technique.
Les premiers constats sont partagés et ont permis d’identifier certaines limites de la T2A. Le modèle doit donc évoluer pour mieux tenir compte de vos missions. Quatre principes doivent être retenus pour conduire une réforme juste et efficace.
Premier principe : il faut que les financements soient lisibles et compréhensibles.
Deuxième principe : les spécificités des missions de service public assumées par les services d’urgence doivent davantage être prises en compte.
Troisième principe : les règles doivent être équitables et inciter à la qualité des soins.
Quatrième et dernier principe : les nouvelles règles de financement des urgences doivent redonner de la sérénité aux acteurs et ne plus les opposer les uns aux autres.
Ces principes guideront la réforme globale du financement de l’hôpital que nous engagerons à partir du PLFSS 2013.
4/ Enfin, je veux terminer mon propos en évoquant le pacte de confiance que j’établirai avec l’ensemble des personnels du monde hospitalier, et en particulier avec les professionnels du monde de l’urgence.
Vous incarnez de la plus belle manière les valeurs du service public dans les missions que vous accomplissez au quotidien auprès de nos concitoyens. Durement frappés par la crise économique et sociale que nous traversons, beaucoup d’entre eux ont renoncé à se soigner et attendent le dernier moment pour finalement se rendre aux urgences. Face à leur détresse à la fois sanitaire et sociale, vous êtes en première ligne, à leurs côtés pour les accompagner. Je veux ici très sincèrement vous remercier de faire face et de n’avoir jamais manqué à l’appel pour soulager les plus vulnérables d’entre nous.
Je n’ignore rien des difficultés que vous rencontrez chaque jour dans votre travail, ni de la pression constante qui pèse sur vos épaules. Elle peut se manifester, dans les situations les plus graves, par des actes de violence inadmissibles à l’encontre des personnels. Cette tension permanente vous donne parfois le sentiment de ne plus être reconnus ou considérés à la mesure de l’engagement qui est le vôtre. Nous devrons promouvoir les fonctions que vous occupez et valoriser votre outil de travail.
Le dialogue avec nos partenaires est au cœur de notre conception de la démocratie sociale. Il doit retrouver la place qu’il n’aurait pas du perdre. Je m’engage donc à rencontrer prochainement vos représentants, dont une grande partie est réunie ici. Les discussions devront s’établir à la fois de manière bilatérale, mais aussi en réunissant, chaque fois que cela sera possible, les représentants de l’ensemble des personnels.
Nous aurons notamment à travailler sur les métiers et les qualifications de sorte que des perspectives nouvelles soient offertes à celles et ceux souhaitant évoluer sur le plan professionnel. Le métier d’urgentiste est récent. Il doit très certainement évoluer, s’ouvrir davantage et permettre ainsi une meilleure diversité des parcours professionnels. Mais les autres métiers de l’urgence doivent aussi continuer à se professionnaliser, et la promotion interne sera un puissant levier de mobilisation. Je n’en dis pas plus à ce stade. Mais j’aurai bientôt l’occasion d’expliquer plus précisément l’organisation que je souhaite mettre en place pour parvenir à renouveler ce pacte social.
Voilà, monsieur le Président de la Société Française de Médecine d’Urgence, les premières orientations concernant les urgences que je souhaitais exposer devant vous. Vous l’aurez compris, les urgences sont au cœur des priorités de notre gouvernement en matière de santé. Je compte sur vous, sur ceux que vous appelez dans votre dernier édito, monsieur le président, les « artistes de la médecine d’urgence », je compte sur votre sens de la responsabilité pour que nous puissions, ensemble, faire évoluer le système et mieux articuler vos actions avec celles des autres acteurs. Avec un objectif commun, qui fait la fierté de notre service public, et dont je sais que nous le partageons : l’amélioration du parcours des patients.
Je vous remercie.