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Vivre autrement la médecine d'urgence
Vivre autrement
la Médecine d’Urgence
analyse et prospective :
vers un changement de paradigme
Docteur Marc GIROUD, Président de Samu-Urgences de France
Les dix prochaines années seront celles des agences régionales de santé (ARS) dont l’une des actions majeures sera la mise en place d’une coordination beaucoup plus étroite qu’aujourd’hui entre la médecine de ville et l’hôpital pour la prise en charge des urgences et de la permanence des soins.
Un constat : la situation actuelle en France.
Un recours croissant aux structures d’urgence. En 2008 (source DRESS – SAE), 14 millions de patients ont eu recours à un service d’urgences, les centres de régulation médicale des Samu ont traité 11 millions de demandes et les Smur sont intervenus 700 000 fois auprès d’autant de patients…
Ces « urgences » représentent des situations très diverses allant des urgences vitales à des pathologies relevant de la permanence des soins et de la médecine générale. La prise en charge des personnes âgées, qui représentent 10% des patients en service d’urgence, nécessite une mobilisation de plus en plus importante des ressources hospitalières.
Les modalités et la qualité des prises en charges en urgence a considérablement évolué ces dernières années, améliorant d’autant la qualité du service rendu. La naissance d’un exercice médical spécifique, demain spécialité médicale reconnue a permis une séniorisation et une uniformisation des prises en charges, fondée sur les progrès de la médecine et de la meilleure organisation des structures.
Cette amélioration a été bien ressentie par le public qui, à 91%, accorde sa confiance aux structures d’urgence (Enquête Sofres, Société Française de Médecine d’Urgence, Samu de France – 2008).
Conscients de leurs responsabilités, les urgentistes ont rapidement reconnu la nécessité d’un maillage territorial des Smur et des Urgences, garant d’une réponse de qualité et de proximité, et d’un renforcement de la régulation médicale des Samu, incluant côte à côte médecins urgentistes et médecins généralistes pour offrir le juste soin à chaque patient.
Mais d’indéniables difficultés.
En amont des structures d’urgence, la permanence des soins (PDS) apparaît de plus en plus déstructurée et le recours au « médecin de garde » de plus en plus difficile, particulièrement en « nuit profonde », entre minuit et 7h le matin. La démographie médicale est une des explications de cette difficulté, mais il faut aussi, et surtout, relever la désaffection croissante des médecins généraliste pour cette activité de « garde ».
En aval, la restructuration et la concentration de l’offre de soins, génératrice de diminution du nombre de lits, accentue les difficultés rencontrées par les urgentistes pour hospitaliser les patients. La tarification à l’activité (T2A) contribue également à ces difficultés, les patients « non rentables » trouvant difficilement un lieu d’hébergement.
Si l’organisation en filières (syndrome coronarien aigu, accident vasculaire cérébral, traumatisé grave …) améliore de façon indéniable la qualité de prise en charge des patients, pour les patients – nombreux - ne relevant pas de ces filières leur prise en charge est paradoxalement plus difficile.
Les ressources, enfin, certes croissantes, restent encore insuffisantes et/ou mal optimisées : la mutualisation des équipes au sein même des structures d’urgence a été largement réalisée par les urgentistes mais ne permet pas, contrairement aux excessives attentes des tutelles, de régler tous les problèmes. Certains services, éloignés, isolés, souffrent d’un manque chronique de professionnels : la charge de travail, rapidement insupportable, entraine la désaffection de ces postes et accentue le déficit créant un véritable cercle vicieux.
Les problématiques avec lesquelles il faudra vivre et agir
La démographie médicale cause de réelles inquiétudes, d’autant qu’à la décroissance quantitative s’ajoute une désaffection croissante pour les situations les plus contraignantes. Si bien que l’attractivité des métiers de l’urgence devient une préoccupation majeure. Nous avons, à cet égard, fait valider par le Conseil National de l’Urgence Hospitalière (CNUH) le projet d’une étude nationale, prospective, sur les métiers de l’urgence. Cette préoccupation renforce la pertinence de l’objectif d’un recentrage des urgentistes vers leur « cœur de métier », les urgences « lourdes ».
La nécessité de limiter, et peut-être même de réduire les dépenses de santé sera une contrainte déterminante de la restructuration engagée.
La croissance de la demande du public, à la fois quantitative mais surtout qualitative, jointe à la contrainte économique forcera les plus réticents à pratiquer des restructurations en profondeur. Les regroupements apparaîtront vite à tous comme la seule possibilité de maintenir, voire d’améliorer à coût constant, la qualité du service rendu au patient. Encore faudra-t-il que ces regroupements soient effectués intelligemment …… ce qui suppose la participation active des professionnels de terrain.
L’évolution des technologies de la communication devrait contribuer à sécuriser ces regroupements en facilitant les liens entre les professionnels et entre les professionnels et les patients. La loi HPST fait une bonne place à la télémédecine qui, bien utilisée, peut faciliter le fonctionnement des réseaux et permettre, par exemple, le maintien à domicile de patients relativement sévères dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Dans la même logique, le développement du dossier médical personnel (DMP) représentera un important facteur d’amélioration de la qualité et de la sécurité en urgence et un lien entre les professionnels (d’où l’importance d’un accès de l’urgentiste au DMP dès l’appel au 15). L’impact du DMP sera tel qu’il pourrait peu à peu transformer la nature même des relations entre les acteurs.
Ces forces induiront, nous pouvons en être certains, une évolution des métiers de la santé dans leur rapport à l’urgence et une évolution des métiers de l’urgence eux-mêmes.
« Air Urgences »
L’année dernière, Philippe Juvin alerte les médias sur, selon lui, les 10 000 morts hospitalières évitables, hors affections nosocomiales. Il se fonde sur une étude documentée aux Etats Unis, et en applique les résultats à la France, ce qui aboutit à cette déclaration alarmante. Il fait alors un parallèle avec la sécurité aéronautique : suivons cette piste en imaginant ce que serait la compagnie « Air Urgences » !
Sécurité Hospitalière |
Sécurité aéronautique |
- 1 seul défibrillateur par ambulance - 200 € / an de formation pour un urgentiste |
- instruments de bord x 3 - 20 000 € / an de formation pour un pilote |
Compagnie aérienne « Air Urgences » |
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- des passagers dans les couloirs - pas assez d’hôtesses - le plein a minima - décollage et atterrissage par tout temps - un seul pilote … (et encore) |
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1000 morts évitables / an (en appliquant aux urgences les calculs de Ph Juvin) |
10 morts par an, en moyenne, en France |
5 pistes pour l’avenir !
Les urgences étant souvent étiquetées de « porte » ou de « vitrine » de l’hôpital, Samu Urgences de France, entend s’impliquer, au coté des Agences Régionales de Santé, dans cette réorganisation des rôles entre médecine de ville et hôpital pour la prise en charge des urgences et de la permanence des soins. Si la Loi HPST définit le cadre général de l’évolution de notre système de santé, tout reste à construire…
Samu Urgences de France propose cinq pistes à suivre :
- la territorialisation de la réponse,